Pourquoi les femmes demandent un embellissement de l’intime

Depuis plus de 50 ans, la beauté et l’esthétique du corps en général et celui de la femme en particulier ont pris une grande importance dans les codes de notre société. Pour répondre à la demande de certaines femmes qui souhaitent lutter contre le vieillissement, ou optimiser leurs atouts de séduction, la chirurgie et la médecine esthétique ont proposé un remodelage s’intéressant à la silhouette globale (implants mammaires ou fessiers, lipoaspiration hanche, cuisse,…) et aux détails du visage (nasoplastie, lifting, blépharoplastie, remodelage des lèvres ...). Depuis le début du XXIème siècle, un intérêt nouveau et plus discret est apparu pour la cométique d’une zone pourtant cachée et non exposée : la vulve. L’embellissement de cette partie intime connaît un véritable engouement avec une forte hausse des demandes de la chirurgie avec la réduction des petites lèvres, la réduction du capuchon du clitoris, la correction des cicatrices périnéales ou la correction de la béance vulvaire. Ces approchent chirurgicales ont été complétés par la médecine esthétique avec l’agrandissement des grandes lèvres avec injection d’acide hyaluronique ou de graisse, la réjuvenation vaginale avec les lasers ablatifs, la radio fréquence ou la photobiomodulation et la dépigmentation vulvaire ou anale (1,2). Toutes ces techniques tentent d’apporter de la satisfaction aux demandes d’embellissement  avec des résultats plus ou moins probants (3) Certains auteurs s’opposent a ces prises en charge et les comparent à des mutilations sexuelles de type 4 (4,5). La plupart des sociétés savantes de gynécologie obstétrique, tout autour du monde, mettent en garde contre la réalisation des ces procédures et invitent à la prudence, invoquant le peu d’études publiées et le risque de douleurs post opératoires (6). Des études concernant la satisfaction des femmes après chirurgie rapportent des taux supérieurs à 90 % (3).

Il semble légitime et non discutable de prendre en charge les demandes des patientes ayant des anomalies congénitales (brides vaginales) ou acquises (béance vulvaire, déchirures des petites lèvres), ou des douleurs (dyspareunies superficielles sur cicatrice d’épisiotomie) ou présentant de l’inconfort (grandes petites lèvres gênantes sur une selle de vélo). Mais il est intéressant de se questionner sur les motivations de ces femmes de tout âge qui consultent avec une demande purement esthétique et non fonctionnelle.

Pour apporter quelques éléments de réflexion à ce questionnement et comprendre le phénomène auquel nous assistons, il est tout d’abord nécessaire de rappeler que la construction de la  sexualité de chaque individu a été influencée dès le plus jeune âge par 4 éléments :

  • l’éducation familiale avec la morale et la religion : Quel est la vision transmisse par les parents sur la sexualité ?  Qu’est-ce qui est morale et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
  • les connaissances de la médecine : Qu’est-ce qui est bon pour la santé ? Qu’est-ce qui est dangereux ?
  • la loi du pays : Qu’est-ce-qui est autorisé ? Quelles sont les pratiques qui sont interdites ?
  • la société avec l’art et les médias : Qu’est-ce qui est tendance ? Quelles sont les pratiques « à la mode » ? Qu’attend-on d’un homme ou d’une femme dans la relation amoureuse ou sexuelle?

Concernant le rapport sexuel, les enjeux que l’homme et la femme s’imposent à cause des diktats de la société, sont différents selon le sexe. En effet, le plus souvent, l’homme a une angoisse vis à la vis de sa performance concernant la qualité et la durée de l’érection, le plaisir offert à sa partenaire, et sa capacité à jouir.  La femme a, certes, également une « performance » attendue pour que le coït se passe au mieux en produisant une lubrification suffisante mais le cas échéant, une excuse telle que le stress, la contraception, la ménopause, ou le préservatif est souvent avancée et des lubrifiants apportent facilement une solution. Lorsqu’une femme s’engage dans un rapport sexuel, sa véritable inquiétude se porte bien souvent sur l’esthétique et elle s’interroge sur sa beauté, son attractivité, le désir et l’excitation qu’elle peut procurer chez son partenaire. Certaines femmes ont déjà refusé un rapport qu’elles souhaitaient pourtant, car elles n’étaient pas « prêtes » : épilation non parfaite, kilos en excès,… Il est intéressant de noter également que chacun est plus exigeant avec lui même qu’il ne l’est envers son/sa partenaire. La femme rassurera l’homme avec une dysfonction érectile, lui proposant des alternatives non phallo-centrées alors que l’homme s’entêtera à se morfondre dans son incapacité. L’homme désirant sa partenaire n’apportera que peu d’importance à une épilation imparfaite, alors que cette situation est inconcevable pour la femme.

Depuis les années 60, les sous-vêtements et les maillots de bain se sont de plus en plus échancrés  et raccourcis, induisant une adaptation de la pilosité avec une  réduction voire une disparition totale. Concernant les formats d’épilation, l’évolution des tendances des ces dernières années montent une majoration des extrêmes et un sondage IFOP publié en 2019 pour le magasine ELLE, rapporte que 28% des femmes ne s’épilent pas (+ 13% par rapport à 2013) et 30 % des femmes avait une dépilation complète sur les grandes lèvres (+8%). Les femmes expliquent que l’épilation du maillot est motivée par des raisons esthétiques (38%), pour de meilleures sensations au toucher (27%), pour les pratiques sexuelles oro-génitales (26%), pour des raisons hygiéniques (20%), pour plaire au partenaire (19%) ou pour suivre un modèle issue du cinéma pornographique (6%) (7). Ces nouvelles coupes pubiennes découvrant les petites et/ou grandes lèvres ont fait apparaitre de nouveaux questionnements : La vulve exposée au regard est-elle normale ? Est-elle jolie ?

