Infection congénitale à cytomégalovirus épidemiologie, prévention, prise en charge

Virologie

Le CMV ou Herpesvirus 5 est membre de la famille des Herpesviridae .
Il s’agit du plus grand virus de cette famille. Le CMV humain a une haute spécificité d’espèce, et l’Homme est son unique réservoir.

Comme les autres membres de la famille des Herpesviridae, le CMV reste à l’état latent dans l’organisme après une primo-infection. L’immunité est acquise mais incomplètement protectrice. Des réactivations peuvent se produire au cours de cette phase de latence. Des réinfections sont également possibles, compte tenu de l’existence de souches virales multiples. Des infections primaires (primo-infections) et secondaires (réactivations et récurrences) sont donc possibles durant la grossesse.

Pathogénie

Le virus pénètre au niveau des muqueuses ou est acquis par voie hématogène (transfusion de produits sanguins ou la transplantation). En cas d’infection communautaire, le virus est transmis par contact avec la salive ou des sécrétions des voies génitales.

Transmission

La transmission du virus est interhumaine. Elle survient après un contact direct ou indirect par le biais des urines  de la salive, des sécrétions oropharyngées, des sécrétions endocervicales
du sperme, du lait maternel, des, des produits sanguins ou en cas de transplantation d’organes. Cela est dû à une élimination prolongée du virus après une infection primaire.
Cependant, l’infection par le CMV est moins contagieuse que pour d’autres membres de la même famille (VZV). L’infection postnatale a lieu soit lors de l’accouchement (passage du fœtus dans la filière génitale et contact avec des sécrétions endocervicales infectées), ou en postnatal immédiat en cas d’allaitement maternel.

Les groupes à risque de transmission à la femme enceinte sont les patients excrétant de grandes quantités de virus : les enfants, les sujets immunodéprimés ou transplantés. Des études menées dans des crèches ont permis de montrer que les enfants étaient surtout contaminés durant leur deuxième année de vie . La contagiosité des enfants de moins de 20 mois semble également supérieure à celle des enfants plus âgés. En effet, lorsque l’on étudie le taux de séroconversions chez des mères séronégatives, celui-ci est plus élevé lorsque ces mères sont en contact avec des enfants de moins de 20 mois (RR=3,9 )
Ainsi les femmes enceintes ayant un premier enfant en crèche et le personnel de crêche font partie des populations le plus a risque de contamination à CMV pergravidique, avec des taux de séroconversion nettement supérieurs à celui de la population générale ( x 6 à 15 )  

La transmission maternofœtale in utero est hématogène transplacentaire. Elle a lieu lors d’une virémie maternelle. Elle peut faire suite à une primo-infection ou à une infection secondaire.
L’infection du placenta ne signifie pas obligatoirement l’infection du fœtus. Les infections congénitales sont dues principalement aux infections primaires mais plusieurs rapports montrent une transmission fœtale possible après réinfection avec une autre souche du virus ou après la réactivation d’une infection latente .

Cependant, dans la majorité des cas, c’est bien la primo-infection à CMV avec contamination materno-fœtale durant le 1er trimestre de la grossesse qui est responsable de formes graves.

Le taux de transmission verticale varie avec le type d’infection maternelle : entre 30 et 50 % pour les infections primaires et 1 et 3 % pour les infections secondaires

Indépendamment du type d’infection secondaire (réactivation ou réinfection), le taux de transmission verticale est plus faible que lors d’une primo-infection. Cependant, les difficultés techniques concernant le diagnostic de ces infections secondaires limitent la connaissance exacte de leur transmission verticale.

