Type, durée et date d’initiation du THM et risque de cancer du sein

De nombreuses études épidémiologiques ainsi que des méta-analyses antérieures avaient déjà mis en évidence une association entre utilisation actuelle ou récente d’un THM et risque de cancer du sein. Cependant, il n’existait que peu d’informations poolées  selon le type de THM  et ce risque après son arrêt. Les résultats de la première méta-analyse du Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer étaient basés sur un nombre de cas moins important. Des essais randomisés ont mis l’accent sur le risque supérieur des associations estroprogestatives comparativement aux traitements estrogéniques seuls. Compte tenu de l’ensemble de ces résultats, les recommandations, aussi bien en Europe qu’aux USA, conseillaient de limiter l’utilisation du THM à de courtes périodes pour les femmes très symptomatiques. The Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer vient de publier dans The Lancet une réactualisation de l’ensemble des données d’études, principalement prospectives, concernant l’utilisation de THM (type, durée et timing) concernant 108 647 cas de cancers du sein.

Qu’apporte cette nouvelle étude ?

Durant le suivi de ces  108 647 femmes ayant  développé un cancer du sein invasif à un âge moyen de 65 ans, 51% d’entre elles avaient utilisé un THM. La durée moyenne du THM était de 10 ans pour les utilisatrices en cours et de 7 ans pour les anciennes utilisatrices. L’âge moyen de la ménopause était de 50 ans, mais cette donnée, très importante dans ce contexte carcinologique,  était manquante pour près de 10% des femmes.  En dehors des estrogènes administrés par voie vaginale, tous les types de THM sont associés à un risque accru de cancer du sein avec un effet  durée d’utilisation. 

Parmi les utilisatrices actuelles :

  • L’augmentation de risque est observée après 1 an d’utilisation et augmente avec la durée  avec un risque à 1,43 (1,37-1,50) pour une durée de 10 à 14 ans d’utilisation.
  • Cette augmentation de risque disparait après 10 ans d’arrêt
  • Ce risque est plus important  pour  les THM combinés  qu’avec les estrogènes seuls , même si de façon surprenante ce risque est significatif pour ce dernier groupe. Ce résultat est en contradiction avec les données des essais randomisés (WHI…).
  • Tous les types de progestatifs combinés à l’estrogénothérapie augmentent ce risque de façon significative (levonorgestrel, norethisterone acétate et medroxyprogesterone acétate). Mais les auteurs fournissent peu d’information sur l’utilisation de la progestérone ou de la dydrogestérone (étude E3N non prise en compte dans cette méta-analyse).
  • Il semblerait que les THM continu combiné soit plus à risque que lorsque le progestatif est administré de façon séquentielle.
  • chez les femmes obèses, le risque associé au THM ne semble pas se surajouter  au risque propre de l’obésité qui, on le sait, augmente déjà le risque de cancer du sein invasif ; ainsi le risque d’une femme obèse sans THM est nettement plus élevé que celui d’une femme mince utilisant un THM. Dans cette étude aucun sur-risque associé au THM n’est retrouvé chez la femme obèse traitée, tendant à montrer qu’il n’existe pas d’effet  additif de ces deux facteurs de risque.

Les auteurs de cet article concluent, en supposant que cette association soit causale (ce qui est largement discuté, un effet de promotion étant plus largement soutenu par les chercheurs), que l’utilisation de  5 années de THM combiné, initié à l’âge de 50 ans, augmente le risque de cancer du sein sur une période de 20 ans avec  un risque estimé à 8,3%  alors que celui des femmes non utilisatrices est de 6,3%, soit un risque absolu de 1 cas pour 50 femmes utilisatrices. Ce risque serait de 1 cas pour 200 femmes en cas d’utilisation d’estrogénothérapie seule.

Interprétation et commentaires *

Le design de cette méta-analyse est très complexe comme souligné par le bel éditorial de Joanne Kostopoulos. Les données complémentaires ne faisant pas partie de l’article princeps comportent plus de 26 tableaux !! Gardons à l’esprit qu’il s’agit de données épidémiologiques prospectives toujours soumises à biais comparativement aux essais randomisés dont les résultats montrent un niveau de risque plus faible. Les diverses modifications ou « switch » au cours du suivi sont difficiles à prendre en compte. Enfin près de 70 % des cancers sont issus de deux études anglaises (Million Study et Généralistes anglais). La Million Study a été largement critiquée lors de sa publication pour notamment l’absence de suivi des données initiales.  Les données concernant le THM le plus souvent prescrit en France utilisant de la progestérone naturelle ou son équivalent (uniquement 11 cas  utilisatrices de moins de 5 ans et 38 cas utilisatrices de 5 à 14 ans…) ne permettent pas avec cette étude d’évaluer précisément ce risque. Il faut donc aussi prendre en compte les études françaises (E3N, étude CECILE ).

 En pratique

La mise en route et la poursuite d’un THM chez une femme doivent toujours être murement réfléchi en mettant en balance, pour chaque femme et à chaque consultation, les bénéfices attendus et les risques potentiels parmi lesquels le cancer du sein. 
En cas de mise en place d’un THM, les recommandations émises par les diverses sociétés savantes restent inchangées et privilégient un THM associant une estrogénothérapie par voie cutanée à la progestérone naturelle ou dydrogestérone.

 

Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Type and timing of menopausal hormone therapy and breast cancer risk : individual participant meta-analysis of the worldwide epidemiological evidence. Lancet 2019 doi.org/10.1016/S0140-6736(19)31709-X

* pour plus d’informations et de commentaires de cet article vous pouvez consulter le site du GEMVI  

 
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