Tour d’horizon des indications des inhibiteurs de PARP dans le cancer de l’ovaire

Emeline Colomba-Blameble & Patricia Pautier
Gustave Roussy, Université Paris-Saclay, Oncology Medicine Department, Villejuif, F-94805, France

Pendant des décennies, le traitement du cancer de l’ovaire a reposé sur la chirurgie et les chimiothérapies conventionnelles à base de sel de platine. En effet, jusqu'à récemment, le cancer de l'ovaire restait le parent pauvre de la médecine personnalisée, du fait notamment de la difficulté à identifier des mutations activatrices oncogéniques. La seule thérapie ciblée disponible était un anti-angiogénique, le bevacizumab, pour lequel les biomarqueurs prédictifs de réponse ne sont toujours pas clairement définis. Mais le bénéfice de l'introduction des inhibiteurs ciblant la poly (ADPribose) polymérase (PARPi) a changé le paradigme du traitement du cancer de l'ovaire.  

Environ 50 % des patientes atteintes d'un cancer de l'ovaire séreux de haut grade présentent une anomalie de la réparation de l'ADN impliquant les mécanismes de la recombinaison homologue (RH)1. De plus, dans près de la moitié de ces cas, ces anomalies du système de la RH sont liées à des mutations germinales ou somatiques du gène BReast CAncer type 1 ou type 2 (BRCA1 ou BRCA2). Pour résumer : 23% des patients avec un adénocarcinome de haut grade (séreux ou endométrioïde) présentent une mutation d’un des 2 gènes BRCA (15% en constitutionnelle et 7% en somatique)2,3.

Des études ont montré que les cellules mutées pour BRCA1 et BRCA2 étaient sensibles aux PARPi in vitro. Les enzymes PARP jouent un rôle essentiel dans la réparation des ruptures simple brin de l’ADN via la réparation par excision de base. L'inhibition des PARP conduit donc à l'accumulation de ruptures simple brin, qui bloquent les fourches de réplication, conduisant finalement à la formation de ruptures double brin (RDB). Dans une cellule normale, ces RDB sont réparées via la recombinaison homologue (RH), mais dans le contexte de mutations BRCA, l'inhibition des PARP devient létale pour la cellule déficiente pour la RH4. C’est le principe de la létalité synthétique.

Dans ce contexte, toute patiente avec un adénocarcinome séreux ou endométrioïde de haut grade de l’ovaire doit bénéficier d’une recherche de mutation somatique de BRCA 1 et 2 et en cas d’histoire familiale ou d’existence d’une mutation somatique de BRCA, d’une consultation d’oncogénétique. L’enquête génétique peut aboutir à l’accès à un dépistage précoce d’un deuxième cancer (du sein), au diagnostic d’une mutation constitutionnelle chez ses apparentés et à l’indication éventuelle d’un traitement par PARPi.

Trois PARPi ont reçu des approbations aux États-Unis et en Europe dans différentes indications. Des différences subtiles sont retrouvées parmi les indications pour chaque molécule en termes d'histologie, de type de mutation BRCA (lignée germinale et / ou somatique), et du nombre de lignes de chimiothérapies antérieures et si l'indication se situe en traitement ou en maintenance.

Trois PARPi ont l’AMM en France dans le cancer de l’ovaire. Olaparib, Niraparib et Rucaparib ont été testés dans plusieurs indications :

  • Chez les patientes BRCA mutées uniquement
  • Chez toutes les patientes indépendamment des anomalies de la RH
  • Dès la première ligne lors de la prise en charge initiale
  • En traitement de maintenance après réponse objective à la chimiothérapie à base de sel de platine
  • En monothérapie hors maintenance
  • A la rechute platine sensible (rechute à plus de 6 mois du dernier platine)
  • A la rechute platine résistante (rechute à moins de 6 mois du dernier platine)
  • En monothérapie
  • En association
  1. En rechute sensible au platine après chimiothérapie

En rechute platine sensible, 3 essais randomisés ont montré l’intérêt des PARPi en maintenance dans le cancer de l’ovaire, avec ou sans anomalie de la RH.

Deux essais de phase 3 ont accordé l’AMM au rucaparib (essai ARIEL 3)5 et au niraparib (essai NOVA)6 en rechute platine sensible après réponse (complète ou partielle) à un traitement à base de sels de platine quel que soit le statut mutationnel.

L’olaparib n’a l’AMM en France à la rechute que chez les patientes avec une mutation de BRCA (somatique ou constitutionnelle). En effet, cette molécule a montré un bénéfice dans une phase 2 randomisée (la study 19) indépendamment du statut BRCA7. Toutefois, la seule étude de phase 3 avec l’olaparib en entretien à la rechute n’a inclus que les patiente avec une mutation de BRCA (essai SOLO 2)8,9.

Dans tous les essais, le bénéfice était significatif chez toutes les patientes mais plus marqué d’abord chez les patientes avec mutation BRCA, puis chez celles avec un déficit de la RH sans anomalie de BRCA. Enfin, on observait un bénéfice significatif mais moindre chez les patientes sans anomalie de la RH ni mutation de BRCA.