Epidémiologie

L’infection à CMV est endémique et survient tout au long de l’année sans variations saisonnières. Elle est ubiquitaire. Les taux de séropositivité dans la population varient cependant beaucoup selon des facteurs géographiques, ethniques et les conditions socioéconomiques. La prévalence d’anticorps spécifiques à CMV augmente également avec l’âge et dans les groupes socioéconomiques les moins favorisés des pays développés ainsi que dans les pays en développement. La séroprévalence chez les femmes en âge de procréer varie ainsi en fonction de ces facteurs épidémiologiques. Les rapports de prévalences disponibles montrent une grande hétérogénéité dans leurs résultats : entre 52 %, aux États-Unis, et 99 % en Turquie

L’incidence des primo-infections à CMV chez la femme enceinte varie également avec les conditions socioéconomiques, passant d’environ 2 % par an dans les pays en voie de développement et allant jusqu’à 6 % dans les pays développés .

En France, ce taux est estimé entre 0,3 et 1,4 %  En ce qui concerne les infections secondaires, l’incidence est mal documentée.

La prévalence de l’infection congénitale à CMV chez les nouveau-nés est d’environ 1 % 
La définition d’un nouveau-né infecté est fondée sur la mise en évidence du virus ou de son génome dans les urines. Une recherche virale peut également être effectuée sur la salive ou sur papier buvard utilisé pour le test de Guthrie.

Infection maternelle

Le délai d’incubation est mal connu. On l’estime entre trois et 12 semaines, entre l’apparition des premiers signes et le moment de l’injection de produits sanguins contenant du CMV.
Les signes cliniques de la primo-infection à CMV sont non spécifiques. De plus, la plupart des infections primaires chez l’hôte immunocompétent est asymptomatique. Nigro et al. ont décrit la fréquence des signes maternels lors des primo-infections et lors des récurrences : une fièvre était présente dans 42,1 % des infections primaires et 17,1 % des infections récurrentes (p > 0,01), une asthénie entre 31,4 et 11,4 % ; p < 0,0001, des myalgies (21,5 et 6,7 % ; p < 0,0001), une rhino-pharyngo-trachéo-bronchite (42,1 et 29,5 % ; p =0,089) et un syndrome pseudogrippal défini par l’existence simultanée d’une fièvre et d’au moins un des signes précédemment cités (24,5 et 9,5 % ; p < 0,0001), une lymphocytose supérieure ou égale à 40 % (39,2 et 5,7 % ; p < 0,0001), une augmentation du taux de transaminases (une ou les deux supérieurs à 40UI/L) (35,3 et 3,9 % ; p < 0,001). Le taux de plaquettes était significativement plus faible dans le cas des primo-infections mais cette différence n’était pas statistiquement significative

Diagnostic biologique

La recherche d’infection maternelle à CMV repose sur la sérologie pour mettre en évidence des immunoglobulines G (IgG). La méthode Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay (Elisa) est la plus utilisée. La performance de cette technique dépend des trousses commerciales. La sensibilité et la spécificité de ces tests sont très proches de 100 %

La recherche d’IgM associée à la mesure de l’avidité des IgG permet de faire le diagnostic d’une infection récente.

La réponse en anticorps IgM commence dans les premiers jours après la contamination maternelle et atteint un pic au cours du premier mois avant de disparaître progressivement. Les IgM peuvent donc être détectées dans les trois premiers mois après le début de l’infection, après quoi le déclin du titre infectieux commence. Cependant, ces IgM peuvent persister plus longtemps. Revello et al. ont indiqué que parmi neuf individus immunocompétents, les IgM se négativent dans les six mois chez quatre patients, à 12 mois chez trois patients et qu’ils restaient détectables chez deux patients après plus d’un an

La mesure de l’avidité des IgG est la mesure de la force de liaison antigène–anticorps. Une faible avidité est révélatrice de la faible affinité fonctionnelle des IgG récemment produits. Ainsi, après le début de l’infection primaire, les anticorps montrent une faible avidité pour l’antigène, mais progressivement vont acquérir une avidité supérieure. Cette caractéristique est utilisée pour distinguer les infections de moins de trois mois des infections plus anciennes. Ainsi, un index d’avidité (AI) élevé  reflète une infection primaire supérieure à trois mois, et un AI faible est très en faveur d’une infection primaire récente (inférieure à trois mois). Un AI intermédiaire  est plus difficile à interpréter.
Les normes des indices d’avidité sont différentes selon les laboratoires. Une avidité à 30 % est élevée pour le laboratoire DiaSorin mais faible avec les réactifs du laboratoire Biomérieux.
La présence du virus dans le sang et dans les urines, ainsi que la cinétique de l’avidité des IgG, peuvent également être utiles pour la datation de l’infection maternelle.

