Fausses couches à répétition : une nouvelle approche

Les fausses couches à répétition sont un motif fréquent de consultation chez le gynécologue-obstétricien qui se trouve le plus souvent dépourvu devant la conduite thérapeutique à adopter. Cette pathologie n’a pas de définition claire et il n’existe guère de stratégie thérapeutique efficace dont la preuve scientifique ait été faite.

A partir de combien de fausses couches parle-t-on de fausses couches à répétition ? Doit-on adapter ce nombre à l’âge de la patiente ? Est-il plus pathologique pour une patiente de présenter 3 antécédents de fausses couches successives à 23 ans qu’à 42 ans ? Doit-on ainsi faire un bilan d’autant plus précocement que la femme est jeune ? Cette attitude sous-entendrait que plus la femme est âgée, plus la probabilité que la cause de la fausse couche soit une anomalie chromosomique et que plus la femme est jeune plus la probabilité que la fausse couche ait une autre cause que chromosomique soit élevée. Cette hypothèse est-elle vérifiée ? Vérifiable ?

Doit-on considérer différemment les patientes qui ont de nombreux antécédents de fausses couches avec un ou plusieurs antécédents de naissances vivantes et celles qui n’ont pas d’antécédents de naissance vivante ? Pourra-t-on un jour prouver l’efficacité d’un traitement contre les fausses couches à répétition compte-tenu de la l‘hétérogénéité de la population à étudier. Comment faire la part des choses entre cause chromosomique et immunologique ? Quels sont les traitements immunomodulateurs qui ont été testés dans cette pathologie ? Pourquoi donner des traitements immunomodulateurs si la cause de la fausse couche est d’origine embryonnaire ? Pourquoi ne pas faire du diagnostique pré-implantatoire dans cette indication ? Quelle est l’impact de la fragmentation de l’ADN spermatique sur le risque de fausses couches et faut-il la corriger ? 

Nous essaierons de répondre à certaines de ces questions en nous aidant de la littérature scientifique disponible sur le sujet. Par souci de concision, nous laisserons en revanche de côté certains sujet tels que l’intérêt du bilan de thrombophilie ou la prise en charge des FCS dans le cadre du syndrome des antiphospholipides.

Définition des fausses couches à répétition

La définition des fausses couches varie en fonction des sociétés savantes et la question principalement débattue est de savoir si l’on doit définir cette pathologie à partir de 2 ou 3 fausses couches. Voici 4 définitions récentes :

RCOG 2011 (1)

Survenue d’au moins 3 fausses couches du premier trimestre de la grossesse

CNGOF 2014 (2)

Survenue d’au moins 3 fausses couches avant 14 SA

ESHRE 2017 (3)

Survenue de deux pertes fœtales ou plus avant 24 SA

ICMART 2017 (4)

Survenue de deux pertes fœtales ou plus avant 22 SA

 

Épidémiologie et place des aneuploïdies

La prévalence des fausses couches à répétition se situe entre 0,8 et 3 % en fonction des études réalisées à partir d’enquêtes. Les études des caryotypes sur produit de fausse couche permettent d’évaluer la proportion des aneuploïdies en fonction de l’âge de la patiente, de l’âge gestationnel de la grossesse au moment de la fausse couche et du nombre de fausses couches antérieures.

  • La proportion d’aneuploïdies augmente avec l’âge maternel (5):
    • < 25 ans : 54 %
    • < 30 ans : 56 %
    • < 35 ans : 58 %
    • < 40 ans : 72 %
    • > 40 ans : 71 %
  • La proportion d’aneuploïdies diminue avec le nombre de fausses couches antérieures (6) :
    • 2 FCS : 63 % d’aneuploïdies
    • 3 FCS : 59 % d’aneuploïdiess
    • 4 FCS : 55 % d’aneuploïdies
    • 5 FCS : 39 % d’aneuploïdies
    • 6 FCS : 29 % d’aneuploïdies
    • 10-20 FCS : 11 % d’aneuploïdies
  • Le risque de fausses couches augmente avec le nombre de FCS antérieures (6) :
    • 2 FCS : 23 % de récidive
    • 3 FCS : 32 % de récidive
    • 4 FCS : 37 % de récidive
    • 5 FCS : 49 % de récidive
    • 6 FCS : 64 % de récidive
    • 10-20 FCS : 94 % de récidive
  • La probabilité d’aneuploïdie diminue avec l’âge gestationnel au moment de la fausse couche après 11 SA environ (7) :
    • < 7 SA : 60 % d’aneuploïdies
    • 8-9 SA : 60 % d’aneuploïdies
    • < 10 SA : 62 % d’aneuploïdies
    • 10-11 SA : 64 % d’aneuploïdies
    • 10-15 SA : 47 % d’aneuploïdies
    • 16-20 SA : 34 % d’aneuploïdies