Les PARPi sont devenus le nouveau standard de traitement en entretien à la rechute platine sensible chez toutes les patientes en bonne réponse après chimiothérapie à base de sels de platine. Plus récemment, les PARPi ont montré également un bénéfice dès la prise en charge initiale du cancer de l’ovaire avancé.

  1. En première ligne de traitement des formes avancées

En effet, en cas de cancer de l’ovaire avancé (stade III et IV), de type séreux ou endométrioïde, l’olaparib en maintenance pendant au moins 2 ans, a montré un bénéfice en survie sans progression sans précédent, de plus de 3 ans chez les patientes avec mutation de BRCA en réponse objective à une première ligne de sel de platine (essai SOLO1)10.

Plus récemment, 2 essais de phase 3 positifs dans le cancer de l’ovaire avancé (stade III et IV) ont confirmé l’intérêt des PARPi en maintenance dès la prise en charge initiale indépendamment des anomalies de la RH.

L’essai PRIMA a montré que le niraparib en entretien apportait un bénéfice en survie sans progression de 5 mois chez des patientes de pronostic défavorable (inopérables ou avec de la maladie résiduelle après chirurgie de cytoreduction)11.  

L’essai PAOLA du groupe français GINECO était le premier à évaluer l’association PARPi avec le bevacizumab en maintenance de première intention dans le cancer de l’ovaire avancé. Le bénéfice en survie sans progression était de plus de 6 mois12.

L’approbation par l’European Medicines Agency (EMA) est en attente concernant ces nouvelles indications.

Ces essais récents ont rappelé que le cancer de l’ovaire reste une maladie de mauvais pronostic avec des patientes dans le bras standard qui rechutaient dans les 13 mois en médiane après la prise en charge initiale (8 mois dans l’essai PRIMA)11,12. Ces données corroborent l’intérêt de débuter tôt une stratégie de maintenance optimale chez ces patientes de stade avancé qui rechutent dans plus de 70% des cas.

  1. En rechute sensible au platine en alternative à une chimiothérapie

Les PARPi ont également une indication en alternative à une chimiothérapie en monothérapie de la rechute chez les patientes mutées pour BRCA.

La Food and Drug Administration (FDA) a approuvé en monothérapie pour les patientes BRCA mutées en rechute (platine sensible ou réfractaire), le rucaparib après échec d’au moins deux lignes de chimiothérapies13,14. L 'olaparib a été approuvé sur la même indication mais après échecs d’au moins 3 lignes de chimiothérapies15.

L'EMA a également examiné les données sur le rucaparib dans le cadre du traitement du cancer de l’ovaire et a approuvé le rucaparib pour le traitement des rechutes chez les patientes avec mutation de BRCA germinale ou somatique, mais a limité l'indication aux rechutes sensibles aux platines et aux patientes non éligibles à une chimiothérapie.

La tolérance des PARPi est acceptable mais nécessite un suivi biologique et clinique régulier.

En monothérapie en entretien les PARPi sont débutés 6 à 8 semaines après le dernier cycle de chimiothérapie à base de sel de platine. Une surveillance biologique étroite doit être réalisée pour limiter la toxicité hématologique non négligeable ; plus souvent des anémies sous olaparib et rucaparib et plus de thrombopénies sous niraparib. On observe aussi rarement des neutropénies. De plus, environ 1% d’hémopathies (leucémie aigüe myéloïde et syndrome myélodysplasique) ont été rapportées sous PARPi. Les patientes rapportent parfois également des troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées vomissements) et une asthénie. A noter que le rucaparib peut donner des perturbations du bilan hépatique et l’olaparib une hypertension artérielle5,10,11,14.

En conclusion, le cancer de l'ovaire a conduit l'innovation thérapeutique en fournissant la preuve du concept que la réparation de l'ADN pouvait être une cible thérapeutique. Les indications des PARPi s’étendent au fur et à mesure des résultats des essais démontrant leur bénéfice pour optimiser la prise en charge thérapeutique de cette maladie agressive.

Tableau 1 : Indications des PARPi i en France

Molécules

Olaparib

Niraparib

Rucaparib

Prise en charge initiale en maintenance

Traitement de maintenance en première ligne du cancer de l’ovaire stade III-IV en réponse objective au platine et BRCA muté (Essai SOLO1)10

 

 

Rechute platine sensible en traitement de maintenance

Traitement de maintenance de la rechute platine sensible du cancer de l’ovaire BRCA muté en réponse objective à une nouvelle ligne par platine (Essai SOLO 2)8,9

Traitement de maintenance de la rechute platine sensible du cancer de l’ovaire indépendamment du statut mutationnel en réponse objective à une nouvelle ligne par platine
(Essai NOVA)
6

Traitement de maintenance de la rechute platine sensible du cancer de l’ovaire indépendamment du statut mutationnel en réponse objective à une nouvelle ligne par platine (Essai ARIEL3)5

Rechute platine sensible en monothérapie hors maintenance

 

 