Dépistage

Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) conseille, par ailleurs, de rechercher le CMV en cas de syndrome mononucléosique

Le plus souvent, l’examen sérologique est donc réalisé lorsque la contamination maternelle est soupçonnée devant des signes cliniques évocateurs, ou lorsqu’une échographie de dépistage a révélé la présence de signes échographiques d’anomalies fœtales compatibles avec une infection à CMV.
Cependant, les données de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) montrent une augmentation au fil du temps de la fréquence du sérodépistage (22 % des femmes enceintes en 2002 et 11 % en 2001). En revanche, cette sérologie est peu renouvelée durant la grossesse ; le nombre moyen de sérologies chez les femmes ayant eu au moins une sérologie est de 1,3. Il existe, par ailleurs, une grande disparité géographique dans la prescription des sérologies CMV, avec un taux atteignant 40 % en Ile-de-France pour un taux de 20 % dans le reste de la métropole.

Prévention

Compte tenu des connaissances acquises sur les populations à risque et le mode de contamination, il est logique de penser qu’un dépistage tôt réalisé pendant la grossesse, avec identification des patientes séronégatives et information sur les conseils de prévention, permet de diminuer le nombre de séroconversions pergravidiques. L’étude effectuée à la maternité de Clamart par O Picone le confirme (Does hygiene counseling have an impact on the rate of CMV primary infection during pregnancy? Results of a 3-year prospective study in a French hospital.Vauloup-Fellous C, Picone O, Cordier AG, Parent-du-Châtelet I, Senat MV, Frydman R, Grangeot-Keros L. J Clin Virol. 2009 Dec;46 Suppl 4:S49-53. Epub 2009 Oct 6.)

