COVID-19 et andrologie : les recommandations de la Société d'Andrologie de Langue Française (salf)

COVID-19 and andrology :
Recommendations of the French-speaking society of andrology (Société d’Andrologie de langue Française SALF)

S. HAMDI, M. BENDAYAN, E.HUYGHE, J-C. SOUFIR, E. AMAR, R. EL OSTA, I. PLOTTON, C. DELALANDE, J. PERRIN, C. LEROY, A. BOUKER, H. PONS, H. LEJEUNE, G. ROBIN
and F. BOITRELLE

Basic and Clinical Andrology (2020) 30 :10

 

La Société d’Andrologie de Langue Française (SALF) a émis des recommandations concernant l’impact du COVID-19 en andrologie et dans la prise en charge de l’infertilité, et notamment des protocoles d’insémination avec sperme de conjoint (IAC) et de fécondation in vitro (FIV).
Le SARS-Cov-2 a bouleversé les attitudes médicales et la prise en charge de l’infertilité d’origine masculine ou de l’assistance médicale à la procréation.
A ce jour, plus de 6 millions de cas de COVID-19 ont été diagnostiqués et plus de 350.000 décès ont été liés à cette maladie dans le monde.
La SALF a pris en compte dans ses recommandations les conséquences andrologiques de l’infection COVID-19 et a émis des recommandations dans la prise en charge des hommes affectés.

1/ Quels sont les impacts de l’infection à COVID-19 sur les testicules et le sperme ?
La fièvre a été définie comme le symptôme principal des infections à COVID-19, présente dans près de 80 % des cas et de fait pouvait avoir un impact sur la spermatogénèse, altérant les paramètres du sperme, notamment la concentration des spermatozoïdes, la mobilité et l’intégrité de l’ADN spermatique.
Le délai reconnu pour que les paramètres spermatiques reviennent à la normale après une infection à COVID-19 reste encore incertain : 72 à 90 jours selon certaines études.
Selon l’opinion de la SALF, un délai de 3 mois paraît probablement nécessaire pour que les paramètres spermatiques reviennent à la normale après un syndrome fébrile lié au COVID-19.

2/ La seconde question importante est : peut-il y avoir une infection directe d’origine virale sur le testicule ?
La cible cellulaire du virus dépend de la protéine S du SARS-Cov-2, permettant la fusion du virus sur la membrane cellulaire.
Le récepteur viral est une enzyme, l’ANGIOTENSIN-CONVERTING ENZYME 2 (ACE2), l’entrée du virus dans la cellule dépend également d’une protéase (TRANSMEMBRANE SERINE PROTEASE – TMPRSS2).
Plusieurs études ont détecté la présence à un niveau relativement élevé des récepteurs ACE2 à la fois au niveau des cellules de Leydig et des cellules de Sertoli.
Les auteurs notent que l’expression de ces récepteurs ACE2 est plus importante chez le sujet jeune que chez le sujet plus âgé. On peut en déduire que le SARS-Cov-2 peut potentiellement agir sur les cellules testiculaires.
Plusieurs études ont retrouvé des symptômes d’orchite épididymo-testiculaire dans les cas d’infections par COVID-19, bien que le virus n’ait jamais été isolé au niveau des tissus testiculaires.
La SALF recommande des investigations cliniques et biologiques chez les patients ayant présenté une infection par COVID-19 et se plaignant de douleurs testiculaires ou uro-génitales pouvant évoquer une orchite.