Traitement de la rechute platine sensible du cancer de l’ovaire BRCA muté après échec d’au moins 2 lignes de chimiothérapies
chez les patientes non éligibles à une chimiothérapie 

(Essai ARIEL2)14

Premières lignes en attente d’AMM

Traitement de maintenance en première ligne du cancer de l’ovaire stade III-IV en réponse objective au platine et indépendamment du statut mutationnel en association au bevacizumab

(Essai PAOLA)12

Traitement de maintenance en première ligne du cancer de l’ovaire stade III-IV avec maladie résiduelle et en réponse objective au platine indépendamment du statut mutationnel

(Essai PRIMA)11

 

 

Bibliographie :

1. Konstantinopoulos PA, Ceccaldi R, Shapiro GI, D’Andrea AD. Homologous Recombination Deficiency: Exploiting the Fundamental Vulnerability of Ovarian Cancer. Cancer Discov. 2015;5(11):1137-1154. doi:10.1158/2159-8290.CD-15-0714

2.  Cancer Genome Atlas Research Network. Integrated genomic analyses of ovarian carcinoma. Nature. 2011;474(7353):609-615. doi:10.1038/nature10166

3.  Alsop K, Fereday S, Meldrum C, et al. BRCA mutation frequency and patterns of treatment response in BRCA mutation-positive women with ovarian cancer: a report from the Australian Ovarian Cancer Study Group. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol. 2012;30(21):2654-2663. doi:10.1200/JCO.2011.39.8545

4.  Murai J, Huang SN, Das BB, et al. Trapping of PARP1 and PARP2 by Clinical PARP Inhibitors. Cancer Res. 2012;72(21):5588-5599. doi:10.1158/0008-5472.CAN-12-2753

5.  Coleman RL, Oza AM, Lorusso D, et al. Rucaparib maintenance treatment for recurrent ovarian carcinoma after response to platinum therapy (ARIEL3): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet Lond Engl. 2017;390(10106):1949-1961. doi:10.1016/S0140-6736(17)32440-6

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7.  Friedlander M, Matulonis U, Gourley C, et al. Long-term efficacy, tolerability and overall survival in patients with platinum-sensitive, recurrent high-grade serous ovarian cancer treated with maintenance olaparib capsules following response to chemotherapy. Br J Cancer. 2018;119(9):1075-1085. doi:10.1038/s41416-018-0271-y

8.  Ledermann J, Harter P, Gourley C, et al. Olaparib maintenance therapy in patients with platinum-sensitive relapsed serous ovarian cancer: a preplanned retrospective analysis of outcomes by BRCA status in a randomised phase 2 trial. Lancet Oncol. 2014;15(8):852-861. doi:10.1016/S1470-2045(14)70228-1

9.  Pujade-Lauraine E, Ledermann JA, Selle F, et al. Olaparib tablets as maintenance therapy in patients with platinum-sensitive, relapsed ovarian cancer and a BRCA1/2 mutation (SOLO2/ENGOT-Ov21): a double-blind, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet Oncol. 2017;18(9):1274-1284. doi:10.1016/S1470-2045(17)30469-2

10.  Moore K, Colombo N, Scambia G, et al. Maintenance Olaparib in Patients with Newly Diagnosed Advanced Ovarian Cancer. N Engl J Med. 2018;379(26):2495-2505. doi:10.1056/NEJMoa1810858

11.  González-Martín A, Pothuri B, Vergote I, et al. Niraparib in Patients with Newly Diagnosed Advanced Ovarian Cancer. N Engl J Med. 2019;381(25):2391-2402. doi:10.1056/NEJMoa1910962

12.  Ray-Coquard I, Pautier P, Pignata S, et al. Olaparib plus Bevacizumab as First-Line Maintenance in Ovarian Cancer. N Engl J Med. 2019;381(25):2416-2428. doi:10.1056/NEJMoa1911361

13.  Balasubramaniam S, Beaver JA, Horton S, et al. FDA Approval Summary: Rucaparib for the Treatment of Patients with Deleterious BRCA Mutation-Associated Advanced Ovarian Cancer. Clin Cancer Res Off J Am Assoc Cancer Res. 2017;23(23):7165-7170. doi:10.1158/1078-0432.CCR-17-1337

14. Swisher EM, Lin KK, Oza AM, et al. Rucaparib in relapsed, platinum-sensitive high-grade ovarian carcinoma (ARIEL2 Part 1): an international, multicentre, open-label, phase 2 trial. Lancet Oncol. 2017;18(1):75-87. doi:10.1016/S1470-2045(16)30559-9

15. Kim G, Ison G, McKee AE, et al. FDA Approval Summary: Olaparib Monotherapy in Patients with Deleterious Germline BRCA-Mutated Advanced Ovarian Cancer Treated with Three or More Lines of Chemotherapy. Clin Cancer Res Off J Am Assoc Cancer Res. 2015;21(19):4257-4261. doi:10.1158/1078-0432.CCR-15-0887

Déclarations de conflits d'intérêts : E. COLOMBA a perçu des honoraires pour consulting des laboratoires : IPSEN, SANOFI, PFIZER, et BMS.

 

 

 
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