Ces recommandations sont faites par les autorités sanitaires des principaux pays industrialisés. Le CDC d’Atlanta, plus haute autorité sanitaire aux USA, les recommande clairement (http://www.cdc.gov/cmv/risk/preg-women.html ). E
lles ont également été publiées en France par le haut Comité d’Hygiène et de santé Publique, en 2002 :
AVIS DU CONSEIL SUPERIEUR D’HYGIENE PUBLIQUE DE FRANCE SECTION DES MALADIES TRANSMISSIBLES Du 8 mars 2002 relatif aux recommandations pour la prévention de l’infection à cytomégalovirus chez les femmes enceintes
Considérant d’une part :    que l’infection à cytomégalovirus est une maladie souvent asymptomatique ou sans gravité chez l’enfant mais grave chez la femme enceinte par l’atteinte potentielle de son fœtus ;    qu’elle constitue à l’heure actuelle la plus fréquente des infections virales materno-fœtales et touche 0,5 à 2 % des nouveau-nés ;    qu’en France, près de la moitié des femmes enceintes ne sont pas immunisées et que 1 à 2% des femmes séronégatives font une primo infection pendant leur grossesse, auxquelles s’ajoutent des réinfections et réactivations chez des femmes préalablement séropositives ;    que la contamination des femmes enceintes par le CMV se fait surtout par contact direct avec des sécrétions (salivaires, urinaires...) mais également par voie sexuelle ;    que le pourcentage de jeunes enfants excréteurs de CMV varie entre 20 et 60% en moyenne, lorsqu’ils sont gardés en crèche dans la première année de vie alors qu’ils ne présentent, le plus souvent, aucun symptôme ;    qu’un contact avec de jeunes enfants, gardés en collectivité, est très souvent retrouvé chez les mères qui développent une infection materno-fœtale à CMV    que le risque d’infection grave du fœtus est essentiellement lié à la survenue d’une primo-infection maternelle : en cas de primo-infection maternelle, le taux de transmission au fœtus est de l’ordre de 30 à 40% et l’infection est grave et symptomatique dans 10 à 15% des cas ;    qu’en cas de récurrence ou de réinfections par une nouvelle souche de CMV, le taux de transmission au fœtus est de l’ordre de 2% avec un risque très faible de séquelles ultérieures ;    que les infections de la première moitié de la grossesse sont les plus graves et que le risque de séquelles à la naissance est aussi fonction de l’âge du fœtus lors de la contamination : 35 à 45% si l’infection a lieu au 1er trimestre, 8 à 25% au 2ème trimestre, 0 à 7% au 3ème trimestre ;    qu’en cas d’atteinte précoce, des lésions cérébrales peuvent survenir, responsables de séquelles majeures et que d’autres manifestations sont possibles : lésions digestives, hydramnios, anasarque, retard de croissance, et qu’il existe également un risque de mort in utero ;    qu’à la naissance, la maladie des inclusions à cytomégalovirus a un taux de mortalité élevé et qu’en cas d’atteinte neurologique, les séquelles sont constantes (déficit psychomoteur, épilepsie, atteintes oculaires, auditives) ;    que certains enfants asymptomatiques à la naissance développeront une surdité ;    qu’à partir des données épidémiologiques disponibles en France, le nombre d’enfants porteurs ou décédés d’une infection congénitale à CMV est estimé à au moins 300 par an ; Considérant d’autre part :    qu’en l’absence de traitement efficace et de vaccination disponible, les efforts doivent porter sur la prévention en ciblant les principaux facteurs de risque d’acquisition du CMV chez la femme enceinte séronégative ;    que la proximité avec des enfants en bas âge est le facteur de risque le plus important ;
La section des maladies transmissibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France émet l’avis suivant :    les femmes enceintes en contact familial ou professionnel avec des enfants de moins de 3 ans, gardés en crèche ou bénéficiant de tout autre mode de garde collectif    les conjoints des femmes citées ci-dessus, afin qu’ils ne s’infectent pas et ne risquent pas d’infecter leur conjointe    les personnels travaillant en contact avec des enfants de moins de trois ans, en crèche, dans les services d’enfants handicapés ou dans les services hospitaliers doivent limiter le contact avec les urines, la salive et les larmes de jeunes enfants de moins de 3 ans. A cette fin, il recommande aux personnes citées ci-dessus : 1) de ne pas sucer la cuillère ou la tétine, et de ne pas finir le repas des enfants de moins de 3ans 2) de ne pas partager les affaires de toilette (gant de toilette) avec des enfants de moins de 3ans 3) de limiter le contact buccal avec les larmes et/ou la salive des enfants de moins de 3 ans 4) de se laver soigneusement les mains à l’eau et au savon après chaque change ou contact avec les urines (couche, pot, pyjama...) des enfants de moins de 3 ans. Les personnels travaillant en crèche, dans les services d’enfants handicapés ou dans les services hospitaliers utiliseront, de préférence, une solution hydroalcoolique pour une désinfection des mains, après tout contact avec un liquide biologique. Cet avis ne peut être diffusé que dans son intégralité, sans ajout, ni suppression."

Echographie fœtale

L’examen de la littérature pédiatrique indique que la plupart des nouveau-nés infectés symptomatiques a échappé à l’échographie de dépistage. Cela s’explique par le fait que la pertinence d’un test diagnostique est meilleure lorsque la prévalence de la maladie augmente et, par conséquent, fonctionne mieux dans une population présélectionnée. En l’absence de sérodépistage, l’échographie obstétricale est un outil de dépistage.
Toutefois, même dans une population à haut risque, la valeur prédictive de l’échographie est loin d’être parfaite, car une proportion importante des fœtus infectés ne présente aucune particularité échographique.
Certaines anomalies échographiques peuvent également être transitoires et avoir disparu au moment de la réalisation de l’échographie. La physiopathologie de l’infection fœtale à CMV permet d’interpréter les lésions échographiques classiquement associées à l’infection à CMV.

