Cancers gynécologiques et activité physique

Les cancers gynécologiques représentent aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique. Le cancer du sein reste de loin le cancer le plus fréquent chez la femme avec une augmentation de son incidence ces dernières années. Il est estimé 61 214 nouveaux cas en 2023 versus 46 971 nouveaux cas en 2003 (+0.3% par an). Même si il est en baisse, il reste également le 1er cancer en termes de mortalité chez les femmes avec 12 757 décès en 2022 (-1.2% par an) (1).

Parmi les facteurs de risque pouvant concourir à l’apparition d’un cancer quel qu’il soit, il existe des facteurs de risque bien connus tels que le tabac (19.8%), l’alcool (8%), une alimentation déséquilibrée (5.4%) ou encore l’obésité (5.4%). Néanmoins le manque d’activité physique est également aujourd’hui reconnu comme un facteur de risque indépendant de survenue de cancers (estimé à 0.9%) (1).

L’activité physique est désormais identifiée comme un levier fondamental de la santé. Elle contribue au maintien d’une masse musculaire optimale, laquelle constitue un indicateur clé de l’état de santé général. La sarcopénie est définie comme une diminution de la masse musculaire qui en s’aggravant sera à l’origine d’une détérioration de la force musculaire et des performances physiques. La composition corporelle a une valeur pronostique importante en cancérologie. A tous les stades de la maladie, même à des stades localisés de cancers du sein par exemple il est démontré que la sarcopénie peut avoir un impact pronostique (2-3). Il est également démontré que ce déficit de masse musculaire est un facteur prédictif de réponse aux traitements, notamment à la chimiothérapie dans les cancers gynécologiques (4-6). Enfin cette sarcopénie est également associée à une majoration du risque de toxicités liées aux traitements, chimiothérapies mais aussi hormonothérapies (5;7).

Enfin cette sarcopénie est également évolutive sous traitement et donc induite par les traitements anti-tumoraux tels que les chimiothérapies et les hormonothérapies (8-10).

L’activité physique est définit comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique par rapport à la dépense énergétique de repos ». Ainsi l’activité physique n’est pas définit nécessairement comme du sport. Des activités quotidiennes tels que le jardinage, la bricolage, la montée des escaliers… sont de l’activité physique.

Les recommandations actuelles de l’OMS pour la population générale sont de pratiquer par semaine 2,5h à 5h d’activité d’endurance d’intensité modérée ou 1,25 à 2,5h d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue; elle devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes. Pour les patients pris en charge pour des pathologies chroniques il est recommandé également d’y associer des activités de renforcement musculaire au moins 2 fois par semaine, et des exercices d’assouplissement et de mobilité articulaire 2 à 3 fois par semaine. Enfin il est également nécessaire de limiter sa sédentarité, qui est définie par une dépense énergétique faible suite à une position assise ou allongée prolongée. On peut remplir les recommandations d’activité physique et être sédentaire, mais la sédentarité risque de gommer les effets bénéfiques de l’activité physique.

L’Activité Physique Adaptée désigne l’ensemble des activités physiques et sportives spécialement conçues ou ajustées pour répondre aux besoins, capacités et limitations de personnes ayant des problèmes de santé, des maladies chroniques ou des limitations fonctionnelles. Elle repose sur une évaluation individualisée et vise à améliorer ou maintenir la condition physique, l’autonomie, la santé globale et la qualité de vie, tout en assurant sécurité et progression maîtrisée.

Il est aujourd’hui démontré que l’activité physique a des bénéfices à tous les stades de la maladie cancéreuse, y compris dans les cancers gynécologiques, en termes de prévention primaire, de prévention secondaire, de survie et également sur la qualité de vie des patientes.