L’analyse caryotypique des produits de fausses couches permet donc de conclure que plus la patiente a eu d’antécédents de fausses couches moins la proportion d’aneuploïdies est importante et plus le risque de fausse couche à la prochaine grossesse est élevé.

NOUVEAUX OUTILS DE DIAGNOSTIC

Analyse de la fragmentation de l'ADN spermatique

L’intégrité de la chromatine de l’ADN spermatique est indispensable au succès de la grossesse. Il semblerait que la fragmentation de l’ADN spermatique (SDF) puisse avoir un rôle indépendant et significatif sur la fertilité des hommes. La fragmentation de l’ADN spermatique est le marqueur de l’intégrité de la chromatine. L’impact de la SDF sur la grossesse dépendrait de deux facteurs principaux : l’importance de la dénaturation de la chromatine de l’ADN spermatique et la capacité ovocytaire à réparer ces lésions. Si les lésions de la chromatine dépassent les capacités de réparation ovocytaire, il pourrait y avoir des erreurs dans la réplication de l’ADN. Cela provoquerait l’apparition de mutations et modifierait l’expression du génome paternel. La fragmentation de l’ADN spermatique pourrait ne pas se manifester lors de la fécondation mais au moment de l’expression du génome paternel au stade 4 à 8 cellules de l’embryogénèse. Il a été aussi montré que plus l’ovocyte provenait de femelles jeunes (chez la souris), plus il avait la capacité de « réparer » les altérations de la chromatine et de permettre ainsi le déroulement normal de la gestation jusqu‘à son terme (8). Les études réalisées chez l’animal et chez l’homme montrent que le zygote peut répondre aux altérations de l’ADN par des mécanismes non-apoptotiques si les capacités de réparation de l’ovocyte sont insuffisantes. Ces mécanismes consistent en un ralentissement de la réplication de l’ADN paternel menant à la survenue d’arrangements chromosomiques et finalement à un mauvais développement embryonnaire avec échecs implantatoires et fausses couches.

Les causes suspectées de l’élévation du taux de fragmentation spermatique sont : la varicocèle, le mode de vie avec l’exposition aux toxiques augmentant le stress oxydatif, l’âge élevé et les antécédents d’infection uro-génitales. 

Il semble y avoir un relation entre une fragmentation de l’ADN spermatique et la survenue de fausses couches retrouvées dans de nombreuses études en FIV et en fertilité spontanée (9–11). La varicocèle représente la cause pouvant être évaluée et corrigée. Environ 50% des hommes avec une varicocèle ont une élévation de la fragmentation de l’ADN spermatique. Une méta-analyse publiée en 2018 incluant 21 études et 1270 hommes infertiles a montré que la cure de varicocèles diminuait la fragmentation de l’ADN (12)

Pour conclure sur ce sujet, disons que

  • La fragmentation de l’ADN spermatique semble augmenter les risques de fausse couche.
  • Il existe une cause curable de fragmentation de l’ADN spermatique : la varicocèle.
  • Il pourrait être conseillé de mesurer la fragmentation de l’ADN spermatique chez l’homme dans les couples présentant des fausses couches à répétition et le cas échéant, de rechercher une éventuelle varicocèle afin de la traiter si elle existe.