Le premier organe tissu infecté est le placenta ou le virus se réplique. Le placenta agit à la fois comme barrière contre le CMV et aussi, comme un réservoir pouvant libérer le virus dans la circulation fœtale. L’un des premiers signes visible à l’échographie est donc l’augmentation de l’épaisseur placentaire associée à un aspect globalement hétérogène de celui-ci avec des calcifications coexistant avec des zones hypoéchogènes
Ce signe d’infection fœtale est, cependant, inconstamment constaté. Lorsque le placenta laisse passer le virus, celui-ci va infecter les différents organes du fœtus. La totalité des tissus fœtaux peut être infectée comme cela peut être observé en anatomopathologie. Le CMV a un tropisme particulier pour le rein. L’atteinte de celui-ci se manifeste rarement par une modification de son aspect échographique (rein hyperéchogène), mais surtout par une diminution de la quantité de liquide amniotique ; reflet d’une modification de la diurèse fœtale (oligoamnios)
L’atteinte du tube digestif fœtal est une entérocolite virale pouvant se manifester par un intestin hyperéchogène, parfois transitoire, de grade supérieur ou égal à deux.

Une hépatosplénomégalie avec éventuelle ascite est le témoin d’une hépatite cholestatique avec insuffisance hépatique. Un œdème généralisé avec ascite ou encore une anasarque suggère l’existence d’une anémie fœtale due à l’effet combiné des défaillances du foie et de la moelle osseuse.
Des calcifications éparses du foie, de la rate, des poumons sont également les témoins de cette infection systémique. Une cardiomyopathie exprimée échographiquement par une cardiomégalie avec augmentation de l’épaisseur du myocarde et, parfois, des calcifications myocardiques ponctiformes est un type d’atteinte rarement observé.
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) peut être la seule anomalie échographique témoignant de l’infection par le CMV. L’éventualité d’une étiologie virale doit donc toujours être envisagée devant un RCIU en l’absence d’argument pour une cause vasculoplacentaire ou chromosomique.
Cependant, outre ces signes extracérébraux, c’est l’atteinte cérébrale fœtale qui est la plus typique et qui fait souvent évoquer la possibilité d’une infection à CMV. La microcéphalie est une anomalie sévère dont l’étiologie virale peut être difficile à diagnostiquer, surtout en cas de RCIU associé. Un autre signe révélateur de l’infection fœtale à CMV est la ventriculomégalie. Cinq pour cent des ventriculomégalies sont d’origine infectieuse
. Celle-ci peut avoir deux origines. Elle peut être destructive et, alors, souvent modérée et précédée de l’apparition d’une microcéphalie, associée à un élargissement des espaces péricérébraux, la microcéphalie étant alors le reflet d’une microencéphalie. Elle peut aussi être, beaucoup plus rarement, obstructive et est alors consécutive à une obstruction du foramen de Monroe et/ou de Magendie et Lushka par une ventriculite avec œdème ou à une hémorragie intraventriculaireLes mêmes mécanismes peuvent conduire à des présentations moins classiques telles une mégagrande citerne, une hypoplasie cérébelleuse, une malformation de type Dandy-Walker variant ou une
D’autres anomalies cérébrales fœtales sont plus subtiles et peuvent être associées aux lésions sévères sus-décrites ou être isolées. Il s’agit des lésions de vascularite des vaisseaux thalamiques et des noyaux gris décrites sous le terme d’« images en candélabre ».
Ces anomalies ne sont pas spécifiques du CMV et peuvent être transitoirement observées durant la période néonatale. Les hyperéchogénicités ponctiformes du parenchyme cérébral ou des régions périventriculaires peuvent également être observées. Des kystes de la zone de germinolyse sont des anomalies assez fréquentes et non spécifiques de l’infection à CMV. De rares cas d’anomalies du corps calleux ont également été décrits

Enfin, des anomalies de la migration neuronale et de la gyration ont été observées lors d’infections à CMV.
Le type d’atteinte cérébrale diffère selon le terme auquel a eu lieu la primo-infection maternelle. Ainsi, une lissencéphalie pourrait refléter une atteinte fœtale vers 16 ou 18 semaines, alors qu’une polymicrogyrie pourrait refléter une atteinte plus tardive à 18 à 24 semaines. Enfin, des lésions survenues plus tardivement dans la grossesse (au cours du troisième trimestre) peuvent prendre l’aspect d’hétérogénéités situées dans la substance blanche

Diagnostic prénatal biologique

Le diagnostic de l’infection fœtale est obtenu par la culture du virus ou, plus souvent, par l’amplification de son génome dans le liquide amniotique prélevé par amniocentèse.

