Mutation BRCA1/2 et risque de cancer de l’ovaire : évaluation du rôle protecteur de la contraception hormonale

Les mutations des gènes BRCA1/2 sont associées à un risque majeur de cancer de l’ovaire. A l’âge de 70 ans, le risque cumulé est estimé à 41% en cas de mutation de BRCA1 et de 15% en cas de mutation de BRCA2. L’utilisation de la contraception orale est associée à une réduction d’environ 50% du risque de cancer ovarien dans la population générale, avec une relation dose-dépendante liée à la durée d’utilisation. L’estimation de réduction de risque dans la population des femmes mutées semble favorable mais jusqu’ici les études portaient sur des petits effectifs et comportaient de nombreux biais.

Une nouvelle étude collaborative européenne rétrospective, utilisant les données de l’International BRCA1/2 Carrier Cohort Study (IBCCS), permet de préciser la relation entre utilisation de contraception orale et risque de cancer ovarien chez les femmes mutées.

Ainsi, 3989 femmes porteuses de mutation BRCA1 et 2445 porteuses de mutation BRCA2 ont été analysées. Une chirurgie annexielle prophylactique avait été pratiquée chez 2,4% des femmes mutées pour BRCA1 et 1,8% mutées pour BRCA2.

346 femmes mutées pour BRCA1 ont été atteintes d’un cancer de l’ovaire (8,7%) et  106 femmes en cas de mutation BRCA2 (4,3%). Les femmes non atteintes de cancer étaient plus jeunes : 40.5 ans vs 51.7 en cas de mutation BRCA1 et 43.4 ans vs 56.9 en cas de mutation BRCA2.

La contraception orale avait moins été globalement utilisée chez les femmes mutées atteintes de cancer de l’ovaire (58,6% en cas de mutation BRCA1 et 53,5% en cas de mutation BRCA2) comparativement à celles n’ayant pas développé de cancer de l’ovaire (88,9% en cas de mutation BRCA1 et 80,7% en cas de mutation BRCA2). La durée moyenne d’utilisation de la contraception était de 7 ans chez les femmes mutées atteintes de cancer ovarien et respectivement de 9 et 8 ans chez les femmes indemnes porteuses de mutation BRCA1 et BRCA2.

En cas de mutation BRCA1, l’analyse montre que la réduction du risque de cancer de l’ovaire était associée aux plus longues et plus récentes utilisations de la contraception orale. Dans l’analyse multivariée, qui incluait la durée d’utilisation, l’âge au début de la contraception et le délai depuis son arrêt, le principal facteur protecteur était la durée de prise. En comparaison avec une durée < 5 ans, une utilisation plus prolongée diminuait le risque de survenue d’un cancer ovarien : pour une durée de 5 à 9 ans HR: 0.67 (IC à 95% 0.40-1.12), pour une durée >10 ans HR: 0.37 (0.19-0.73). Cet effet protecteur pour des longues durées d’utilisation (> 10 ans) persiste dans le temps, même après l’arrêt, pour les porteuses de la mutation BRCA1 avec pour un arrêt datant de moins de 15 ans HR : 0.24 (0.14-0.43) et pour un arrêt depuis plus de 15 ans HR : 0.56 (0.18-0.59). Pour les femmes porteuses de mutation BRCA1, il n’était pas retrouvé de différence selon l’âge à la première utilisation de contraception. Les données pour les femmes mutées BRCA2 sont équivalentes mais n’atteignent pas un niveau significatif du fait du plus petit effectif.

En cas de mutation BRCA1, les longues durées d’utilisation de la contraception orale sont associées à une réduction prolongée du risque de développer un cancer de l’ovaire. La tentation de vouloir l’utiliser comme chimio-protection chez les porteuses de mutation doit cependant être tempérée par le risque mammaire possible. A 50 ans, le risque cumulé de cancer du sein des femmes mutées est de 43% en cas de mutation BRCA1 et de 35% en cas de mutation BRCA2. Dans la population générale, l’utilisation de contraception hormonale, en particulier pour les longues durées et lorsqu’elle est débutée avant l’âge de 20 ans, est associée à un léger sur-risque de cancer du sein (RR entre 1.2 et 1.6 selon les études). Ce risque disparait après l’arrêt de la contraception. Les données chez les femmes mutées sont rares et hétérogènes mais semblent similaires, avec notamment une augmentation du risque en cas de prise prolongée et précoce.

La contraception hormonale peut être proposée en cas de mutation BRCA1/2 en respectant les mêmes règles de prescription qu’en l’absence de mutation.

La décision de prescription d’une contraception hormonale chez les femmes mutées indemnes est donc autorisée. Elle permet de réduire le risque de cancer ovarien. Cet effet bénéfique doit cependant être mis en balance avec des risques potentiels de la contraception estroprogestative, notamment sur le plan vasculaire et possiblement en termes carcinologique mammaire. Comme pour toutes les contraceptions, la décision se prend avec la femme à l’issue de l’analyse de la balance bénéfice-risque individuelle et évolutive à chaque consultation de suivi. Le recours à la chirurgie prophylactique, largement proposé vers l’âge de 40 ans alors que le projet parental est complété, met naturellement fin à cette utilisation.

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Schrijver LH, Antoniou AC, Olsson H et al. Oral contraceptive use and ovarian cancer risk for BRCA1/2 mutation carriers : an international cohort study. Am J Obstet Gyneco 2021 ;225 :51.e1-17.

 

 
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