Les contraceptifs hormonaux ont une excellente efficacité contraceptive, et peuvent être utiles dans le traitement de certaines pathologies comme le SOPK et l’endométriose, tout en réduisant les risques de cancers de l’ovaire et de l’endomètre. Néanmoins, leur utilisation dans la population générale a été associée à une augmentation possible du risque de cancer du sein. Leur prescription fait toujours suite à une évaluation de la balance bénéfice-risque, le plus souvent positive notamment en cas de besoin contraceptif.
L’impact de ces contraceptifs hormonaux chez les femmes à haut risque de cancer du sein, comme celles portant des mutations génétique BRCA, reste mal évalué. En effet, les études précédentes aboutissent à des résultats contradictoires, notamment concernant l’influence de la durée d’utilisation, de l’âge au début de l’utilisation, ou de l’utilisation avant la première grossesse sur le risque de cancer du sein.
Une nouvelle étude observationnelle utilisant les données de 4 cohortes prospectives tente de faire le point, en évaluant l’association entre l’utilisation de contraceptifs hormonaux et le risque de cancer du sein chez les femmes porteuses de BRCA1/2. L’influence de la durée d’utilisation, de l’âge au début de l’utilisation et de l’utilisation ou non avant la première grossesse ont également fait l’objet d’une évaluation.
Dans cette étude, les auteurs ont pu inclure 5391 femmes en Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Europe et aux Etats-Unis : 3882 étaient porteuses d’une mutation BRCA1 et 1509 d’une mutation BRCA2. 53% et 71% respectivement avaient déjà utilisé des contraceptifs hormonaux pendant au moins un an (durée médiane d’utilisation cumulée : 4,8 ans pour BRCA1 et 5,7 ans pour BRCA2). Un total de 488 porteuses de BRCA1 et 191 porteuses de BRCA2 ont développé un cancer du sein au cours d’un suivi médian de 5,9 et 5,6 ans, respectivement.
Les résultats de l’analyse sont les suivants :
Chez les porteuses de BRCA1 :
- aucune période d’utilisation d’une contraception hormonale, considérée individuellement, n’augmente le risque de façon statistiquement significative (HR = 1,40, IC à 95 % : 0,94 à 2,08 pour l’utilisation actuelle ; HR = 1,16, IC à 95% : 0,80 à 1,69 pour l’utilisation passée de 1 à 5 ans ; HR 1,40, IC à 95% : 0,99 à 1,97 de 6 à 10 ans ; HR 1,27, IC à 95% : 0,98 à 1,63 de 10 ans et plus)
- cependant globalement l’utilisation à un moment quelconque de la vie pendant au moins 12 mois en continu, semble associée à un risque accru de cancer du sein (HR 1,29 IC à 95 % : 1,04 à 1,60), suggérant un risque accru pour l’utilisation actuelle et passée de contraceptifs hormonaux par rapport à l’absence d’utilisation chez les porteuses de mutation BRCA1.
- le risque de cancer du sein apparait augmenter avec une durée d'utilisation cumulée plus longue (HR par année d'utilisation, 1,03 [IC 95 %, 1,00 à 1,06]). Cette constatation pourrait paraître surprenante car le cancer du sein chez ces femmes est généralement de phénotype triple-négatif, mais elle est cohérente avec une méta-analyse récente des facteurs de risque pour le cancer du sein triple-négatif.
Après ajustement pour l'utilisation actuelle et passée, ni l'âge plus jeune au début de l'utilisation des contraceptifs hormonaux, ni l'utilisation avant la première grossesse ne semblent associés à un risque accru de cancer du sein.
Chez les porteuses de BRCA2 :
- l’utilisation actuelle ou passée de contraceptifs hormonaux n’est pas associée à une augmentation du risque de cancer du sein (HR = 0,70, IC à 95 % : 0,33 à 1,47 et HR = 1,07, IC à 95% : 0,73 à 1,57, respectivement).
- il n’est pas retrouvé d’association entre l’utilisation de contraceptif hormonal à un moment quelconque de la vie, la durée totale d’utilisation, l'âge au premier usage des contraceptifs hormonaux, ou l'utilisation avant la première grossesse d’une part, et le risque de cancer du sein d’autre part.
De nombreux biais existent dans cette publication :
- le design observationnel de cette étude en premier lieu
- l'analyse pour les porteuses de BRCA2 basée sur seulement 191 cas de cancers du sein avec de larges intervalles de confiance, ce qui nécessite de prendre ces résultats avec prudence
- peu de femmes dans l'étude ont utilisé des contraceptions hormonales pendant plus de 15 ans ; les résultats ne peuvent donc pas être extrapolés au-delà de 15 ans.
- le mode de recueil des données sur le type de contraception hormonale variait d'une étude à l'autre ; ainsi, certaines participantes ayant utilisé des contraceptions hormonales autres que les COP ont pu être mal classées.
- l’analyse ne tient pas compte des éventuelles différences de formulation des COP, qui pourraient avoir un impact sur le risque de cancer du sein.
Les principaux points forts de cette étude sont la grande taille de l'échantillon de porteuses de la mutation BRCA1, le design prospectif (l'utilisation des contraceptifs hormonaux a été rapportée avant le diagnostic du cancer), la collecte systématique des données, et l'utilisation de l'imputation multiple pour traiter les données manquantes.
Les résultats de cette étude suggèrent donc que l'utilisation des contraceptifs hormonaux chez les porteuses de la mutation BRCA1 pourrait être associée à une augmentation similaire du risque relatif de cancer du sein par rapport à la population générale. Il semble y avoir une relation dose-réponse, avec un risque de cancer du sein qui augmente avec la durée cumulative d'utilisation.
Pour autant, les méta-analyses précédentes n’avaient dans l’ensemble pas retrouvé d’augmentation significative du risque de cancer du sein chez les utilisatrices d’une contraception orale, à la fois chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA1, ou d’une mutation BRCA2. Des études complémentaires sont donc nécessaires pour apporter une réponse définitive à cette question.