L'interruption volontaire de grossesse concerne une femme sur trois au cours de sa vie.
La méthode médicamenteuse représente 78% de l’ensemble des IVG, et plus d’une IVG sur trois est réalisée en dehors des établissements de santé.
En 2022, 234 300 interruptions volontaires de grossesse ont été enregistrées en France (toutes méthodes confondues) (2).
Les professionnels de santé libéraux ont ainsi un rôle important à jouer dans l’accès et l’accompagnement des patientes concernées.
Délai légal
L’IVG médicamenteuse est accessible et autorisée en France jusqu’à 9 semaines d’aménorrhées (SA) en ville ou à l’hôpital. Ce délai a été allongé de 7 à 9 SA en 2022 dans la loi visant à renforcer le droit à l’avortement. (1)
Le 8 mars 2024 la loi inscrit dans la Constitution de 1958 la liberté garantie de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Il s'agit de réaffirmer le caractère fondamental de cette liberté en France. Ce droit est aujourd'hui en régression dans plusieurs pays étrangers, comme aux États-Unis ou même en Europe. (6)(7)
Les professionnels de santé et établissements d’accès
En ville, l’IVG médicamenteuse peut être pratiquée en cabinet médical, centre de planification familiale, centre de santé ou maison de santé.
Les gynécologues obstétriciens, gynécologues médicaux, médecins généralistes, et sages-femmes (depuis 2016), sont habilités à la pratique des IVG médicamenteuses, sous réserve d’une formation et de la signature d’une convention avec un établissement de santé. (1),(4),(15)
Qu’est-ce que la clause de conscience ?
Selon l’article L2212-8 du code de la santé publique rédigé en 2017, un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2. (4)
ivglesadresses.org est un site internet référençant les professionnels de santé disponibles en tenant compte de leur localisation et de la méthode d’IVG choisie.
Ce lien est très utile pour adresser une patiente en demande d’IVG ou lui permettre d’accéder à des informations fiables.
Qu’est-ce que le délit d’entrave à l’IVG ?
Il s’agit du fait « d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse :
« 1° Soit en perturbant l'accès aux établissements mentionnés à l'article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ;
« 2° Soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières. »
Ce délit est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. (3)
Quelles sont les étapes clés de la prise en charge médicale ?
Suite à une demande d’IVG médicamenteuse, le parcours prévoit notamment :
- Un bilan biologique pré-IVG (groupe sanguin et RAI).
En cas de rhésus négatif, une prévention de l’allo-immunisation rhésus était proposée jusqu’à lors (par injection d’immunoglobulines anti-D 200 µg) dans les 72h suivant l’IVG (toutes méthodes confondues). (8)
Un article récemment publié (en février 2024) pour la pratique clinique du collège National des Gynécologues-Obstétriciens Français, conclut qu’il est recommandé de ne pas réaliser de prévention de l’allo-immunisation anti-Rh1 en cas d'interruption volontaire de grossesse, de grossesse arrêtée, de fausse-couche ou de métrorragies avant 12 SA. (5)
Certains cas particuliers peuvent indiquer l’ajout d’une NFS au bilan (par exemple un risque d’anémie sévère).
- La datation et la localisation de la grossesse (par échographie ou simplement avec un dosage des bêtas-hCG dans certains cas).
- La ou les consultations préalables à l’IVG (informations, consentement et délivrance des médicaments)
- Un bilan biologique post-IVG (bêta-hCG).
- La consultation post-IVG avec ou sans échographie de contrôle.
En consultation pré-IVG médicamenteuse, le praticien donne des informations éclairées concernant le déroulement de celle-ci (un guide publié par le ministère de la santé à l’attention des professionnels est notamment disponible). (9)
* Le protocole de la prise des médicaments (mifépristone et misoprostol) est soigneusement expliqué.
Les traitements recommandés sont :
La Mifépristone 200 mg ou 600 mg par voie orale puis 24 à 48 heures plus tard le misoprostol 400 µg avant 7 SA, ou le misoprostol 800 µg par voie transmuqueuse ou sub-linguale (hors AMM) entre 7 et 9 SA. (1)(10) Ces deux médicaments sont donnés en consultation par le praticien qui les aura préalablement commandés en pharmacie par le biais d’une ordonnance pour usage professionnel.
* Il est indispensable de proposer et prescrire des antalgiques et anti-nauséeux en vue de la prise du misoprostol (exemple : palier 1 : ibuprofène / palier 2 : paracétamol combiné avec un opiacé).
* Un consentement à l’IVG médicamenteuse est donné à la patiente pour signature avant délivrance des médicaments.