3/ Une des questions importantes posée par l’infection à COVID-19 est : a-t-on trouvé du virus au niveau du sperme chez les patients infectés ?
- 4 études n’ont pas permis d’identifier la présence de virus au niveau spermatique chez 68 patients infectés.
- Dans une autre étude, le virus n’a pas été retrouvé au niveau spermatique chez 12 autres patients à la suite d’une infection virale, au niveau spermatique en phase de récupération post-infectieuse.
- Chez un patient décédé à la suite d’une infection au COVID-19, une biopsie testiculaire a été réalisée et n’a pas retrouvé de virus.
Les auteurs de l’article notent néanmoins que la plupart des patients dans ces études ont présenté, en dehors du patient décédé, des formes mineures d’infection à COVID-19 mais que les études spermatiques ont été réalisées un mois après en moyenne après le pic infectieux.
Néanmoins, les auteurs notent que dans l’article de LI.D paru dans le JAMA, le virus a été trouvé au niveau spermatique chez 6 patients sur 38 atteints du COVID-19, 4 étaient à la phase aigue de l’infection et pour 2 patients, le prélèvement a été effectué 12 à 16 jours après le pic des symptômes.
Les auteurs notent également que les récepteurs ACE2 et TMPRSS2 peuvent être exprimés au niveau des cellules épithéliales prostatiques et que la présence du virus au niveau séminal pourrait résulter d’une infection prostatique.
Quelle qu’en soit l’origine, le virus pourrait donc être potentiellement présent au niveau du sperme.
On ne peut, à ce jour, répondre à la question de savoir si l’infection pourrait être sexuellement transmissible mais l’hypothèse de la présence virale chez les patients infectés, ne peut être ni infirmée ni confirmée, sauf bien sûr par un examen biologique.

4/ Quel est l’impact de l’infection par COVID-19 chez les patients présentant une infertilité dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation ?
- Considérant les effets néfastes du syndrome fébrile lié à l’infection virale et d’une présence potentielle du SARS-Cov-2 au niveau du sperme, la SALF recommande un délai d’attente de 3 mois correspondant à la durée d’un cycle de spermatogénèse et du transit au niveau de l’épididyme avant d’envisager une reprise d’un protocole d’AMP.
- Par ailleurs, des précautions d’ « AMP-vigilance » doivent être prises au niveau des surfaces des pièces de recueil, en termes de nettoyage, de renouvellement de l’air entre deux prélèvements, et bien sûr du port du masque afin de réduire le risque de contamination au niveau du personnel et des locaux.

Les auteurs retrouvent également un impact entre les infections à COVID-19 et les profils hormonaux chez l’homme.
Selon des études menées en Italie, la testostérone a été suspectée d’être un « promoteur » d’un risque pronostique plus important en cas d’infection sévère à COVID-19.
Il a même été proposé de pratiquer des traitements de suppression hormonale androgénique.
Une question a été soulevée : est-ce que l’hypogonadisme est une cause ou une conséquence de détérioration des symptômes chez les patients masculins ? : il est reconnu que des niveaux bas de testostérone – ce qui arrive fréquemment chez les hommes âgés – sont apparentés à une augmentation des actions inflammatoires des cytokines et un facteur de comorbidité.
Les auteurs reconnaissent que des études complémentaires doivent être réalisées en ce sens et que quelle que soit la nature des relations entre testostérone et infection à COVID-19, il est recommandé de pratiquer un examen de nature andrologique, un bilan spermatique et une évaluation hormonale au moment du diagnostic du COVID-19 chez les hommes infertiles et plusieurs mois à distance de l’infection.
Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre et mieux évaluer si le traitement par testostérone et/ou une thérapie anti-androgène peut être envisagé à titre prophylactique ou thérapeutique (les auteurs se réfèrent à l’article de SHARIFI N. et all – Endocr. Relat. Cancer 2020 : 27 (6) 1-3).

Conclusion :
Au vu du syndrome fébrile qui accompagne dans près de 80 % des cas l’infection virale à COVID-19, du fait que l’infection à COVID-19 atteint majoritairement des hommes, que la présence de virus au niveau du sperme, qu’elle soit d’origine testiculaire ou prostatique, ne peut être éliminée, il est recommandé, selon la SALF, qu’un délai de 3 mois (au minimum) soit respecté avant toute prise en charge d’AMP en cas d’infection par COVID-19 chez un patient.
Cette prévention doit s’accompagner d’examen clinique, d’un bilan spermatique et hormonal, pouvant éventuellement adapter un traitement hormonal qui est susceptible de réduire le risque pronostique et la gravité de l’infection à COVID-19 chez l’homme.

 
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