Les cancers du sein représentent 30 % des cancers féminins et environ 70 % possèdent des récepteurs hormonaux (RH+). Les recommandations proposent que les patientes RH+ bénéficient d’un traitement hormonal avec un antiestrogène, comme le tamoxifène ou les inhibiteurs de l’aromatase, éventuellement associé à un analogue du GnRH. En effet, ce traitement complémentaire a montré une réduction significative dans les taux de récidives et de mortalité.
Les symptômes vasomoteurs (SVM) sont des effets secondaires fréquents des traitements hormonaux dans ce cadre et peuvent être plus sévères que ceux associés à la ménopause naturelle, en particulier chez les jeunes femmes qui reçoivent souvent des analogues du GnRH de façon concomitante. Ces effets indésirables affectent considérablement la qualité de vie à l’origine d’arrêts intempestifs du traitement.
L’elinzanetant est une molécule développée dans le traitement des SVM associés à la ménopause. Il s’agit d’un antagoniste non hormonal sélectif des récepteurs neurokinine 1 et 3. De nombreux indices laissent à penser que les neurones KNDy (kisspeptine/neurokine B/ dynorphine) jouent un rôle dans la thermorégulation. Ces neurones sont stimulés par la substance P qui agit sur les récepteurs NK-1 et le neurokinine B sur les récepteurs NK- 3.
Le déclin de l’activité ovarienne œstrogénique, qui résulte de la ménopause naturelle ou des traitements hormonaux, entraîne une hypertrophie et une hyperactivité des neurones KNDy. Ces modifications sont accompagnées par une élévation de l’expression de la substance P et de neurokinine B avec altération de la thermorégulation à l’origine des SVM. Les récepteurs NK pourraient aussi avoir un rôle dans la vasodilatation périphérique et les troubles du sommeil.
Deux études de phase 3 précédentes analysaient sur 26 semaines le traitement par elinzanetant (OASIS 1 et OASIS 2) chez des femmes ménopausées avec SVM. La molécule améliorait de façon significative la fréquence et la sévérité des SVM modérés à sévères mais aussi les troubles du sommeil et la qualité de vie comparativement au placebo. Dans un autre essai sur 52 semaines, ces résultats semblaient se confirmer sur le plus long terme (OASIS 3).
L’essai présenté cet été dans le New England Journal of Medicine (Oasis 4) évalue l’efficacité et la sécurité de ce produit à la dose 120 mg/j pour traiter les SVM associés aux traitements hormonaux chez des femmes avec cancer du sein HR+ ou à haut risque de cancer du sein (une seule femme).
Entre octobre 2022 et novembre 2024, 474 femmes ont été randomisées, 444 ont complété 12 semaines de l’essai, 395 ont complété 52 semaines. Les femmes étaient âgées de 18 à 70 ans avec des SVM modérés à sévères associés à un traitement hormonal pour un cancer HR+ ou en prévention primaire. Elle recevait soit du tamoxifène soit un inhibiteur de l’aromatase (avec ou sans analogue du GnRH) et avaient au moins 35 SVM par semaine. L’étude a été conçue pour enrôler au moins 40 % de patientes sous tamoxifène et 40 % utilisant un inhibiteur de l’aromatase. Les femmes étaient randomisées dans un ratio 2/1 pour recevoir l’elinzanetant à la dose de 120 mg/ j pour 52 semaines (groupe 1) ou un placebo sur 12 semaines, puis l’elinzanetant à 120 mg/j pour les 40 semaines restantes (groupe 2). 91,6% des patientes du groupe 2 ont choisi de poursuivre l’essai après la première année.
L’objectif principal de l’essai était d’apprécier le changement de la fréquence et de la sévérité des BVM modérées à sévères à la 4ème et la 12ème semaine de traitement comparativement à l’entrée dans l’essai.
Un total de 316 participantes ont été assignées au groupe elinzanetant (groupe 1) et 158 au groupe placebo puis elinzanetant (groupe 2).
A l’entrée dans l’essai, la fréquence quotidienne moyenne des SVM modérés à sévères était de 11,4 épisodes dans le groupe 1et de 11,5 épisodes dans le 2ème groupe. Lors de la 4ème semaine, la fréquence moyenne des BVM diminuait de 6,5 épisodes dans le groupe 1 et de 3 épisodes dans le 2ème groupe, avec donc une différence moyenne de - 3,5 épisodes (P< 0. 001). Lors de la 12ème semaine, la fréquence moyenne était réduite de 7,8 épisodes dans le groupe 1 et de 4,2 épisodes dans le groupe 2 (P <0.001). A 4 semaines, 61,1% des femmes du groupe 1 et 27% du groupe 2 avaient une réponse au traitement avec une réduction d’au moins 50% des BVM. A 12 semaines, les chiffres étaient de 74,3% et 35, 8% respectivement.
A l’entrée dans l’essai, le score appréciant les troubles du sommeil était équivalent dans les 2 groupes indiquant des perturbations modérées. Ce même score analysé à la 12ème semaine montrait une amélioration significative de la qualité du sommeil dans le groupe 1.
De même, à l’entrée dans l’essai les scores de qualité de vie était équivalent dans les 2 groupes avec une amélioration significative à 12 semaines chez les femmes du groupe elinzanetant.
Entre la première semaine et la 12ème semaine, un total de 220 participantes (69,8 %) du groupe 1 et 98 (62 %) du groupe 2 ont rapporté au moins un effet secondaire qui était le plus souvent modéré comme des maux de tête, fatigue, somnolence, diarrhée…
Les effets secondaires plus sérieux sont arrivés entre la 1ère et la 12ème semaine de l’essai chez 8 femmes de groupe 1 et chez 1 femme du groupe placebo.
Une élévation des enzymes hépatiques a été retrouvée chez 5 femmes du groupe 1 et un seul qui a été considéré comme sérieux du fait de l’augmentation importante des transaminases. Tous les cas ont été réversibles et à ce jour il ne semble pas exister d’hépatotoxicité de la molécule.
Il n’apparaissait pas y avoir d’interaction médicamenteuse avec l’antiestrogène utilisé comme cela peut se voir notamment avec certains antidépresseurs utilisés parfois dans le contexte des SVM.
L’elinzanetant semble donc apporter une efficacité en diminuant la fréquence des SVM comparativement au placebo. Plus de 70 % des femmes traitées avaient une réduction des symptômes d’au moins 50 % à 12 semaines. De même, il semble exister des bénéfices importants concernant le sommeil mais aussi la qualité de vie.
Cette molécule pourrait donc être particulièrement utile en cas de SVM modérés à sévères liés aux traitements hormonaux pour cancer du sein RH+ en améliorant leur tolérance et donc l’observance de ces thérapeutiques. Des essais complémentaires seront utiles pour confirmer la sécurité d’emploi, en particulier sur le plan carcinologique et hépatique.
Cardoso F, Parke S, Brennan DJ et al. Elinzanetant for vasomotor symptoms from endocrine therapy for breast cancer. N Eng J Med. 2025 ; 393(8) :753-763 ;