* Les motifs de consultations aux urgences gynécologiques sont expliqués et il est recommandé à la patiente d’être accompagnée par une personne majeure le jour de la prise du misoprostol au domicile. Les informations données en consultation sont synthétisées dans une notice d’information à remettre, accompagnée d’une fiche de liaison ville-hôpital. (11-13)
* Le guide IVG destiné aux patientes est également à leur remettre. (16)
Les documents précédemment cités sont disponibles sur le site https://www.revho.fr/ sur lequel les praticiens pratiquant les IVG sont invités à s’inscrire.
* Par ailleurs un entretien psychologique est proposé en pré et post-IVG pour permettre aux patientes ayant eues un vécu difficile (avant, pendant ou après l’IVG), d’être accompagnées au mieux.
En post-IVG :
* Un contrôle par dosage des bêtas-hCG à J14 de la prise de la mifépristone permettra de contrôler la réussite de la méthode (confronté à la clinique).
* En cas de doute, un contrôle échographique de la vacuité utérine pourra être réalisé.
Selon la demande de la patiente, l’IVG médicamenteuse pourra être réalisée le jour même, ou après plusieurs rendez-vous (en l’absence de contre-indication).
NB : le délai obligatoire de réflexion de sept jours entre la consultation d’information et le recueil du consentement a été supprimé depuis la loi de modernisation de notre système de santé en 2016. (1)
L’échographie pré-IVG n’est pas obligatoire
En cas de grossesse de localisation indéterminée (GLI) : absence d’échographie ou non visualisation du sac gestationnel à l’échographie, il est possible de réaliser une IVG, si les conditions sont réunies pour assurer une prise en charge sans risque accru pour la patiente.
Un dosage récent de bêta-hCG avec un taux bas (inférieur à 1000 UI), l’absence de signe clinique ou d’antécédent de grossesse extra-utérine (GEU), une bonne communication et compréhension des informations délivrées à la patiente sont des conditions optimales pour réaliser une IVG médicamenteuse dans le cas d’une GLI.
Un modèle de signature de consentement en cas de GLI est téléchargeable sur le site rehvo.fr. (14)
Un contrôle précoce du taux de bêta-hCG post-IVG est alors à proposer à J5-J7 de la prise de la mifépristone. Une cinétique décroissante de 50% à J5 ou de 80% à J7 sera en faveur d’un bon déroulement de la méthode.
Une cinétique trop élevée fera alors l’objet d’un contrôle aux urgences gynécologiques afin d’éliminer une GEU ou un échec de la méthode.
Attention : en pré-IVG, un dosage de bêta-hCG supérieur à 1500 UI corrélé à une non visualisation du sac gestationnel à l’échographie est une GEU jusqu’à preuve du contraire.
IVG et prévention
L’IVG est également l’occasion de prévenir certaines situations à risques, telles que : les IST, l’absence de suivi gynécologique, l’information et l’aide à la mise en place d’une contraception, les violences physiques, psychologiques ou sexuelles, l’alcoolisme, la consommation de drogues etc.
Il est donc fondamental d’instaurer un climat de confiance et d’écoute afin de faciliter une prise en charge adaptée.
Le principales contre-indications
* A la mifépristone : l’asthme sévère non équilibré par un traitement, l’insuffisance surrénale chronique, l’allergie à la mifépristone ou à l’un des constituants du comprimé, la porphyrie héréditaire. Mise en garde en cas d’insuffisance rénale et hépatique, et de malnutrition. (18)
* Au misoprostol : allergie, antécédent d’AVC ou d’infarctus du myocarde. (19)
* A l’IVG médicamenteuse : l’anémie sévère, les troubles de la coagulation (ou prise d’anti-coagulants), la drépanocytose, une GEU en cours, une barrière de la langue empêchant la bonne compréhension des informations, une grande précarité, l’impossibilité d’une visite de contrôle, une distance très éloignée entre le domicile et l’hôpital, ou l’absence d'accompagnant adulte au domicile.
Si un dispositif intra-utérin est en place, il sera proposé à la patiente de le retirer au préalable.
Les mineures : peuvent recourir à une interruption volontaire de grossesse, avec ou sans le consentement de leurs parents. Sans ce dernier, elles doivent se faire accompagner par une personne majeure de leur choix. (4)
La demande d’IVG doit être formulée au professionnel de santé en dehors de la présence de toute autre personne afin qu’aucune pression de nature à influencer son choix ne puisse être exercée.
La consultation psychosociale est obligatoire pour les mineures mais il n’existe plus de délai minimal à respecter entre la réalisation de cet entretien et l’IVG. (1)
Secret et anonymat
Comme tout acte médical, l’IVG est confidentielle et soumise au secret médical. Les actes associés ne figurent pas sur le décompte de remboursement de la sécurité sociale afin de préserver la confidentialité vis-à-vis de l'entourage.
