Auteurs : A. Dhanya Mackeen; Maranda V. Sullivan; Vincenzo Berghella.
La césarienne est la chirurgie la plus pratiquée aux Etats Unis (32 % des naissances). Au travers le temps, de nombreuses études ont été publiées pour décrire le meilleur protocole de césarienne et justifier (ou contre indiquer) les temps opératoires, faisant évoluer la technique. Les auteurs proposent aujourd’hui une revue de littérature actualisée et émettent des recommandations, établies à partir de l’Evidence Based Medecine, sur le management de la césarienne depuis le pré opératoire à domicile jusqu’à la sortie de la maternité en décrivant toutes les étapes pour permettre de réduire la morbidité et la mortalité maternelles et néonatales.
L’AVANT CÉSARIENNE
Le temps préopératoire de la césarienne commence avant l’arrivée à l’hôpital et se termine à l’incision cutanée. Une douche au savon ou avec une solution antiseptique doit être prise la veille au soir avant l’intervention. Il n’a pas été montré qu’un autre temps de nettoyage cutané diminue le risque infectieux. Il n’est pas nécessaire de dépiler le site opératoire, mais si l’équipe opératoire le souhaite, il est préférable d’utiliser les tondeuses ou les crèmes dépilatoires en évitant le rasage. Une préparation colique (lavement) n’est pas recommandée. Il est possible de manger léger jusqu'à 6 heures avant l’intervention et de boire un liquide clair jusqu’à 2 heures avant. (Boissons sucrées possibles pour les patientes non diabétiques). Concernant l’antibiothérapie, une perfusion de Cefazoline est recommandé 1 heure avant l’intervention (Dose : 1 à 2 g pour les femmes non obèses de moins de 80kg ; 2g si plus de 80 kg). Une perfusion d’Azythromycine est recommandée en cas de césarienne en cours de travail ou en cas membranes rompues. La Gabapentine pré opératoire permet de réduire la douleur dans les suites post opératoires. La perfusion d’Acide Tranexamique est recommandée pour toutes les patientes à risque d’hémorragies du post partum et peut être envisagée pour toutes les parturientes. La prophylaxie thrombo-embolique mécanique par bas de contention doit être initiée dès le pré opératoire et poursuivit jusqu’à la déambulation de la patiente. La musicothérapie, le réchauffement de la patiente et une température adéquate de la salle d’opération, améliorent les issues de la mère et du nouveau-né. Le niveau de bruit dans la salle doit permettre une bonne communication entre les équipes. Le positionnement sur le flanc gauche permet de diminuer les épisodes d’hypotension et est recommandé. La préparation de la peau et du vagin doit être fait à la Chlorexidine (préférentiellement) ou la Povidone iodée. La mise en place d’une sonde urinaire à demeure n’est pas nécessaire. Il est recommandé d’utiliser des champs opératoires non adhésifs. L’utilisation d’un Cell Saver pour la récupération de sang n’est pas recommandée en routine (bien que efficace pour les patientes à haut risque hémorragique). L’oxygénothérapie n’améliore pas les résultats. La Check List de sécurité pré opératoire avec un temps d’attente est recommandée avant l’incision.
LA TECHNIQUE DE CÉSARIENNE
- De la peau à la délivrance
Il est recommandé de mettre en place, durant la césarienne, une procédure orientée autour de la famille avec la présence d’un accompagnant (si souhaité) assis à la tête de la patiente. L’utilisation de champs transparents permettra au couple d’assister à la sortie de l’enfant. Il pourra être donner à l’accompagnant la possibilité de couper le cordon. Le nouveau-né sera placé pour un peau-à-peau immédiat. Tout ceci améliore le vécu et la satisfaction sans augmenter les risques opératoires.