Analyse du coupe KIR-HLA du couple parental :

Les lymphocytes Natural Killers présents dans l’endomètre décidualisé sont connus pour jouer un rôle significatif dans les phénomènes d’immunotolérance qui permettent l’implantation trophoblastique et le maintien de la grossesse.  Ils possèdent des récepteurs activateurs et inhibiteurs qui leur permettent de reconnaitre les allèles HLA de classe I exprimés sur les cellules du trophoblaste qui contrôlent la réponse des NK, régulant ainsi la réponse immunitaire maternelle au niveau de l’interface materno-fœtale. Les récepteurs KIR (Killer immunoglobine-like Receptors) sont une famille de récepteurs exprimés sur les NK. Ils contiennent des récepteurs activateurs et inhibiteurs qui interagissent avec les épitopes présents sur les molécules du système HLA-C présents sur les cellules trophoblastiques. En fonction de la réponse des KIR aux molécules HLA-C, les lymphocytes NK seront soit activés soit inhibés et la tolérance du système immunitaire maternel vis-à-vis de la grossesse sera plus ou moins bonne.

Certains auteurs suggèrent qu’il existe des couples KIR/HLA qui prédisposeraient aux fausses couches en empêchant l’activation de l’immunotolérance maternelle nécessaire à l’acceptation immunitaire de la grossesse.

Les récepteurs KIR sont divisés en 2 sous familles : A et B. Les A ont un rôle plus inhibiteur (donc schématiquement pro-maintien de la grossesse) et le B plus activateurs (donc schématiquement pro-fausse-couche).

Parallèlement, les ligands de la famille HLA-C (présents sur les cellules trophoblastiques) sont aussi divisés en 2 familles les HLA-C1  et les HLA-C2 qui peuvent avoir chacun un rôle activateur ou inhibiteur en fonction du récepteur KIR auquel ils sont liés.

Certaines études ont montré que le taux de fausse couche était supérieur si la mère est KIR-AA et que l’embryon a plus de C2 que la mère ou si le C2 est d’origine paternelle. De même, le risque de fausse couche serait plus élevé si la mère est de phénotype KIR-BB et l’embryon HLA C1 homozygote.

Les équipes étrangères qui proposent ce test aux couples donnent ensuite des probabilités de survenue de fausse couche en fonction de la combinaison KIR AA ou BB avec les épitopes C1 ou C2. Ils proposent alors une stratégie d’immunomodulation avec le facteur de croissance G-CSF ou bien suggèrent un don de gamètes compatibilisé permettant une meilleure combinaison des ligands avec les récepteurs pour favoriser le maintien d’une grossesse normalement évolutive. Ces hypothèses sont passionnantes mais le niveau de preuve est pour le moment trop faible.

Matricelab : étude de la réceptivité utérine par biopsie de l’endomètre

Le docteur Nathalie Lédée et son équipe ont développé un test d’implantation consistant à évaluer le statut d’activation immunologique de l’endomètre en évaluant l’expression ARN des Interleukines IL15 et IL18 ainsi que la quantification des lymphocytes uterine-Natural Killers en phase implantatoire. Ce test a été initialement élaboré dans le but de proposer un traitement anti ou pro-inflammatoire pour augmenter les chances d’implantation. Il est aussi proposé aux patientes présentant des fausses couches à répétition. Dans la dernière publication du groupe, 165 patientes présentaient au moins 3 antécédents de fausse couche. Parmi les 132 patientes dont le profil endométrial matricelab  était « dérégulé », le taux de fausses couches après traitement personnalisé était de 12 % et chez les patientes dont le profil endométrial était normal et qui ne reçurent donc aucun traitement, le taux de fausse couche était de 24%, ce qui est le taux de fausses couches attendu après 3 fausses couches (13,14).