Sur demande, l'IVG peut être réalisée de manière anonyme.
Dans ce cas, le professionnel rend anonymes le dossier et les documents nécessaires au remboursement des actes et des frais de soins.
En pratique, il n’est plus nécessaire d’utiliser un NIR anonyme lorsque le NIR réel peut être fiabilisé par un support Vitale.
Toutefois, dans le cas où la récupération du NIR réel ne peut pas être fiabilisée par un support de droit, le professionnel de santé doit utiliser : le NIR fictif 2 55 55 55 + code caisse + 030.
La caisse d’Assurance maladie destinataire de la facture sera alors la caisse de rattachement du professionnel de santé, et la date de naissance réelle ou si impossible la date de naissance fictive : 01/01/2014.
La téléconsultation est autorisée par la loi pour la pratique de l’IVG. (17)
Les médicaments (mifépristone et misoprostol) peuvent alors être délivrés directement en officine aux patientes sur ordonnance. Le praticien établit la prescription et la transmet à la pharmacie choisie préalablement par la femme, par messagerie sécurisée (ou autre moyen garantissant la confidentialité des informations).
Le nom de l'établissement de santé avec lequel une convention a été conclue pour la pratique de l’IVG et la date de cette convention, ainsi que le nom de la pharmacie désignée par la patiente pour la dispensation des médicaments devront être inscrits sur l’ordonnance. Un contact téléphonique avec le pharmacien peut permettre de faciliter la procédure.
Les médicaments concernés sont délivrés directement à la patiente par cette pharmacie, sans frais et de manière anonyme.
Les cotations d’IVG médicamenteuse sont regroupées de la façon suivante (17) :
- En pré-IVG : IC ou ICS (consultation de recueil de consentement) + FHV (forfait consultations de ville) + FMV (forfait médicaments de ville).
- En post-IVG : IC ou ICS (consultation sans échographie) ou IVE (consultation avec échographie de contrôle de la vacuité utérine).
- Pour les examens complémentaires : IPE (echographie de datation), FPB (bilan biologique pré-IVG) FUB (bilan biologique post-IVG : bêta-hCG).
En cas de téléconsultation :
- pour les médecins généralistes : JC + FHV + JC ;
- pour les médecins d’une autre spécialité que la médecine générale : JCS + FHV+JCS.
Depuis la loi de financement de la Sécurité sociale de 2013, l’IVG est prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie avec des tarifs fixés par arrêtés pour chaque étape. (1)
BIBLIOGRAPHIE
- https://ivg.gouv.fr/
- https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/le-nombre-des-interruptions-volontaires-de
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034228048/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LE…
- https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2468718924000813
- https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1983_projet-loi
- https://www.vie-publique.fr/loi/292357-liberte-recours-livg-dans-la-constitution-avortement-projet-de-loi#:~:text=Le%204%20mars%202024%2C%20le,s%C3%A9ance%20doit%20d%C3%A9buter%20%C3%A0%2015h30.&text=Le%20projet%20de%20loi%20avait,par%20%C3%89lisabeth%20Borne%2C%20Premi%C3%A8re%20ministre.
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2010-04/rhophylac_-_ct-7715.pdf
- https://ivg.gouv.fr/sites/ivg/files/2023-02/Guide%20Pro%20IVG%20medicamenteuse.pdf
- https://www.has-sante.fr/jcms/p_3223429/fr/interruption-volontaire-de-grossesse-par-methode-medicamenteuse-mise-a-jour
- https://assets-global.website-files.com/64bfe1215506b3b84f62ff2a/6514014d73d310efaa261f7b_Notice-patiente-A4-V2-formulaire.pdf
- https://assets-global.website-files.com/64bfe1215506b3b84f62ff2a/6514010807fd3ae5acf9f108_FICHE-DE-LIAISON-_1-1.pdf
- https://assets-global.website-files.com/64bfe1215506b3b84f62ff2a/6514009cdab79b3e6494ed25_Consentement-%C3%A9clair%C3%A9-n%C2%B05.pdf
- chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://assets-global.website-files.com/64bfe1215506b3b84f62ff2a/6514022c3d544582cf9e7cd7_Formulaire-de-consentement-patiente-IVG-m%C3%A9dicamenteuse-pr%C3%A9coce-.pdf
- chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://assets-global.website-files.com/64bfe1215506b3b84f62ff2a/6513fa6f217cc80d379bd118_Convention-R%C3%A9glementaire-IVG-en-ville-_medecin_SF_CS_2018-1.pdf
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- https://www.vidal.fr/medicaments/substances/mifepristone-2385.html#con
- https://www.vidal.fr/medicaments/substances/misoprostol-2398.html#con