Le liquide amniotique est colonisé par le CMV de façon consécutive à l’infection du rein fœtal, après réplication dans l’épithélium tubulaire, puis excrétion dans l’urine fœtale. Consécutivement à la séroconversion ou une réactivation, le processus conduisant à l’excrétion urinaire du virus dure en moyenne six à huit semaines, et cet intervalle doit être respecté avant de réaliser l’amniocentèse afin de limiter le taux de faux-négatif et au-delà de 22 semaines d’aménorrhée (SA) afin que la diurèse fœtale soit bien établie

L’ADN viral peut être amplifié par Polymerase Chain Reaction (PCR). La sensibilité de cette technique varie entre 50 et 100 %, et la spécificité varie entre 67 et 100 %.
La culture virale a une sensibilité comprise entre 50 et 80 % pour une spécificité de 98 à 100 %. Cependant, le délai nécessaire à l’obtention du résultat (14 jours) est dissuasif.
La variabilité de la sensibilité de la PCR, selon les études, s’explique en outre par des conditions de prélèvement du liquide amniotique inappropriées (moins de six semaines après la séroconversion ou avant 22 SA), mais aussi par les différentes techniques de PCR utilisées.
Quelle que soit la technique utilisée pour le diagnostic prénatal biologique de l’infection fœtale à CMV, une recherche virale est toujours effectuée à la naissance.
La détection du virus ou de son génome dans les urines des nouveau-nés reste la technique de référence.

Dans la littérature, peu de données sont disponibles concernant le diagnostic prénatal de l’infection à CMV à partir de sang fœtal mais cette technique n’est pas recommandée dans ce but.
À ce jour, la détection du CMV dans le sang fœtal en tant qu’outil diagnostic est considérée comme inappropriée pour le diagnostic prénatal. Toutefois, la cordocentèse peut avoir une utilité pronostique et non plus diagnostique comme il en sera discuté plus loin

Symptomatologie néonatale

Les nouveau-nés infectés peuvent être symptomatiques ou asymptomatiques. Un nouveau-né symptomatique est défini par l’existence de signes cliniques et/ou biologiques et/ou à l’imagerie néonatale. Ces signes sont résumés dans le Tableau 3 . Les signes cliniques les plus fréquents sont : hépatosplénomégalie (60 %), microcéphalie (53 %), ictère (67 %), pétéchies (76 %), au moins une anomalie neurologique (68 %)

La fréquence des anomalies biologiques est la suivante :

  • augmentation des transaminases (83 %) ;
  • thrombopénie (77 %) ;
  • hyperbilirubinémie (69 %) ;
  • hémolyse (51 %) ;
  • hyperprotéinorachie (46 %)

Les anomalies de l’imagerie néonatale (échographie transfontanellaire, scanner cérébral) sont présentes chez 70 % des nouveau-nés symptomatiques. Les calcifications intracérébrales sont les anomalies les plus fréquentes.
Environ 10 % des nouveau-nés infectés sont symptomatiques. L’infection concerne plusieurs organes avec une prédilection pour le système réticuloendothélial et le système nerveux central (SNC). Environ la moitié de ces nouveau-nés présente le tableau classique de maladie des inclusions cytomégaliques. L’autre moitié présentant des signes modérés ou atypiques. On estime que le taux de mortalité dans ce groupe « symptomatique » s’élève à 5–10 % [38
Parmi les survivants, le taux de séquelle est de 90 %

