Perspectives dans la prise en charge des cancers de l’ovaire : Ganglion sentinelle, séquence thérapeutique et voie mini-invasive

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Le cancer de l’ovaire peut être diagnostiqué à un stade dit présumé précoce, lors de la découverte d’une masse ovarienne suspecte, ou à un stade avancé (avec une localisation péritonéale ou ganglionnaire de la maladie), situation la plus fréquente.

Dans la première situation, le rôle du chirurgien est de réaliser, en complément de la chirurgie d’exérèse tumorale (annexectomie bilatérale avec hystérectomie, en dehors d’un contexte de chirurgie de préservation de la fertilité) une stadification péritonéale et ganglionnaire, destinée à ne pas méconnaitre une localisation qui placerait la maladie à un stade avancé, avec la conséquence d’adapter l’indication des traitements adjuvants. Cette stadification repose sur la réalisation d’une cytologie péritonéale, de biopsies péritonéales, d’une omentectomie infracolique et, selon l’histologie du primitif ovarien, de curages pelviens et lomboaortique. Si l’étude LION n’a pas montré de bénéfice pronostique à la réalisation de curage systématique en cas de cancer de l’ovaire avancé et en l’absence d’atteinte ganglionnaire suspectée, il persiste une indication à la réalisation de ces curages pour la stadification de certains cancers à un stade présumé précoce. La chirurgie gynécologique cancérologique s’est illustrée avec l’adoption de la technique du ganglion sentinelle (GS) pelvien comme standard pour la prise en charge des cancers de l’endomètre de stade I et II et pour les cancers du col de stade précoce (jusqu’au stade IB2). Cette technique est encore à l’étude dans les cancers de l’ovaire de stade présumé précoce et son développement pourrait réduire la radicalité et donc la morbidité inhérente à la réalisation de ces curages, positifs dans 5% à 30% des cas (15% à 20% pour les carcinomes ovariens séreux de haut grade). Néanmoins, l’application de cette technique est rendue plus difficile notamment par la difficulté à standardiser l’approche (site d’injection, nature du traceur utilisé, …). Dans l’étude multicentrique SELLY (2018-2022) qui évaluait la technique du GS par vert d’indocyanine chez 174 patientes atteintes d’un cancer épithélial de l’ovaire de stade I-II présumé, un GS a été réalisé chez 97,1 % des patientes, avec taux de détection de 58,6%. Parmi les 15 patientes (15,1 %) présentant des métastases ganglionnaires, le GS a détecté la maladie dans 73,3% des cas, dont 63,6 % grâce à l’ultrastadification. La sensibilité était donc de 73,3% et la spécificité de 100%, mais 26,7% des cas métastatiques sont passés inaperçus. L’ultrastadification a permis d’identifier 35% des patientes positives, soulignant son importance malgré une sensibilité insuffisante de la technique du GS pour remplacer le curage systématique. Il convient donc de poursuivre les investigations avant d’implémenter cette stratégie en pratique courante.

Concernant la séquence thérapeutique, les résultats préliminaires de l’étude TRUST, présentés au congrès de l’ASCO en 2025 apportent des informations complémentaires pour sélectionner les patientes présentant un cancer de l’ovaire de stade avancé et éligible à une chirurgie première ou après chimiothérapie néoadjuvante (chirurgie d’intervalle). Cette étude de phase III menée chez 688 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire avancé (stade IIIB-IVB) montre une survie sans progression médiane de 22,2 mois (chirurgie première) contre 19,7 mois (chirurgie d’intervalle) (HR 0,80 ; p=0,02), et une survie globale médiane de 54,3 mois (chirurgie première) contre 48,3 mois (chirurgie d’intervalle) (HR 0,89 ; p=0,24). La chirurgie première offre un bénéfice plus marqué en cas de résection complète (PFS 27,9 mois, OS 67 mois). D’une manière générale, il semble que le bénéfice de la chirurgie première concerne davantage les patientes de stade III et ayant fait l’objet d’une chirurgie sans reliquat tumoral macroscopique, ce qui implique une sélection rigoureuse des patientes, prises en charge dans des centres experts, afin de réduire le risque de complication de la chirurgie et d’augmenter la proportion de patiente profitant d’une chirurgie de cytoréduction sans reliquat tumoral macroscopique, critère qui reste un facteur pronostique déterminant pour la survie des patientes.

Concernant la voie d’abord chirurgicale, la laparotomie xypho-pubienne reste la référence pour la chirurgie de cytoréduction des cancers de l’ovaire de stade avancé. Néanmoins, des données émergent dans la littérature scientifique pour proposer la voie d’abord mini-invasive (coelioscopique traditionnelle ou robot-assistée) pour intervenir dans certaines situations précises et pour des patientes sélectionnées. Dans l’étude rétrospective de Jorgensen et al., évaluant la chirurgie d’intervalle par voie mini-invasive à la laparotomie chez des patientes atteintes d’un cancer épithélial de l’ovaire avancé (stade IIIC-IV) après chimiothérapie néoadjuvante (7897 patientes), 25,6% ont bénéficié d’une voie mini-invasive, avec une augmentation de sa pratique entre 2013 et 2018. Après appariement, la survie globale médiane était de 46,7 mois (voie mini-invasive) contre 41 mois (laparotomie) [hazard ratio (HR) 0.86 (95%CI 0.79-0.94)]. La voie mini-invasive offrait une survie à 5 ans plus élevée (38,3 % versus 34,8 %), une mortalité postopératoire réduite, un séjour hospitalier plus court (3 versus 5 jours), moins de maladie résiduelle (23,9% versus 26,7%) et une complexité chirurgicale moindre. Dans cette étude, la voie mini-invasive apparaissait donc comme une alternative sûre et efficace à la laparotomie. Ces données sont rétrospectives et l’étude LANCE, en cours d’inclusion, devrait permettre de préciser la place de la chirurgie mini-invasive. Ce protocole correspond à un essai clinique international, prospectif, randomisé, multicentrique de phase III, conçu pour démontrer la non-infériorité de la voie mini-invasive. Les critères d’inclusion retenus sont les suivants : patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire de stade IIIC ou IV, de haut grade, ayant présenté une réponse complète ou partielle après trois ou quatre cycles de chimiothérapie néoadjuvante, évaluée par imagerie et par la normalisation du marqueur CA-125. Le critère principal d’évaluation est la survie sans maladie. L’étude inclut un échantillon de 549 patientes. Les résultats de sécurité portants sur les 100 premières inclusions ont été publiés et sont encourageants (Rauh-Hain JA et al.). Il est prévu que des centres français puissent rejoindre cette étude dans les prochains mois.

Au total, la chirurgie des cancers de l’ovaire évolue, mais il est primordial que les résultats de ces innovations soient évalués dans le cadre d’essais cliniques, pour des patientes rigoureusement sélectionnées dans des centres experts, avec l’exigence, pour la chirurgie des cancers avancés de toujours respecter l’objectif d’une chirurgie de cytoréduction sans reliquat macroscopique en fin d’intervention.

 

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