L’incision cutanée transversale basse (à la lame ou au bistouri électrique) est préférable, et les méthodes Joël-Cohen ou Pfannenstiel sont acceptables. Pour les patientes obèses avec un IMC > 35 kg/m2, l’incision de Cohen est possible (y compris supra ombilicale) avec des résultats similaires à celle de Pfannenstiel (infra ombilical ou infra pannus), bien qu’elle soit associée à des scores d’Apgar plus faibles et une moindre satisfaction du chirurgien quant à la faisabilité. L’ouverture des tissus sous-cutanées doit être faite au bistouri électrique (diathermie), préférentiellement à la lame. Bien que les suites opératoires de la césarienne puissent être améliorées par la technique extra-péritonéale, la technique trans-péritonéale reste la référence. L’incision aponévrotique est initialement réalisée à la lame puis l’extension peut être poursuivie avec les ciseaux ou par étirement aux doigts. Il n’est pas recommandé de réaliser le décollement des muscles grands droits ou leur section. Si nécessaire, la technique de Maylard modifiée est possible. Bien que les données soient limitées, l’ouverture du péritoine doit être faite aux doigts. Il n’y a pas lieu de réaliser un décollement du péritoine vésical avant l’incision utérine. Cette dernière doit être transversale basse avec une extension faite aux doigts avec une traction cranio-caudale. La sortie de la tête fœtale doit être faite avec la main. Si la tête fœtale est bloquée, il est possible de réaliser une extraction par le siège. Il est recommandé de retarder le clampage du cordon d’au moins 30 secondes jusqu’à 2 minutes (surtout pour les naissances prématurées) et de réaliser un prélèvement de sang pour l’analyse gazométrique. La Carbétocine est plus efficace pour prévenir les hémorragies du post partum immédiat. Les preuves concernant le massage utérin sont insuffisantes. Le placenta doit être retiré en exerçant une traction douce sur le cordon.
- De la délivrance au pansement.
Après la délivrance, la révision utérine à la compresse ne doit pas être réalisée car il n’a pas démontré qu’elle induisait moins de rétention. L’irrigation intra-utérine et l’ouverture mécanique du col ne sont pas recommandées. Il est possible d’extérioriser l’utérus pour la suture de l’hystérotomie, mais une suture intra-abdominale sans mobiliser l’utérus limite les nausées/vomissements et diminue les douleurs post opératoires. Il n’y a pas assez de preuve pour recommander une technique de suture utérine plutôt qu’une autre : surjet vs point séparés, surjet continu vs surjet passé (lock), un plan vs deux plans. Les 2 plans de sutures ont montré une épaisseur de myomètre plus épais sur la cicatrice et la suture transfixiante (de la séreuse à l’endomètre) pourrait être conseillée. Le changement de gants est recommandé après la délivrance et avant la fermeture de la paroi abdominale, généralement après la fermeture de l’hystérotomie. L’irrigation intra péritonéale, l’utilisation de barrière anti adhérentielle, la fermeture du péritoine, et le rapprochement des muscles grands droit ne doivent pas être réalisés. Il n’y a pas de suffisamment de données propres à la césarienne pour émettre des recommandations concernant la technique de fermeture de l’aponévrose, en dehors de données hors césariennes pour la fermeture d’une incision médiane verticale avec des points espacés de 5 à 8 mm avec un fil en mono filament. Pour améliorer la gestion de la douleur post opératoire, l’operateur peut réaliser une infiltration de la cicatrice avec un anesthésiant local (Bupivacaïne or Ropivacaïne). Avant la fermeture, une irrigation sous-cutanée avec du sérum physiologique peut être réalisée et diminue le risque d’hématome. L’utilisation de Povidone iodé n’a pas montré de bénéfice. L'utilisation systématique de drains sous-cutanés n'est pas recommandée. La fermeture de la couche sous cutanée peut être faite chez toutes les patientes, mais elle est particulièrement recommandée chez les femmes avec un pannicule > 2 cm. La peau doit être suturée avec un fil résorbable en mono filament (poliglecaprone). L’utilisation d’adhésifs complémentaires ou de Sterile Strip ne semble pas apporter de bénéfice. Si une couverture de la plaie doit être appliquée, il est possible de mettre un pansement imprégné d’acide gras (chlorure de dialkylcarbamoyle) ou un pansement de gaze standard. Une thérapie prophylactique de la plaie à pression négative peut être faite chez les femmes obèses. Le prélèvement du microbiote vaginal pour transfert néonatal n'est pas recommandé car n’a pas montré de bénéfice.
