Nature et Origine du liquide émis par les Femmes Fontaines

INTRODUCTION

Certaines femmes rapportent une émission de liquide importante durant les rapports sexuels allant de 0,3 à plus de 150 ml (Wimpissinger et al). Bien que difficile à déterminer, la prévalence de ces femmes qui ont eu occasionnellement ou régulièrement une expulsion de liquide durant la stimulation sexuelle serait de 10 à 40 % des femmes. L’origine de ce fluide a été sujet à controverse pendant très longtemps (Korda et al) : certains auteurs évoquent une hyper lubrification vaginale, ou une sécrétion des glandes de Bartholin  ou de la prostate féminine (Glande de Skene), ou une émission d’urine. Bien qu’il existe très peu d’études sur le sujet, des travaux récents ont montré que le liquide provenait de l’urètre et excluent donc une origine vaginale ou Bartholinnienne.  Rubio Casillas et al ont montré chez une participante qu’il existait 2 phénomènes distincts : une émission d’un liquide blanc, laiteux, épais, en très faible quantité et une émission en plus grande quantité avec un liquide transparent peu coloré. Dans l’étude ici présentée, les auteurs ont choisi de s’intéresser aux femmes qui émettent un liquide abondant (que nous appelons en France : Femme Fontaine) et d’analyser biochimiquement cette émission fontaine (squirt en anglais) et de localiser échographiquement une collection liquidienne durant la stimulation sexuelle qui pourrait expliquer ce mécanisme.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Participantes

Sept participantes volontaires, adressées par des collègues, ont accepté, après information et signature d’un consentement, d’être incluses dans l’étude. Toutes avaient une expérience régulière d’une émission importante de liquide durant la stimulation sexuelle, plus de 18 ans avec un IMC normal, aucune pathologie chronique ou neurologique, aucun antécédent d’incontinence urinaire d’effort ou per coitale, aucune pathologie ou infection vésicale, vaginale, ou utéro-annexielle et pas de grossesse en cours.

Protocole

Après un interrogatoire concernant les antécédents médicaux, leur histoire sexuelle, et leur expérience de femme fontaine, il a été demandé à chaque participante d’uriner et un premier échantillon a été prélevé (BSU). Puis une première échographie pelvienne a été réalisée (US1) afin de confirmer l’absence de pathologie et de contrôler la vidange vésicale complète.  Puis la participante a été laissé seule dans la salle d’échographie et a réalisé seule (avec sex toy) ou avec son partenaire (rapports protégés avec préservatifs) une stimulation sexuelle adéquate. Lorsque la femme a ressenti une excitation suffisante, une seconde échographie (US2) a été réalisée afin de visualiser une collection liquidienne pelvienne. Puis la femme a émis le liquide fontaine qui a été recueilli dans un sac stérile afin qu’un second échantillon (S) puisse être collecté. Une troisième échographie (US3) a été immédiatement réalisée.  Puis une nouvelle miction a été demandée à la participante et un échantillon collecté (ASU).

Un dosage de l’urée la créatinine, de l’acide urique et du PSA a été réalisé sur les 3 échantillons (BSU, S, ASU).

 

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RÉSULTATS

Caractéristique de la population

Concernant les 7 participantes, l’âge médian est de 28 ans et l’IMC médian est de 20,9 kg/m2. Quatre était nullipare et trois avaient déjà eu des enfants.  L’âge médian du  premier rapport était à 15 ans. Durant les 6 derniers mois, toutes avaient une vie sexuelle active et avait en moyenne 8 rapports par mois. Leur première expérience fontaine avait eu lieu dans les 5 années précédentes. Toutes rapportent que cette émission reste partenaire dépendant et pour 6/7 cela survient qu’avec la stimulation digitale de la paroi antérieure du vagin.

Émission fontaine

La stimulation a été faite seule pour 2 participantes et 5 étaient accompagnés de leur partenaire. La durée a varié entre 25 et 60 minutes et le volume recueilli variait entre 15 et 110 ml. Les participantes ont rapporté que l’orgasme était survenu pendant ou juste après l’émission et que le volume émis leur semblait moindre qu’ « à la maison ».

Échographie

Pour les 7 participantes, après la première miction, comme attendu, la vessie était complètement vide et aucune anomalie pelvienne n’a été détectée (sauf un aspect OPK chez une participante). Après la stimulation sexuelle, l’échographie US2 était identique à l’échographie US1 en dehors d’un significatif de la vessie. L’échographie US3, juste après l’émission fontaine, retrouve une vessie complètement vide.

