La perte d'une grossesse, qu'elle soit précoce ou tardive, est une expérience profondément douloureuse pour les femmes et leurs partenaires. Lorsqu'un soignant doit annoncer une fausse couche, il est essentiel d'adopter une approche empreinte de bienveillance et de professionnalisme. Cet article explore les bonnes pratiques à suivre lors de cette annonce délicate, afin de soutenir au mieux les patientes dans un moment difficile, mais également d’apprendre à trouver la bonne distance entre vous et les patients.
Préparation à l'annonce
Avant de communiquer la nouvelle, il est crucial que le soignant se prépare mentalement et émotionnellement. Cela implique de :
- Comprendre la situation médicale et personnelle de la patiente : avoir une connaissance claire des résultats médicaux et des implications pour la patiente. C’est-à-dire de comprendre à quel moment de son parcours intervient cette fausse couche. Il est important de le situer dans l’histoire de la patiente. Est-ce après un parcours de procréation médicalement assistée ? Est une première fausse couche ou y en a-t-il eu plusieurs ?
- Anticiper les réactions : être conscient que la patiente peut réagir avec une gamme d'émotions, allant de la tristesse à la colère, et être prêt à accueillir ces émotions sans jugement. La fausse couche est un moment complexe émotionnellement, car nous parlons bien d’un deuil. Pour cela, connaître le ressenti possible des patientes est essentiel. A noter que la colère peut parfois se retourner contre le soignant car il est nécessaire pour les patientes de l’évacuer et vous êtes alors le premier relais. Ne prenez pas cette colère contre vous et laissez la s’exprimer en l’accueillant, mais surtout en continuant à expliquer.
Choisir le bon cadre
L'environnement dans lequel l'annonce est faite joue un rôle important dans la manière dont la nouvelle sera reçue. Il est recommandé de :
- Créer un espace privé : choisir un lieu calme et intime, où la patiente se sentira en sécurité pour exprimer ses émotions.
- Éviter les interruptions : s'assurer que la conversation ne sera pas interrompue, afin de permettre un échange ouvert et sincère.
Utiliser un langage clair et empathique
Lors de l'annonce, le choix des mots est primordial. Voici quelques conseils :
- Être direct mais sensible : utiliser un langage clair pour expliquer la situation, tout en restant sensible aux émotions de la patiente. Par exemple, dire : « Je suis désolé de vous informer que vous avez subi une fausse couche ».
- Éviter les euphémismes : les termes vagues peuvent prêter à confusion. Il est préférable d'être explicite tout en restant respectueux.
Écouter et valider les émotions
Après l'annonce, il est essentiel d'offrir un espace pour que la patiente puisse exprimer ses sentiments. Cela inclut :
- Encourager l'expression des émotions : inviter la patiente à partager ce qu'elle ressent, sans minimiser sa douleur. Mais il est également primordial de ne pas plaquer des émotions sur la personne qui vit ce moment. Pour cela il faut donc écouter avec beaucoup d’attention la manière dont la patiente, voire le couple, parle de cet événement. Si les patients parlent de bébé ou d’enfant cela indique très clairement qu’ils avaient déjà investi cette grossesse et qu’une projection existait ! Il faut donc se départir des aspects purement médicaux pour utiliser les termes utilisés par les patients et ainsi offrir un discours adapté et plein de compréhension.
- Valider ses sentiments :
Attention à ne pas minimiser cet événement qui peut, du point de vue du soignant, être « banal » mais qui est douloureux pour les patients.
Pas de fausses promesses non plus ! Évitons les phrases qui semblent rassurer, mais qui ne sont que des agressions pour les patients comme « ça arrive souvent, il y aura d’autres grossesses », ou encore « ce n’est rien, juste un petit accident de parcours ! »
Reconnaître que la réaction des patients est normale et légitime leur permet de se sentir compris et épaulés. Des phrases comme « il est normal de se sentir triste et perdu dans cette situation », par exemple, peuvent être réconfortantes.
Offrir des informations et des ressources
Après l'annonce, il est important de fournir des informations claires sur les prochaines étapes :
- Expliquer le suivi médical : informer la patiente sur les examens nécessaires et les soins à suivre. Lui expliquer les alternatives médicamenteuses ou chirurgicales afin d’offrir un consentement éclairé aux patients.
Mais aussi prendre le temps d’expliquer les ressentis physiques possibles dus aux traitements et les effets secondaires.
- Proposer des ressources de soutien : orienter la patiente vers des groupes de soutien, des conseillers ou des psychologues spécialisés dans le deuil périnatal.
Respecter le rythme de la patiente
Chaque femme vit une fausse couche différemment. Il est donc crucial :
- D’être patient : Laisser à la patiente le temps de digérer l'information et de poser des questions. À noter, lors d’un choc, un individu ne retient environ que 20% des informations qui lui sont données. La communication est l’art de la répétition donc n’hésitez pas à reformuler les éléments afin que les patients puissent les entendre et les accueillir.
- De suivre l'évolution : Proposer un suivi régulier pour s'assurer qu'elle reçoit le soutien dont elle a besoin au fil du temps.
CONCLUSION
L'annonce d'une fausse couche est un moment délicat qui nécessite une approche empreinte de bienveillance et de professionnalisme. En adoptant les bonnes pratiques, les soignants peuvent non seulement informer la patiente de manière respectueuse, mais aussi lui offrir le soutien émotionnel nécessaire pour traverser cette épreuve. La compassion, l'écoute et l'empathie sont des éléments clés pour aider les femmes à se sentir soutenues et comprises dans un moment de grande vulnérabilité. Nos mots ainsi que nos gestes peuvent avoir une incidence, positive ou négative, pour la suite des parcours de nos patients.
Alors prenons le temps d’accompagner nos patients !