SOINS POST CÉSARIENNE
Il n’y a pas d’argument pour l’administration d’une antibiothérapie prophylactique systématique pour les patientes en post césarienne. Des doses complémentaires sont recommandées dans les cas suivants : patiente obèse qui n’a pas reçu les doses d’Azythromycine pré opératoire, intervention réalisée plus de 4h après la dose initiale, hémorragie > 1,5 L, et dans les suites d’une chorio-amniotite. Une perfusion d’ocytocine doit être poursuivie pour la prévention des hémorragies du post partum. Les mesures initiales de prévention de la douleur sont débutées durant l’intervention avec l'administration de paracétamol (1g en IV) et d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (30 mg de Kétorolac en IV). En post opératoire, la gestion multi modale de la douleur se poursuit avec le paracétamol et les AINS en per os, toutes les 6 heures. L’adjonction d’opioïdes de courte durée est réservée aux pics douloureux. La prophylaxie thrombo-embolique mécanique avec les bas de contention concerne toutes les patientes au moins jusqu’à la reprise ambulatoire ; la thromboprophylaxie par HBPM est réservée aux femmes avec des facteurs de risques supplémentaires. La mise en place d’une sonde urinaire à demeure n’est pas recommandée avant une césarienne mais si elle a été mise en place avant une césarienne programmée, elle doit être retirée en fin d’intervention. La mastication de chewing gum (30 minutes, 3 fois par jour) et la reprise orale rapide d’aliments solides dans les 2 heures aident à la reprise du transit intestinal. Selon des données hors césariennes, il est recommandé de prescrire des antagonistes 5HT3 associés à des antagonistes dopaminergiques et des corticoïdes pour éviter les nausées et vomissements post opératoires. La mobilisation précoce et la déambulation (10 minutes, 3 fois par jours) sont recommandées après les 4 heures suivant la césarienne et encouragées avec un podomètre. Si un pansement a été mis sur la cicatrice, il doit être laissé 48 heures. Différentes approches non pharmacologiques telles que l’acupression, acuponcture, l’aromathérapie, le café, le gingembre, et la stimulation nerveuse électrique transcutanée peuvent améliorer la récupération post opératoire en diminuant la douleur, en diminuant les nausées/ vomissements et en accélérant la reprise du transit. Chez les patientes à bas risque, un retour à domicile est possible après 24/48h si un suivi néonatal tous les 1 à 2 jours est possible pour le dépistage de l’ictère néonatal, sinon les patientes doivent revenir 2 à 3 jours après l’intervention A la sortie, une prescription de paracétamol et d’AINS doit être maintenue. Des opioïdes de courtes peuvent être prescrits au cas par cas, selon les besoins. Les conseils durant le séjour à la maternité concernent : l’espacement des grossesses d’au moins 18/24 mois, l’encouragement à l’allaitement maternel exclusif pendant au moins 6 mois, la reprise rapide de l’activité physique et la reprise des rapports sexuels selon le désir de chacun. Avant la césarienne, doit avoir eu lieu une discussion concernant l’éventuelle pose immédiate per opératoire d’un dispositif intra utérin, la possibilité d’une salpingectomie bilatérale, et la mise en place de contraception à longue durée d’action dans les suites de couches immédiates. La mise en place de ces protocoles permet de réduire les durées de séjour, les infections du site opératoire, d’améliorer la satisfaction des parents et d’augmenter le taux d’allaitement
COMMENTAIRE DU RÉDACTEUR :
Alors qu’au milieu du XXème siècle, la césarienne était très peu pratiquée car empreinte d’une très forte morbi-mortalité (complications hémorragiques, infectieuses et thromboemboliques) ; aujourd’hui en France, près de 1 enfant sur 5 nait après une césarienne en urgence ou programmée.
En parallèle des avancées thérapeutiques (antibiothérapie, anti coagulation, et matériels chirurgicaux,…), la technique de césarienne a beaucoup évolué et progressé depuis l’incision verticale puis la technique de Pfannenstiel, Mouchel et enfin Joël-Cohen adaptée par Stark afin d’assurer des suites opératoires plus sures et plus confortables pour la parturiante.
Continuons à adapter nos prises en charge selon les nouvelles données médicales basées sur les études afin d’améliorer la préparation pré opératoire, la technique et les gestes de l’intervention et pour les suites de couches avec une réhabilitation améliorée.
De nouvelles données viendront sans aucun doute nous inviter à modifier et adapter encore nos pratiques dans le futur.
Références :
- Evidence-based cesarean delivery: preoperative management (part 7). Mackeen AD, Sullivan MV, Berghella V.Am J Obstet Gynecol MFM. 2024 May;6(5):101362. doi: 10.1016/j.ajogmf.2024.101362.
- Evidence-based cesarean delivery: intraoperative management from skin incision until placental delivery (Part 8). Mackeen AD, Sullivan MV, Berghella V.Am J Obstet Gynecol MFM. 2025 Jan;7(1):101576. doi: 10.1016/j.ajogmf.2024.101576.
- Evidence-based cesarean delivery: intraoperative management following placental delivery until skin closure (part 9). Mackeen AD, Sullivan MV, Berghella V.Am J Obstet Gynecol MFM. 2025 Jan;7(1):101548. doi: 10.1016/j.ajogmf.2024.101548.
- Evidence-based cesarean delivery: postoperative care (part 10). Mackeen AD, Sullivan MV, Bender W, Di Mascio D, Berghella V.Am J Obstet Gynecol MFM. 2025 Jan;7(1):101549. doi: 10.1016/j.ajogmf.2024.101549.