Impact de la contraception estroprogestative et du traitement hormonal de la ménopause sur le risque d’adénome hypophysaire ?

Les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bénignes fréquentes avec une prévalence estimée autour du 20 % sur la base d’études autopsiques et radiologiques. Ils sont souvent méconnus étant majoritairement découverts de façon fortuite. Le diagnostic peut être tardif alors qu’ils peuvent être à l’origine de nombreux symptômes : troubles visuels, céphalées, signes en rapport avec un hypopituitarisme ou au contraire liés à une hypersécrétion hormonale pour les adénomes sécrétants.

Chez les femmes, le bilan d’une aménorrhée, de troubles du cycle ou d’une infertilité conduit plus facilement conduire au diagnostic.
Un lien possible relie les adénomes hypophysaires à la  contraception estroprogestative (COP) et au traitement de la ménopause (THM) puisque les estrogènes stimulent les cellules lactotropes hypophysaires. Les publications antérieures faisaient cependant état de résultats assez contradictoires.

Une récente publication du JCEM permet d’y voir plus clair. Les auteurs utilisent deux analyses complémentaires en parallèle. Ils étudient de façon prospective, dans les cohortes des infirmières américaines (Nurses’ Health Studies), l’association entre l’utilisation de COP et THM sur le risque d’adénome hypophysaire. Ils analysent également les données d’une étude cas-témoins à partir de registres d’une importante base de données (Mass Général Brigham Research Patient Data Registry : MGBRPDR).

Nurses’ Health Studies (NHS)
Cette étude de cohorte (NHS) a débuté en 1976 avec l’enrôlement 221 701 infirmières âgées alors de 30 à 55 ans. Une seconde étude (NHS II) a été initiée en 1989 avec 116 686 infirmières âgées de 25 à 42 ans. Les participantes complétaient un questionnaire initial puis tous les deux ans. Le taux de suivi des cohortes était particulièrement élevé atteignant 90 %. L’utilisation d’une COP ou d’un THM était précisée dans chaque questionnaire.
Durant les 6 668 019 personnes/années de suivi, 331 femmes ont rapporté un nouveau diagnostic d’adénome hypophysaire. Il n’était pas retrouvé d’association entre l’utilisation d’une COP et la survenue d’un adénome hypophysaire. Comparativement aux femmes n’ayant jamais utilisé la COP, ni les utilisatrices en cours ni celles l’ayant utilisé dans le passé n’avaient de risque augmenté d’adénome hypophysaire : MVHR 0.72 IC à 95 % 0.40–1.32 et 1.05 IC à 95% 0.80–1.36 respectivement. Il était en revanche retrouvé une association entre l’utilisation d’un THM et le risque d’adénome hypophysaire par rapport aux non utilisatrices à la fois pour celles l’ayant antérieurement utilisé (MVHR 2.0 IC à95% 1.50-2.68) et celles l’utilisant actuellement (MVHR 1.80 IC à 95% 1.27-2.55). L’utilisation sur de longues durées était également associée au plus fort risque : MVHR 2.06 (1.42–2.99) lorsqu’on comparait à celles l’ayant utilisé plus de 5 ans à celles ne l’ayant jamais utilisé. Le risque d’un THM avec des estrogènes seuls semblait équivalent à un THM associant estrogène et progestatif.

Mass Général Brigham Research Patient Data Registry :
Ce registre a été créé en 2002 pour permettre la centralisation de données démographiques, administratives et cliniques. Les cas d’adénomes hypophysaires ont été recensés entre 2010 et 2020 comparés à des témoins appariés sur l’âge, l’année, le sexe et d’autres critères.
5 469 cas d’adénomes hypophysaires ont été diagnostiqués durant cette période et ont été comparé à 6 266 témoins appariés. L’utilisation d’un THM était associé à un risque supérieur d’adénome hypophysaire (MVOR=1.57 IC à 95 % 1.35– 1.83). De même, utilisation d’une COP (MVOR = 1.27 IC 1.14– 1.42) comparativement aux femmes n’ayant pas utilisé ces thérapeutiques.

 

Bien qu’étant une pathologie assez fréquente, peu de facteurs de risque d’adénome hypophysaire ont pu être identifiés. La majorité des études publiées jusqu’à présent étaient des études cas-témoins avec les biais inhérents à ce type de publication. Le fait que les femmes ayant des troubles du cycle ou une aménorrhée puissent être traitées (à tort) par une association estroprogestative peut compliquer le diagnostic.
Dans l’étude de cohorte prospective, l’analyse montre une association positive entre l’utilisation du THM et le risque d’adénome hypophysaire avec un risque multiplié par deux pour plus de cinq ans de traitement comparativement aux femmes ne l’ayant jamais utilisé. À l’inverse, il n’a pas pu être démontré d’association significative pour l’utilisation de la COP.
Dans l’étude cas-témoins, il a à nouveau été montré une association entre l’utilisation d’un THM et le risque d’adénome hypophysaire mais ici, il apparaissait également une légère augmentation du risque chez les personnes ayant déjà utilisé une COP.
Il existe une plausibilité biologique car les estrogènes stimulent l’hypophyse mais les résultats différents concernant l’utilisation d’un THM ou d’une COP sont difficilement explicables en particulier du fait que le THM utilise généralement des doses très faible d’estrogènes comparativement à la contraception. Les auteurs évoquent la possibilité d’une exposition cumulative aux estrogènes sur toute la vie comme pouvant expliquer cette relation, avec un effet durée, entre un THM et le risque d’adénome hypophysaire.

 

Ces données ne modifient cependant pas les règles habituelles d’utilisation de la COP et du THM :

  • Une COP ne devrait pas être mise en route pour « traiter » des troubles du cycles ou une aménorrhée avant d’avoir mené une enquête étiologique, elle pourrait masquer voire aggraver un adénome hypophysaire 
  • L’utilisation d’une COP est autorisée en cas de microprolactinome (adénome <10mm) sous réserve d’une surveillance
  • La COP n’est pas recommandée en cas de macroprolactinome (>10 mm) du fait du risque d’augmentation du volume tumoral avec atteinte éventuelle du chiasma optique
  • L’utilisation d’un THM n’est pas contre-indiquée en cas de microadénome hypophysaire du fait du risque minime d’augmentation du volume tumoral
  • La surveillance hypophysaire ne fait pas partie du suivi du THM en l’absence d’antécédent connu

 

Cote DJ, Kilgallon JL, Nawabi NL et al. Oral contraceptive and menopausal hormone therapy use and risk of pituitary adenoma : cohort and case-control analyses. J Clin Endocrionol Metab. 2022 ; 107 : e1402-e1412.