En 2013, P. Brenot a mené une étude en ligne interrogeant plus de 3000 femmes sur leur sexualité. Parmi les questions posées, 2 s’intéressaient à leur sexe. Il apparaît que 15% des femmes n’ont jamais regardé leur sexe en détails. Et que parmi celles qui l’ont regardé, seulement 45% le trouve joli (8). L’année précédente, dans une étude similaire concernant 2000 hommes, il note que 88% des hommes interrogées aime le sexe de leur partenaire et le trouve joli  (9).

Mais qu’est-ce que la normalité dans l’anatomie de l’intime ? Quel est le canon de beauté dans l’esthétique de l’intime ?

La vulve n’a jamais été représentée en détail dans l’art : ni sur les statues antiques, ni dans la peinture. Seul un bombement lisse était visible sur les représentations de femmes nues, sans aucun poil, sans fente (10). En 1866, le tableau clandestin de Gustave Courbet, « L’origine du monde », a été jugé obscène car il représentait, pour la première fois, le sexe féminin avec sa pilosité et un peu de chair visible dans la fente. Plus récemment, afin de montrer la grande variabilité de l’anatomie vulvaire et pour lutter contre l’idée d’un modèle standard, unique et parfait, plusieurs projets artistiques ont vu le jour. « The Great Wall of vagina » de Jamie Mac Carthney expose 400 moulages de vulve, toutes différentes. Le site internet « Labia library.» publie des photos de vulve envoyées par des internautes qui souhaitent participer à montrer la diversité de l’anatomie vulvaire.

Concernant la tendance de mode, il est intéressant de constater l’évolution du Camel Toe au cours de ces dernières années. En effet, dans le jargon populaire le « Camel toe » représente l’empreinte de la vulve épilée moulée sur le maillot de bain ou sur le short (en référence au pied de chameau). Et cette marque a longtemps été jugée inacceptable et vulgaire obligeant certaines femmes gênées à mettre des protections. Mais suite à l’exposition de plusieurs chanteuses ou influenceuses, il semble que cette empreinte, tende à devenir « à la mode ». Des prothèses ont même été mises sur le marché pour donner l’illusion de grandes lèvres galbées et volumineuses. Même au niveau vulvaire les modes changent…

L’esthétique de leur intimité devient aujourd’hui une véritable préoccupation pour de nombreuses patientes de tout âge, entrainant de la gène, des complexes et parfois un mal–être.  Près de 10 % des femmes interrogées dans une étude pour un mémoire de sexologie envisagerait un embellissement de l’intime (excluant l’aspect financier) (11). Un interrogatoire évaluant la souffrance, accompagné d’examen médical, génital et sexologique de la patiente, et d’un counseling basé sur les données publiées doivent guider le praticien à prendre en charge la patiente (ou non) (12). Il paraît évident que toutes les demandes ne doivent pas aboutir à une prise en charge.

 

Bibliographie :

  1. Goodman MP. Female genital cosmetic and plastic surgery: A review. J Sex Med. 2011;8:1813–1825.
  2. Wiśniewska-Ś Lepaczuk K, Pieczykolan A, Grzesik-Ga Sior J, Wdowiak A. Review of Aesthetic Gynecologic Procedures for Women. A.Plast Aesthet Nurs (Phila). 2022 Oct-Dec 01;42(4):226-237. 
  3. Goodman MP, Placik OJ, Benson RH III, Miklos JR, Moore RD, Jason RA, Matlock DL, Simopoulos AF, Stern BH. A large multicenter outcome study of female genital plastic surgery. J Sex Med. 2007;4(6):1565–1577.
  4. Puppo V. Can female genital cosmetic surgery be considered or classified as female genital mutilation type IV?. Gynecol Obstet Invest 2012;73:48-52.
  5. Halder GE, Iglesia CB, Rogers RG.Controversies in Female Genital Cosmetic Surgeries. Clin Obstet Gynecol. 2020 Jun;63(2):277-288.
  6. Elective Female Genital Cosmetic Surgery: ACOG Committee Opinion Summary, Number 795. Obstet Gynecol. 2020 Jan;135(1):249-250.
  7. Sondage IFOP pour ELLE- 2019, Ou en est la vie sexuelle des francaise en 2019? (https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/02/116130_Ifop_ELLE_Mag_2019.02.014.pdf)
  8. Brenot P. Les femmes, le sexe et l’amour. Paris: Éditions des Arènes; 2012.
  9. Brenot P. Les hommes, le sexe et l’amour. Paris: Éditions des Arènes; 2011.
  10. Schwentzel CG. Depuis quand la vulve est obscène ?; The Conversation, 2019. (https://theconversation.com/depuis-quand-la-vulve-est-elle-obscene-124820)
  11. Le Boom de l’esthétique vulvaire ; Esmer S. UVSQ, 2025
  12. Shaw D, Lefebvre G, Bouchard C, Blake J, Allen L, Cassell K, et al. Chirurgie esthétique génitale chez la femme. J Obstet Gynaecol Can. 2016 déc;38(12 Suppl):S370–5.

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