Évaluation à long terme de la chirurgie du cancer du sein sans exploration chirurgicale axillaire

Le traitement chirurgical du cancer du sein non métastatique a considérablement évolué depuis une vingtaine d’années. Ainsi, les indications de curage axillaire (CA) ont progressivement été réduites depuis l’avènement au début des années 2000 de la biopsie du ganglion sentinelle (BGS). Devant l’engouement pour cette technique dont il a été rapidement démontré sa faible morbidité, le CA a donc été rapidement abandonné en l’absence de GS métastatique, mais également plus récemment en présence de GS micrométastatique, voire macrométastatique pour certaines équipes, suite à la publication des résultats de l’essai ACOSOG Z-0011 en 2011. Ainsi, il a été démontré que l’ablation chirurgicale d’un ganglion métastatique ne permet pas d’améliorer significativement le contrôle locorégional et la survie. De plus, puisque l’information ganglionnaire n’est plus un élément décisif permettant d’indiquer une thérapeutique adjuvante, il apparait aussi légitime de s’interroger sur l’intérêt de toute exploration chirurgicale axillaire chez des patientes ayant un cancer du sein de bon pronostic et à faible risque d’envahissement ganglionnaire. Cette prochaine étape de désescalade chirurgicale du cancer du sein est maintenant en cours avec l’essai italien « SOUND » comparant la BGS à l’abstention chirurgicale axillaire en cas de cancer du sein T1N0 et échographie axillaire (+ cytoponction) négative.

L’étude rétrospective monocentrique publiée récemment par O'Connell a eu pour objectif d’évaluer le risque de récidive axillaire (RA) et la survie en l’absence de toute exploration chirurgicale axillaire chez des patientes ayant un cancer du sein considéré comme à « faible risque », c’est-à-dire  patientes ménopausées, récepteurs aux œstrogènes positifs, tumeur < 20 mm pour les grades 1, et < 15 mm en cas de grade 2, et sans embol lymphovasculaire. La période d’étude était comprise en janvier 1995 et novembre 2006.

194 patientes dont l’âge médian était de 67 ans n’ont pas eu d’exploration chirurgicale axillaire. Seulement 42,2% des patientes ont eu une exploration échographique axillaire pré-opératoire. 91 % des patientes ont eu une chirurgie conservatrice du sein. Six patientes ont eu une chimiothérapie. 126 patientes étaient considérées comme à « faible risque ». Le suivi médian était de 10 ans (0,2 à 19,4 ans). Les taux de RA à 5 et 10 ans étaient respectivement de 0,8 % et 1,9 %. La survie sans récidive était 96,6 % à 5 ans et 91,2 % à 10 ans et la survie globale de 90,3 % et 75,5 %. Le délai moyen entre la chirurgie et la RA était de 29 mois.

Cette étude, certes rétrospective, démontre après un recul de 10 ans que les patientes ayant un cancer du sein dit de « bon pronostic » ou à « faible risque » traité sans exploration chirurgicale axillaire ont un faible risque de RA. Un essai randomisé publié précédemment en 2012 (Martelli et al, Ann Surg 2012) a confirmé l’absence de bénéfice du CA en comparant ce dernier avec l’abstention, associé à une radiothérapie du sein (et non de l’aisselle) et suivi de 5 ans de tamoxifène. Cette étude a montré chez 238 patientes âgées de plus de 65 ans ayant un cancer du sein  < T1-N0, après un suivi de 15 ans, un taux de RA de 6% dans le groupe abstention mais des taux de SG et de survie sans métastase équivalents dans les deux groupes.

Ces résultats récents confirment à nouveau l’absence de bénéfice thérapeutique du CA par rapport à l’abstention en cas de tumeur du sein N0. Les résultats de l’étude SOUND attendus dans quelques années ainsi que l’actualisation à 10 ans de l’essai ACOSOG-Z0011 prévue pour l’ASCO 2016 permettront probablement de confirmer l’inutilité d’une chirurgie axillaire dans certaines situations.

O'Connell RL, Rusby JE, Stamp GF, Conway A, Roche N, Barry P, Khabra K, Bonomi R, Rapisarda IF, Della Rovere GQ. Long term results of treatment of breast cancer without axillary surgery - Predicting a SOUND approach? Eur J Surg Oncol 2016 Apr 13 (doi: 10.1016/j.ejso.2016.03.027).