Recherche des mutations du gène MTHFR dans le couple parental

Le gène codant pour le Methylene-tetrahydrofolate reductase humaine (MTHFR) est localisé sur le bras court du chromosome 1. L’enzyme MTHFR joue un rôle primordial dans le métabolisme des folates en permettant la transformation des folates en 5-methyl tetrahydrofolate, sa forme biologiquement active. C’est le 5-methyl tetrahydrofolate qui permet la dégradation de l’homocystéine en methionine. L’enzyme MTHFR est par conséquent essentielle aux processus de division cellulaire, de développement embryonnaire et de maintien de la grossesse. Les deux polymorphismes les plus courants du gène MTHFR sont MTHFR c.1298A>C et c.MTFHR677C>T. Une diminution de l’activité MTHFR a pour conséquence une augmentation les taux sériques d’homocystéine et de pathologies cardio-vasculaires. Une association entre des mutations sur les gènes MTHFR 677 et 1298 et le risque de fausse couche a été démontré et pourrait s’expliquer par un dysfonctionnement dans les processus réplicatif nécessitant en environnement riche en folates. Les mutations MTHFR seraient plus fréquentes chez les couples infertiles et chez les couples présentant des antécédents de fausses couches à répétition par plusieurs mécanismes : défauts d’implantation, augmentation des risques d’aneuploïdie embryonnaire et altération du processus de développement embryonnaire (15). Ces résultats sont cependant sujet à controverse et d’autres études ne les confirment pas (16). C’est dans ce contexte que l’apport en 5-methyl tetrahydrofolate aurait permis de contrer l’effet des mutations du gène MTHFR et en diminuant ainsi les risques de fausses couches (17).

NOUVELLES OPTIONS THÉRAPEUTIQUES

Place du PGT-A dans la prise en charge des fausses couches à répétition

La seule étude à avoir comparé le PGT-A à l’attitude expectative chez les patientes présentant des fausses couches à répétition est celle de Murugappan (18). Il s’agit d’une étude rétrospective de 2016 réalisée chez 300 femmes qui avaient au moins deux antécédents de fausses couches et qui pouvaient choisir entre le PGT-A (avec FIV) ou l’attitude expectative (rapports sexuels sans traitement). Cette étude n’a pas montré de supériorité au PGTA. Le taux de fausses couches dans le groupe FIV/PGS était de 20 % (18 FCS /88 grossesses) et dans le groupe « expectative » de 24 % (25/104). En effet, 112 patientes ont choisi le PGT-A et 188 l’attitude expectative. Chez les 112 patientes ayant choisi le PGT-A, 198 tentatives furent réalisées (168 ponctions et 30 TEC). Sur les 168 ponctions réalisées, 130 PGT-A ont été faits et 38 PGT-A ont été annulés à cause de la qualité embryonnaire.  Parmi les 130 PGT-A, 103 ont retrouvé au moins un embryon euploïde et 27 ne retrouvaient pas d’embryon euploïde. Au total, 128 transferts ont été réalisés menant à 88 grossesses, 63 naissances vivantes, 18 fausses couches, 5 grossesses biochimiques et 2 GEU. Parmi les 18 fausses couches, 10 ont eu lieu après le transfert d’un embryon euploïde et 8 après un cycle dont le PGS a été annulé. Le taux de grossesse est donc de 88/198 tentatives donc de 44 %. Le taux de fausses couches = 18/88 = 20 %. Si on regarde spécifiquement les patientes qui ont eu une grossesse après PGS, le taux de grossesse par embryon transféré était de 72 % et le taux de naissance vivante de 57 % par embryon. Le taux de fausse couche était de 14 % mais la différence n’était pas significative, faute de puissance. En revanche le taux de fausses couches était significativement plus bas que celui des patientes ayant réalisé une FIV sans PGS (50%).

Une autre étude rétrospective plus récente réalisée sur 10060 couples traités en FIV retrouvait un avantage significatif au PGTA sur la diminution du nombre des fausses couches et cet avantage augmentait avec l’âge maternel (7).

Pour conclure sur ce sujet nous dirons que le PGT-A ne peut pas diminuer les chances de fausses couches puisqu’il ne peut pas ni guérir les embryons anormaux ni jouer sur les causes de fausse-couche « non chromosomiques ». En revanche, il semblerait que si le PGT-A retrouve des embryons normaux, le taux de fausse couche par transfert pourrait être diminué. De plus, lorsqu’un traitement par immunomodulation est démarré, si la patiente fait une fausse couche, nous ne pouvons pas savoir si la fausse couche est causée par une anomalie chromosomique ou par un échec de ce traitement, à moins de réaliser l’analyse caryotypique du produit de fausse couche quand cela est techniquement réalisable. Dans ce cas-là, le fait que la fausse couche soit issue d’une grossesse obtenue après le transfert d’un embryon euploïde permet de concentrer la réflexion sur la recherche et éventuellement le traitement d’une cause immunologique.