Dans 70 % des cas, un retard psychomoteur s’accompagne d’anomalies neurologiques et d’une microcéphalie. Une surdité existe dans 50 % des cas ; le plus souvent bilatérale et, dans la moitié des cas, progressive. Une atrophie optique ou une choriorétinite est objectivée dans 20 % des cas. Les facteurs prédictifs d’un pronostic neurologique défavorable sont : une microcéphalie, une choriorétinite, la présence de toute autre anomalie neurologique clinique à la naissance ainsi que la présence d’anomalies cérébrales détectables par échographie transfontanellaire ou par scanner cérébral dans le premier mois de vie

Cependant, environ 90 % des nouveau-nés infectés sont asymptomatiques. Le pronostic de ces enfants est nettement meilleur que pour les nouveau-nés symptomatiques. Cependant, on estime qu’environ 10 à 15 % de ces enfants vont avoir des séquelles. Ces anomalies du développement apparaissent parfois de façon différée durant les deux premières années de vie. Boppana et al. ont suivi, de manière prospective, 330 nouveau-nés asymptomatiques. Ils ont observé 7,4 % de surdité, 2,5 % de choriorétinite, 1,8 % de microcéphalie et 0,3 % de taux de mortalité. Le principal type de séquelles chez ces enfants est donc de nature auditive, avec une surdité qui est bilatérale pour la moitié d’entre eux, progressive également dans 50 % des cas et à début différé dans 18 % des cas
Dans une étude récente de nouveau-nés infectés, il a été montré que les valeurs moyennes de la charge virale du sang néonatal sont statistiquement plus élevées chez les nouveau-nés qui ont développé des séquelles que chez ceux qui n’en avaient pas et que près de 70 % de séquelles chez les nouveau-nés ont été observées lorsque la charge virale était supérieur à 10 000 exemplaires pour 100 000 leucocytes

 La charge virale dans le sang fœtal pourrait donc être un facteur pronostique important, et d’autres études sont nécessaires pour évaluer sa valeur prédictive.

Pronostic anténatal

Une fois l’infection fœtale à CMV prouvée, se pose la question primordiale du pronostic. Les facteurs pronostiques prénatals ont pour but de déterminer si le nouveau-né sera ou non symptomatique.

On sait que la majeure partie des fœtus infectés a un pronostic favorable.
Le principal facteur pronostique actuellement établi est la présence d’anomalies échographiques cérébrales.
Nous avons récemment évalué la valeur pronostique de la présence d’anomalies échographiques (cérébrales et non cérébrales) ainsi que celle des principaux paramètres biologiques dans le sang de fœtus infectés par le CMV au cours d’une étude rétrospective observationnelle concernant 73 fœtus infectés par le CMV (PCR CMV positive dans le liquide amniotique). Les issues de grossesses ont été classées en favorables (nouveau-nés asymptomatiques) et défavorables (nouveau-nés symptomatiques et interruptions médicales de grossesse). La valeur pronostique du taux de plaquettes, de transaminases, de gamma glutamyl transpeptidase (GGT), de la présence d’une virémie fœtale et de la présence d’IgM spécifiques a été analysée. Un suivi échographique ciblé a été effectué toutes les deux semaines. En analyse univariée et multivariée, seule la présence d’une thrombopénie et la présence d’une anomalie échographique, quelle qu’elle soit, était associée à un mauvais pronostic. Nous avons donc pu établir que le pronostic de l’infection fœtale à CMV reposait indépendamment sur la présence d’anomalies échographiques et la présence d’une thrombopénie et sa sévérité. La réalisation d’une cordocentèse peut donc se justifier non pas à visée diagnostique mais à visée pronostique

Apport de l’IRM

Elle est classiquement reconnue pour son aptitude à étudier la gyration, la maturation corticale, la fosse postérieure… Dans notre pratique, l’IRM permet de confirmer l’absence ou la présence d’anomalie cérébrale fœtale avec une excellente valeur prédictive. La valeur prédictive de l’existence ou de l’absence d’anomalie cérébrale est excellente lorsque, à la fois, l’échographie et l’IRM concluent à la présence ou à l’absence d’anomalies cérébrales.