Pour ce qui est de la prévention, une activité physique suffisante et régulière est associée à une diminution du risque de plusieurs cancers, avec un niveau de preuve «probable» pour les risques de cancer du sein (avant et après la ménopause), et de l’endomètre notamment. Plusieurs méta-analyses montrent qu’une activité physique régulière diminue le risque de cancer du sein de 20 à 30 % (11-12). De même pour le cancer de l’endomètre, qui est fortement associé à l’obésité et au syndrome métabolique, les femmes actives physiquement semblent avoir une diminution du risque de survenue de cancer mais la sédentarité augmente en revanche le risque avec un niveau de preuve «suggéré» (13-14). Les résultats des études récentes ne permettent pas de conclure quant à l'association entre l’activité physique et la réduction du risque de cancers de l’ovaire, mais certains articles suggèrent en revanche un lien avec la sédentarité (15-16).

Les mécanismes présumés sont multiples: diminution de l’adiposité, qui réduit la production périphérique d’œstrogènes, amélioration de la sensibilité à l’insuline et baisse des marqueurs inflammatoires, modulation du système immunitaire, effets sur les facteurs de croissance (notamment l’IGF-1). L’effet protecteur est observé à tout âge, mais semble particulièrement marqué après la ménopause.

Nous avons également des données, principalement dans le cancer du sein, sur les bénéfices de l’activité physique sur le risque de rechute de la maladie avec plusieurs essais rapportant d’amples bénéfices (17-19), et également sur les bénéfices en survie liée à la maladie mais également en survie globale (incluant donc d’autres pathologies) (17 ;20). Même si elles sont moins fournies, il existe également des données similaires dans le cancer de l’endomètre (21). En revanche peu de données de ce type sont disponibles aujourd’hui pour le cancer de l’ovaire.

Enfin il est évident aujourd’hui que l’activité physique est indispensable pour améliorer la qualité de vie des patients, et cela à n’importe quel moment de leur prise en charge. Le principal symptôme décrit par près de 80% des patients est l’asthénie. Cette asthénie est en partie liée à un déconditionnement et une diminution de la tolérance à l’effort. Comme expliqué précédemment il existe une diminution de la masse musculaire chez les patients, induite à la fois par la maladie mais aussi par les différents traitements administrés. De plus les patients vont fréquemment réduire leur niveau d’activité physique en raison de leur fatigue, des effets secondaires des traitements, des douleurs, de l’anxiété ou la dépression, mais aussi de représentations sociales de la maladie qui peuvent les isoler. Ainsi cette diminution de l’activité physique (accompagnée d’une augmentation de la sédentarité) entretient la perte de masse musculaire, et les principaux symptômes de ce déconditionnement (asthénie, dyspnée d’effort…) peuvent donc persister dans le temps. À ce jour la seule intervention reconnue pour enrayer cette situation est l’activité physique. Il est bien démontré que l’activité physique réduit la fatigue, permet une majoration de la masse musculaire et/ou de la force musculaire, améliore la qualité de vie des patients et diminue l’anxiété et la dépression (22-24).

Il existe beaucoup de littérature dans le cancer du sein, évaluant des programmes d’activités physiques structurés ou en autonomie, quelques essais randomisés, et des revues ou méta analyses. L’ensemble des résultats s’accordent à démontrer un bénéfice sur la qualité de vie, la fatigue et la condition physique des patientes, y compris au stade métastatique (25). Les programmes supervisés ou mixtes (séances supervisées accompagnées d’un suivi à distance) donnent généralement de meilleurs taux d’adhésion et de gains fonctionnels que les interventions purement non supervisées (26). Certains essais démontrent également un bénéfice de tels programmes en situation néo-adjuvante (27).

Dans les autres cancers gynécologiques, la littérature reste plus pauvre.  Les essais disponibles sont majoritairement des études pilotes ou de faisabilité et des petits essais randomisés ; il existe quelques essais plus larges en cours ou récemment publiés, mais la littérature reste moins riche que pour le cancer du sein (28). Les interventions testées sont des programmes supervisés ou à domicile, souvent combinant entraînement aérobie et renforcement musculaire, parfois accompagnés d’un volet diététique ou coaching téléphonique (29). De la même façon néanmoins, les résultats sont similaires et montrent amélioration de la capacité aérobie, force musculaire, qualité de vie et réduction de la fatigue.