Les intralipides :

L’administration intraveineuse d’intralipides se base sur un éventuel effet sur la toxicité des Lynphocytes Natural Killer de l’endomètre (uNK). Les lymphocytes uNK sont présents en proportion importante dans l’endomètre au moment de l’implantation et ils sécrètent des cytokines dont le rôle est de moduler l’environnement immunologique endométrial afin de permettre l’implantation et la survie de l’embryon dans l’endomètre maternel. Un nombre élevé de uNK et/ou un déséquilibre dans les cytokines sécrétées ont été retrouvés dans l’endomètre de femme présentant des échec d’implantation à répétition dans les travaux de Nathalie Lédée (13). Le rôle précis des intralipides dans la régulation des uNK n’est pas élucidé mais il semblerait que l’administration d’intralipides pourrait diminuer la cytotoxicité des uNK et favoriser ainsi l’implantation et le maintien de la grossesse. D’après l’étude de Plaçais et al. publiée par l’équipe parisienne (Saint-Antoine-Trousseau-Tenon-Les Bluets), en colligeant leur résultats et ceux de deux autres études, l’administration d’intralipides pourrait favoriser la survenue d’une naissance vivante avec un Odd Ratio de 1,7 chez les patientes avec des antécédents de fausses couches à répétition (19,20).

L’hydroxychloroquine

L’hydroxychloroquine est un antipaludéen habituellement utilisé dans le traitement de différentes maladies auto-immunes et principalement le Lupus. L’hydroxychloroquine pourrait aussi avoir un effet bénéfique dans la prévention des fausses couches de plusieurs manières : en luttant contre l’état inflammatoire de l’endomètre, en réduisant le stress oxydatif, en limitant la dysfonction endothéliale et en diminuant l’état d’hypercoagulabilité (21) .Dans une étude rétrospective concernant 170 grossesses chez 96 patientes avec un SAPL, la prescription d’hydroxychloroquine (200-400 mg par jour) diminuait les fausses couches > 10 SA (2% vs. 11%) (22).

Deux essais multicentriques randomisés sont en cours pour évaluer l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur la diminution des fausses couches chez les patientes avec des antécédents de fausses couches. L’essai français BBQ mis en place par l’équipe de Brest chez les patientes présentant au moins 3 antécédents de FCS avec ou sans pathologie thrombotique, (HCQ for Prevention of RM or BBQ”) (23). L’hydroxychloroquine est administrée à la dose quotidienne de 400 mg, débutée avant la conception et prolongée jusqu’à 10 SA. Cet essai est temporairement suspendu à l’heure de l’écriture de l’article (Janvier 2022). L’autre essai est danois et inclus les femmes avec et sans anticorps antiphospholipides. (ClinicalTrials.gov: NCT03305263). Il existe un troisième essai dirigé par le Professeur Mekinian de l’hôpital Saint Antoine qui évalue l’effet de l’hydroxychloroquine administré en plus du traitement conventionnel chez les patientes ayant un SAPL obstétrical (incluant ainsi les fausses couches après 10 SA) (24).