Analyse biochimique

Dans les urines avant stimulation sexuelle (BSU), le liquide fontaine (S) et les urines après émission (ASU), il n’ y a pas de différence significative concernant les concentrations  d’urée, de créatinine et d’acide urique. Pour 5 participantes, le PSA a été détecté dans le S et ASU alors qu’il était indétectable dans BSU.

DISCUSSION

L’origine du liquide émis par les femmes fontaines a, parfois, été à tort attribué à la prostate féminine (glande para urétrale). Mais le faible volume de ces glandes rendait peu crédible cette hypothèse (volume : 2 à 4 ml, poids : 2,6 à 5,2 g), alors que le volume émis pouvait dépasser le 150 ml. L’originalité de cette étude était de coupler une analyse biochimique et une exploration échographique du pelvis. Les résultats démontrent clairement que ce fluide est une émission involontaire d’urine provenant de la vessie avec une participation accessoire et non indispensable de la prostate féminine.  La présence d’urée, de créatinine et d’acide urique signe la production rénale de ce liquide. La présence de PSA dans S, chez 5 participantes peut être expliquée par le fait que la prostate ait été mécaniquement stimulée. L’absence de PSA chez 2 participantes confirme l’hypothèse que l’émission fontaine et l’éjaculation féminine (provenant de la prostate) sont 2 phénomènes distincts.  

Il existe 2 types d’incontinence urinaire coïtale : l’une mécanique survenant durant la pénétration et une autre péri orgasmique. Aucune des participantes de cette étude ne rapporte d’incontinence urinaire à la pénétration. Et ce phénomène de « femme  fontaine » pourrait être assimilé à une forme d’incontinence coïtale orgasmique. Mais il a été démontré (Khan et al) que les femmes ayant une incontinence urinaire orgasmique, avaient une hyperactivité détrusorienne (69 %). Et une autre étude (Carthwight et al) a montré qu’il n y avait pas de différence sur le bilan urodynamique de 6 femmes se disant « fontaines » par rapport à 6 témoins. Il a été montré également que les femmes qui avaient une incontinence urinaire d’effort avaient aussi possiblement une incontinence coïtale. Dans la présente étude les auteurs n’ont pas pu réaliser de bilan urodynamique préalable mais ont interrogé les participantes durant l’interrogatoire sur leur antécédents et une éventuelle problématique d’incontinence urinaire afin d’éviter une facteur confondant.

Ce phénomène de squirting résulte le plus souvent de l’association de la stimulation de la paroi antérieure du vagin (complexe clitorido-uretro-prostato-vaginal ou « Point G ») et d’un statut émotionnel facilitant avec confiance et relaxation (lâcher prise). Dans un questionnaire en ligne récent, près de 80 % des femmes ayant témoigné rapportent qu’être fontaine a été un enrichissement dans leur vie sexuelle (Wimpissinger et al). Mais malheureusement les auteurs n’ont pas fait la distinction entre celles qui émettaient 0,3 ml (éjaculation prostatique) et  celles qui émettaient plus de 150 ml (femme fontaine). Et nous ne pouvons savoir si la perception du squirting par les femmes est en lien avec volume émis. Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer si des mictions fréquentes durant le rapport sexuel, permettent d’améliorer la qualité de vie sexuelle pour les femmes qui sont gênées par cette situation.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient tous ceux et celles qui ont collaboré à cette étude et en particulier les 7 participantes.

Korda JB, Goldstein SW, Sommer F. The history of female ejaculation. J Sex Med. 2010;7:1965-75.
Wimpissinger F, Springer C. Stackl W. International online survey: female ejaculation has a positive impact on women's and their partners' sexual lives. BJU Int. 2013;112:177-85
Rubio-Casillas A, Jannini EA. New insights from one case of female ejaculation. J Sex Med. 2011;8:3500-4.
Khan Z, Bhola A, Starer P. Urinary incontinence during orgasm. Urology 1988;31:279–82.
Cartwright R, Elvy S, Cardozo L. Do women with female ejaculation have detrusor overactivity? J Sex Med. 2007;4:1655-8.
Rubio Casillas et al.
Khan et al
Carthwight et al