D’un point de vue législatif, depuis 2017 les consultations de prescription d’activité physique sont prises en charge par la sécurité sociale. Malgré plusieurs tentatives, pour le moment il n’existe pas ou peu de prise en charge des séances d’activité physique adaptée par la sécurité sociale, en fonction des régions. Certains mutuelles offrent aujourd’hui aux patientes une aide pour ces séances. De plus en plus de structures permettent un accès à de l’activité physique adaptée, au sein de clubs, d’associations et également via mes maisons sport-santé, en développement.

Ainsi, compte tenu de l’ensemble de ces bénéfices largement démontrés aujourd’hui, il semble nécessaire que cette prise en charge par l’activité physique puisse intégrer le parcours de soins des patientes, et cela à tous les stades de leur prise en charge, afin d’améliorer leur qualité de vie mais également possiblement d’avoir un impact sur leur pathologie.

 

Bibliographie

  1. Panorama des cancers en France – Édition 2025. Institut national du cancer (INCa)
  2. José Carlos Oliveira Júnior, et al. Computed tomography assessment of body composition in patients with nonmetastatic breast cancer: what are the best prognostic markers? Radiol Bras. 2022 Nov-Dec;55(6):359-364.
  3. Adriana Villaseñor, et al. Prevalence and prognostic effect of sarcopenia in breast cancer survivors: the HEAL Study. J Cancer Surviv. 2012 Dec;6(4):398-406.
  4. Michela Roberto et al. Sarcopenia in Breast Cancer Patients: A Systematic Review and Meta-Analysis. Cancers (Basel). 2024 Jan 31;16(3):596.
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  6. Aichi Masahiro et al. Sarcopenia shortens overall survival of patients with platinum-resistant recurrent ovarian cancer: inverse probability of treatment-weighting analysis ; Int J Gynecol Cancer. 2025 Sep;35(9):101849.
  7. Gabriel Francisco Pereira Aleixo, et al. Association of sarcopenia with endocrine therapy toxicity in patients with early breast cancer. Breast Cancer Res Treat. 2022 Nov;196(2):323-328.
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  10. Tarah J Ballinger et al. Impact of Muscle Measures on Outcome in Patients Receiving Endocrine Therapy for Metastatic Breast Cancer: Analysis of ECOG-ACRIN E2112. J Natl Compr Canc Netw. 2023 Sep;21(9):915-923.e1.
  11. Christine M Friedenreich et al. Physical activity, obesity and sedentary behavior in cancer etiology: epidemiologic evidence and biologic mechanisms. Mol Oncol. 2021 Mar;15(3):790-800.
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  14. Alpa V Patel, et al. Leisure-Time Spent Sitting and Site-Specific Cancer Incidence in a Large U.S. Cohort. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2015 Sep;24(9):1350-9.
  15. Olsen CM, et al; Australian Ovarian Cancer Study Group. Recreational physical activity and epithelial ovarian cancer: a case-control study, systematic review, and meta-analysis. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2007 Nov;16(11):2321-30.
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  23. Zhang Y, et al. Effects of Exercise on Depression and Anxiety in Breast Cancer Survivors: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Cancer Med. 2025 Mar;14(5):e70671.
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  26. Suárez-Alcázar M.-P., et al. Exercise and Quality of Life (QoL) in Patients Undergoing Active Breast Cancer Treatment—Comparison of Three Modalities of a 24-Week Exercise Program—A Randomized Clinical Trial. Healthcare 2024, 12(11):1107
  27. Eva Kjeldsted et al. Effects of Supervised Exercise during Neoadjuvant Chemotherapy on Tumor Response in Patients with Breast Cancer (Neo-train): A Randomized Controlled Trial. Clin Cancer Res. 2025 Oct 15;31(20):4265-4277.
  28. Rose, G.L., et al. Efficacy of exercise interventions for women during and after gynaecological cancer treatment – a systematic scoping review. Support Care Cancer 31, 342 (2023)
  29. Mizrahi D, et al. An Exercise Intervention During Chemotherapy for Women With Recurrent Ovarian Cancer: A Feasibility Study. Int J Gynecol Cancer. 2015 Jul;25(6):985-92.

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