Place des inhibiteurs de PARP pour la prise en charge du cancer de l'ovaire

Avec près de 5200 nouveaux cas estimés en 2018, le cancer de l’ovaire se situe au 5ème rang des cancers féminins. En raison de l’absence de symptômes aux stades précoces et de dépistage efficace, une majorité des cancers des ovaires est diagnostiquée à un stade avancé. Le pronostic des cancers de l’ovaire avancés reste réservé avec une médiane de survie globale de l’ordre de 3 ans en cas de stades III ou IV. Le traitement de référence de ces stades avancés repose sur la chirurgie complète quand elle est possible, la chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel, et l’anticorps anti-VEGF bevacizumab. Ces dernières années, l’avènement des inhibiteurs de PARP apporte un nouvel espoir pour les patientes atteinte de cancer de l’ovaire avancé.

Les mutations constitutionnelles des gènes BRCA 1 ou BRCA 2 sont les principales causes de prédisposition au cancer de l’ovaire. Ces gènes codent pour des protéines impliquées dans le système de réparation des cassures double-brin de l’ADN par recombinaison homologue. On sait maintenant que cette voie de réparation par recombinaison homologue est fréquemment inactivée par des événements somatiques (retrouvés uniquement au sein de la tumeur, non héréditaires). Il peut s’agir de mutations somatiques de BRCA 1 ou BRCA 2 ou d’autres anomalies au-delà de BRCA. Il est estimé que la moitié des cancers épithéliaux ovariens présente un déficit de la recombinaison homologue. En pratique, il existe des signatures moléculaires permettant d’identifier les tumeurs déficientes. En cas de déficit de la recombinaison homologue, la survie cellulaire repose sur d’autres voies de réparation comme celle impliquant PARP. L’inhibition de PARP entraine donc la mort des cellules porteuses d’un déficit de recombinaison homologue, c’est le principe de la léthalité synthétique.

Plusieurs essais thérapeutiques ont montré l’intérêt en clinique des inhibiteurs de PARP, en particulier en cas de mutation de BRCA 1 ou BRCA 2 ou de déficit de la recombinaison homologue qu’il soit lié ou non à une anomalie de BRCA.

L’étude SOLO1 a prouvé la spectaculaire efficacité de 2 ans d’olaparib en traitement de maintenance après une chimiothérapie de première ligne pour les patientes ayant une mutation de BRCA 1 ou BRCA2. A 5 ans, 48 % des patientes traitées par olaparib ne présentaient pas de progression tumorale vs. 21% avec le placebo. L’étude PAOLA-1 a récemment rapporté le bénéfice de l’adjonction de 2 ans d’olaparib en maintenance au traitement standard par bevacizumab. La survie sans progression médiane était allongée de 15 mois en cas de mutation de BRCA et de 11 mois en cas de déficit de la recombinaison homologue non lié à BRCA. Un autre inhibiteur de PARP, a été évalué en entretien après chimiothérapie de première ligne dans l’étude PRIMA. Dans cette étude, le niraparib améliorait la survie sans progression en cas de mutation de BRCA ou de déficit de la recombinaison homologue non lié à BRCA mais également, de façon plus modeste, en l’absence de déficit de la recombinaison homologue.

Ces traitements sont actuellement accessibles en France dès la première ligne (Table).

En cas de cancer de l’ovaire récidivant plus de 6 mois après la chimiothérapie de 1ère ligne (rechute dite « platine-sensible »), plusieurs études ont également démontré l’intérêt des inhibiteurs de PARP en maintenance en cas de réponse tumorale après une nouvelle ligne de chimiothérapie à base de sels de platine. Trois inhibiteurs de PARP sont disponibles pour nos patientes dans cette situation : l’olaparib, le niraparib et le rucaparib.

L’olaparib permettait une survie globale à 5 ans de 42% contre 33% avec le placebo dans l’étude SOLO-2 dans une population mutée BRCA. Le niraparib améliorait la survie sans progression par rapport au placebo en cas de mutation BRCA (Risque Relatif : 0.27) mais également en l’absence de mutation BRCA (RR : 0.45). Des résultats similaires étaient observés avec un 3ème inhibiteur de PARP, le rucaparib, dans l’étude ARIEL 3.

Le rucaparib a également été évalué en traitement de 3e ligne ou plus chez des patientes ayant un cancer de l’ovaire en rechute platine-sensible ne pouvant pas tolérer une autre chimiothérapie à base de platine. En cas de mutation BRCA la survie sans progression médiane était allongée de près d’un an. Cependant le rucaparib n’a pas obtenu le remboursement en France dans cette indication.

Traitement d'entretien des cancer épithéliaux avancé de haut grade de l'ovaire, en réponse à une première ligne de chimiothérapie à base de platine

Olaparib

En monothérapie En cas de mutation BRCA

En association avec le bevacizumab en cas de mutation BRCA ou de déficit de la recombinaison homologue (post-ATU)

Niraparib

En l’absence de mutation BRCA ou en cas de contre-indication au bevacizumab (post-ATU)

Traitement d'entretien des cancers épithéliaux de haut grade de l'ovaire récidivant et sensible au platine et qui sont en réponse à une chimiothérapie à base de platine.

Olaparib

En cas de mutation BRCA

Niraparib

Quel que soit le statut BRCA, seulement dans les cancers séreux

Rucaparib

Quels que soient le statut BRCA et l’histologie

Table : Disponibilité des inhibiteurs de PARP en France au 30/04/2021.

Alors que ces traitements sont voués à être administrés de façon prolongée et par voie orale, le profil de tolérance et l’adhérence thérapeutique sont au premier plan au cours du suivi.
Les inhibiteurs de PARP peuvent présenter des toxicités de classe, à type d’asthénie et de troubles digestifs (nausées, troubles du transit) pour lesquels la prévention, l’évaluation régulière et la prise en charge symptomatique sont nécessaires. Des cytopénies sont fréquentes et nécessitent une surveillance biologique régulière tout au long du traitement et particulièrement rapprochée à l’instauration. Des hypertensions artérielles peuvent être observées avec le niraparib. Des perturbations du bilans hépatiques peuvent survenir, en particulier avec le rucaparib. Il faut également bien évaluer le risque d’interactions pharmacologiques notamment avec l’olaparib. Au long terme, ces traitements pourraient également augmenter le risque de myélodysplasie ou de leucémie aigüe, qui étaient observées chez 2 à 6% des patientes selon les études.

On assiste donc à une formidable avancée dans le cancer de l’ovaire avec des améliorations thérapeutiques concrètes et l’entrée de cette pathologie dans l’ère de la médecine personnalisée.

 
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