Les antagonistes du TNF- α

Au cours de la grossesse normale, le fœtus pouvant être comparé à un greffon semi-allogénique, sa survie dans l’organisme maternel dépend de la diminution de la réponse immunitaire maternelle. Cette tolérance est autorisée par la présence des lymphocytes T-régulateurs et par la réponse cytokinique de type Th-2. Chez la souris, des publications ont démonté l’effet délétère des cytokines Th-1 telles que TNF-α sur la survie des fœtus. Le TNF-α aurait ainsi un effet pro-thrombotique et pro-inflammatoire responsable des fausses-couches chez la souris. Quelques études ont évalué l’effet des anti TNF-α (adalimumab ou etanercept) et ont retrouvé des résultats très encourageants mais sur des effectifs très réduits de femmes (voir pour revue :(25)) . Concernant la tolérance au traitement et le risque d’effet tératogène, les données proviennent des très nombreuses patientes traitées par anti-TNF-α au cours de la grossesse dans le cadre du traitement d’une pathologie systémique inflammatoire. Une étude a relevé un risque d’augmentation des malformations fœtales à la naissance de 1,5 % dans le groupe contrôle à 5 % dans le groupe traité par anti-TNF-α (495 patientes traitées/ 1532 femmes dans le groupe contrôle). Les patientes étaient traitées par anti-TNF-α pour des maladies inflammatoires de l’intestin, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante ou le rhumatisme psoriasique (26) . Même si le CRAT autorise l’utilisation de ces traitements en prenant garde à essayer de diminuer le traitement afin de diminuer les risques de pathologie néonatale, l’utilisation de molécules de la même famille ne passant pas la barrière fœto-placentaire en particulier le certolizumab pourrait faire disparaitre le problème d’un éventuel risque fœtal. Une étude prospective va commencer en France pour évaluer l’effet du certolizumab dans les échecs d’implantation à répétition sous l’égide des équipes des hôpitaux Tenon, Saint-Antoine et Trousseau.

Interleukine 2 low dose

Un essai original et novateur a lieu en ce moment en France à l’Hôpital Saint-Antoine sous la direction du Professeur Arsène MEKINIAN pour évaluer l’effet de l’Interleukine 2 low dose chez les patientes ayant plus de 5 antécédents de fausses couches. Chez l’Homme, l’IL2 administré à faible dose permet l’activation préférentielle des Lymphocytes T-régulateurs et est très bien tolérée. Il existe des études « précliniques » ayant montré une efficacité de ce traitement dans la prévention du rejet des fœtus allogéniques chez la souris (27). Dans cette étude pilote, 10 patientes doivent être incluses pour pour analyser l’efficacité et la tolérance de cette molécule dans la prévention des chez les patientes présentant des fausses couches récidivantes inexpliquées. A ce jour (Décembre 2021), 9 patientes ont été incluses.

CONCLUSION

La prise en charge des fausses couches à répétition est un très vaste sujet à l’intérieur duquel cohabitent de nombreuses pathologies qui peuvent co-exister au sein d’un même couple et certaines fois de manière transitoire. Si une patiente présente par exemple une cause immunologique à ses fausses couches et que l’on trouve le traitement qui pourrait corriger ce déséquilibre immun et permettre ainsi le déroulement d’une grossesse normale, il suffit que la patiente présente un embryon aneuploïde le mois du traitement immunomodulateur pour qu’une fausse couche survienne et que l’on conclue à tort à l’inefficacité du traitement chez la patiente. Inversement, un traitement pourrait paraître efficace si une patiente présente une grossesse menée à terme sans fausse couche après un traitement immunomodulateur. Il est possible que cette patiente ait présenté plusieurs grossesses avec embryon aneuploïde et que l’embryon ait été par hasard normal le mois de l’utilisation du traitement immunomodulateur. On conclurait à tort à l’efficacité du traitement. Pour compliquer le tout, les fausses couches liées à l’excès de fragmentation de l’ADN spermatiques soulèvent la question des anomalies embryonnaires non liées à une anomalie chromosomique et cette hypothèse ouvre un champ large d’anomalies embryonnaires qui ne sont pas identifiées aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous devons regrouper nos patientes au sein de centres experts afin de pouvoir monter des études telles que celles qui ont lieu en ce moment et ne pas traiter les patientes chacun dans notre coin avec nos petites recettes. Il ne faut pas oublier non plus les répercussions psychologiques dramatiques de cette pathologie et ne pas hésiter à proposer une aide psychologique adaptée à la patiente (psychothérapie, sophrologie, hypnose…). Travaillons main dans la main avec les rares immunologistes qui s’intéressent à la question et avec les généticiens. Battons-nous pour réaliser les analyses chromosomiques des produits de fausse couche et pour obtenir un jour l’accès au PGT-A pour les fausses couches à répétition.

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