La pornographie a toujours existé dans nos sociétés. D’ailleurs, dès que le cinéma a été inventé, la pornographie, comme les films érotiques, ont très vite fait partie des genres incontournables.
Mais pendant longtemps, l’accès à la pornographie était complexe et limité ! Les magazines étaient vendus « sous le manteau » et les films uniquement disponibles dans des cinémas spécialisés.
L’accès s’est largement démocratisé depuis quelques années avec une accélération depuis l’arrivée d’Internet qui a permis d’avoir à disposition des films pornographiques, gratuitement et sans limites de temps ou d’âge.
Quelle influence cette mise à disposition a-t-elle sur la sexualité de nos jeunes et de nos moins jeunes aussi ?
Montrer l’invisible
Cette facilité à accéder aux images pornographiques offre une forme de transgression. Il est si simple d’y avoir accès que cela minimise presque la réalité de la « violence » de ces images. Rappelons que dans un film érotique il n’est pas montré de façon explicite des scènes de pénétrations ou de fellations. Dans le film pornographique la place est faite à la « démonstration » crue.
Dans les films des années 70, l’œuvre pornographique était malgré tout un film avec un scénario dans lequel les scènes de sexe étaient visibles. Mais la nouvelle génération de films pornographiques est bien différente.
Le scénario est quasiment inexistant, seul prime l’acte sexuel qui est déconnecté du reste.
L’acte sexuel comme un acte de violence
Ce changement de paradigme, présente donc aux spectateurs une image d’un acte où prime la pénétration avant tout, sans trop de préliminaires, où l’homme est le sujet principal et son attribut masculin représente par sa seule taille la virilité maximale !
Les corps des acteurs sont hors normes contrairement aux films des années 70. Des corps sculptés, des femmes aux attributs hors normes.
Suppression donc des préliminaires, de l’érotisation des corps et donc de la réalité physique des individus.
L’irréel devient réel dans l’imaginaire des spectateurs les plus jeunes
Il est de plus en plus fréquent d’avoir de jeunes hommes dans les consultations qui se disent « accros » au porno, c’est leur seule source de désir et d’excitation. Ils sont déroutés face au monde réel, qui est si loin de leurs expériences avec ces films !
En effet, cet apprentissage de la sexualité qui passe par les films pornographiques donne une vision erronée de la réalité. Une vision des corps irréalistes et normés, une vision où la performance est le point le plus essentiel pour les hommes et où les femmes ont un rôle subalterne et doivent accepter tous types de pratiques.
Retentissement sur la vie sexuelle
Les conséquences sont donc pour les jeunes hommes d’être centrés sur la performance, générant ainsi des pannes sexuelles fréquentes et des problèmes d’éjaculation. Ils ne peuvent pas faire appel à leurs propres fantasmes, les films les enfermant dans des scénarios déjà vus.
Cela les amène aussi à une incapacité d’être dans un partage et une écoute de leurs partenaires, pensant qu’ils savent les attendus de l’autre grâce à leur visionnage de films.
Pour les jeunes femmes, ce modèle assez violent de la sexualité les amène à penser que la sexualité met de côté leurs désirs et plaisirs et que ne pas faire comme dans les films c’est être hors normes donc un mauvais partenaire sexuel.
Une perte de repères
Nous devons donc faire face à des individus qui, par peur de décevoir l’autre, ou de ne pas être dans les codes des films pornographiques n’ont parfois plus ou peu de sexualité. Le domaine de leur imaginaire et de leurs fantasmes ne peut être nourri uniquement par ces vidéos et l’angoisse de l’inconnu les porte à ne connaître la sexualité que seuls, devant un écran.
Ces problématiques sexuelles sont de plus en plus fréquentes. Il faut donc faire revenir les individus dans la réalité de l’intime et leur apprendre ce qu’est la sexualité en couple.
Le partage, la communication sont donc des valeurs essentielles à remettre au centre du couple. Les médias n’aident pas toujours les hommes et les femmes dans ce chemin, prônant par exemple l’orgasme comme l’incontournable d’une relation sexuelle rajoutant ainsi une pression supplémentaire. Là aussi, il faut déconstruire les idées préconçues pour ouvrir le champ des possibles et donner de nouvelles clés.
Il ne faut pas bannir ou interdire les films pornographiques, qui peuvent faire partie d’un jeu ou d’un accompagnement dans la vie des couples. Mais plutôt réapprendre aux individus à redécouvrir leur désir, leurs envies, sans obligation et dans le respect mutuel. Il fait faire comprendre que la sexualité s’apprend, non pas pour une performance normée mais qu’elle se construit dans les couples en fonction des désirs et des envies de chacun.