L’article de Pierre-Emmanuel BOUET, de Isaac-Jacques KADOCH (Département de Médecine de la Reproduction OVO-CLINIC et Département de Pathologie Université de MONTREAL, Canada) étudie la prévalence de l’endométrite chronique (EC) chez les patientes présentant des échecs répétés d’implantations embryonnaires (RIF) après fécondation in vitro (FIV) et des fausses couches spontanées inexpliquées (FCS).
Il s’agit d’une étude prospective menée entre novembre 2012 et mars 2015 auprès de 99 patientes inclues dans deux groupes :
- Groupe 1 : patientes présentant des échecs répétés d’implantations embryonnaires après FIV (n = 46) ;
- Groupe 2 : patientes présentant des FCS idiopathiques (n = 53).
L’âge moyen des patientes était de 36,3 ans dans le groupe 1 et 34,5 ans dans le groupe 2.
Dans l’ensemble des groupes, 7 biopsies réalisées après hystéroscopie étaient jugées ininterprétables du fait d’une récupération de matériel tissulaire inadéquat.
Les bilans réalisés dans les deux groupes comportaient un bilan hormonal (mesure de l’hormone thyroïdienne, de prolactine), un caryotype chez les patientes et chez le conjoint, un bilan immuno-hématologique recherchant les mutations de facteurs V de Leiden, des anticoagulants anti-lupiques, des anti-phospholipides… ; une hystérosalpingographie ou une hystérosonographie était également réalisée.
Lors de l’hystéroscopie diagnostic ambulatoire, une biopsie d’endomètre était réalisée en phase folliculaire (J6 à J12 du cycle) et une biopsie avec étude immuno-histo-chimique pratiquée recherchant des cellules plasmocytes par IHC marqueurs pour Syndecan-1.
Résultats :
132 patientes ont bénéficié d’une hystéroscopie diagnostic ambulatoire durant la période étudiée :
- 60 pour le groupe 1 ayant des échecs répétés d’implantations embryonnaires avec fécondation in vitro : ce groupe étant défini chez des patientes ayant eu un transfert de 2 ou 3 embryons (transfert d’embryons frais ou transfert d’embryons après décongélation chez des femmes au-dessous de 35 ans, ou transfert de 4 embryons chez des femmes au-dessus de 35 abs).
- le groupe 2 était défini comme des patientes ayant présenté des fausses couches spontanées à répétition (au-dessus de 2) survenant avant 16 semaines d’aménorrhée.
Dans les deux groupes, 30 patientes ont été exclues de l’étude, soit du fait d’une découverte fortuite de polypes, fibromes ou du fait d’une prise d’antibiotiques pour une autre cause avant l’hystéroscopie et la biopsie envisagées.
Il faut remarquer que la prévalence globale d’une endométrite chronique, confirmée histologiquement et par immuno-marquage pour l’anticorps CD-138 Syndecan-1 était de 21,3 %, soit 20 patientes sur 94.
- L’endométrite chronique a été diagnostiquée dans 14 % des cas dans le groupe 1 après échecs de fécondation in vitro et 27 % dans le groupe 2, chez les patientes présentant des fausses couches spontanées à répétition.
- La sensibilité et la spécificité de l’hystéroscopie ambulatoire dans le diagnostic de l’endométrite chronique étaient respectivement de 40 % dans le groupe 1 et 80 % dans le groupe 2.
Discussion de l’article :
Pour les auteurs, cette étude montre une prévalence notable de l’endométrite chronique diagnostiquée à partir de la détection par l’anticorps CD-138 de plasmocytes : la définition histologique de l’endométrite chronique diffère selon les études et il n’y a pas de consensus établi sur le nombre de plasmocytes retrouvé par champ optique pour confirmer ce diagnostic ; les auteurs prennent comme critères d’endométrite chronique la présence d’au moins
5 plasmocytes par champ optique pour établir ce diagnostic, et le marquage immuno-histo-chimique reste supérieur aux données histologiques isolées.
Selon les auteurs, l’hystéroscopie diagnostic utilisée en routine dans le cadre d’un bilan chez les patientes présentant des échecs répétés d’implantations embryonnaires est utile, mais doit être complétée par une biopsie endométriale afin d’évaluer la présence d’une endométrite chronique.
Les auteurs recommandent, mais de façon « empirique », une antibiothérapie à base de Doxycycline (200 mg/jour pendant 14 jours).
Dans leur étude, ils n’ont pas réalisé de biopsie diagnostic à la suite du traitement pour confirmer un effet thérapeutique sur l’endométrite. Ils préconisent actuellement une bithérapie antibiotique dans les cas d’endométrite chronique persistante, associant pendant une période de 2 semaines du Metronidazole (500 mg/jour) et du Moxifloxacine (400 mg/jour).
Les auteurs posent les limites de cette étude : hétérogénéité de la réalisation par différents opérateurs des hystéroscopies, nombre limité des patientes inclues, à ce jour absence de consensus réel sur le diagnostic immuno-histo-chimique de l’endométrite chronique basé sur le nombre de cellules plasmocytaires retrouvées.
Chronic endometritis in women with recurrent pregnancy loss and recurrent implantation failure : prevalence and role of office hysteroscopy and immunohistochemistry in diagnosis – Pierre-Emmanuel BOUET et coll. - Fertility and Sterility Vol, 105 n°1 January 2016