En effet, le conseil aux famillse est rendu difficile par l’établissement du pronostic fondé principalement sur la présence ou non d’anomalies cérébrales, il devient alors licite d’employer systématiquement, à la fois, l’échographie (pratiquée par un échographiste référent, en utilisant les voies abdominale et endovaginale) et l’IRM pour confirmer la présence ou l’absence de telles lésions.

Thérapeutique anténatale

Le traitement des infections à CMV a connu un développement important ces 20 dernières années, compte tenu de l’existence d’infections à CMV chez l’immunodéprimé (sida, greffes). Quatre molécules sont actuellement disponibles : le valaciclovir qui est utilisé dans la prophylaxie de l’infection à CMV et le ganciclovir, le foscarnet et le cidofovir qui sont utilisés en curatif. Ces trois dernières  molécules qui ont pour cible la phosphotranférase virale (ganciclovir) et/ou l’ADN polymérase virale (ganciclovir, foscarnet et cidofovir) sont virostatiques et elles ne permettent pas d’éradiquer le CMV de l’organisme. De plus, il s’agit de molécules fortement toxiques.

Les seules molécules anti-CMV qui aient largement été utilisées durant la grossesse sont l’aciclovir et son dérivé le valaciclovir. Leur indication principale chez la femme enceinte étant l’infection génitale à herpes simplex virus (HSV). Le recul est désormais suffisant pour pouvoir envisager d’utiliser ces médicaments durant la grossesse

Une étude pilote a récemment été conduite afin d’évaluer la faisabilité de l’utilisation du valaciclovir à raison de 8g/j chez des femmes ayant une primo-infection à CMV. Dans cette étude, il a pu être montré que l’on pouvait obtenir des concentrations efficaces de valaciclovir dans le liquide amniotique et dans le sang fœtal et que la tolérance maternelle et fœtale de la molécule était bonne. De plus, il a été constaté une baisse de la charge virale dans le sang du fœtus après une à 12 semaines de traitement (Wilcoxon appariés essai ; p =0,02). Vingt grossesses dont 21 fœtus ont été traités pendant sept semaines (médiane, étendue : 1 à 12). Dix nourrissons ont eu un développement normal avec un recul de un à cinq ans. Deux nourrissons de deux ans présentent une surdité isolée unilatérale. Un nouveau-né a présenté une microcéphalie et une surdité grave. Six des sept fœtus pour lesquels une interruption médicale de grossesse a été réalisée, compte tenu de l’apparition ou l’aggravation de lésions cérébrales, présentaient des signes d’infection à CMV à l’autopsie. Un fœtus est mort in utero. Au total, un pronostic défavorable a été observé dans 38 % des cas. Ces résultats ont été comparés à ceux d’un groupe de 24 fœtus infectés, non traités, pour lesquels le pronostic était défavorable dans 58,3 % des cas

Nigro et al. ont publié les résultats d’un essai clinique non randomisé visant à évaluer l’efficacité d’immunoglobulines intraveineuses lors de primoinfections à CMV

Cette étude avait deux objectifs : d’une part, évaluer l’efficacité des immunoglobulines chez des fœtus infectés, avec pour critère de jugement le taux de nouveau-nés symptomatiques et, d’autre part, évaluer l’efficacité de ce traitement de façon à réduire la transmission verticale.
Dans un premier groupe de 45 femmes dont le fœtus était infecté (PCR CMV positive dans le liquide amniotique) (groupe traitement), 31 ont été traitées par immunoglobulines tandis que 14 ont choisi de ne pas avoir le traitement. La proportion de nouveau-nés symptomatiques était de 1/31 dans le groupe traité et de 7/14 dans le groupe non traité. Dans la deuxième partie de l’étude de 37 femmes ayant eu une primo-infection à CMV ont été traitées jusqu’à l’accouchement et 65 autres patientes n’ont reçu aucun traitement. Seize pour cent des femmes traitées ont donné naissance à un nouveau-né infecté alors que 40 % des femmes non traitées ont accouché d’un nouveau-né infecté (p =0,02). Ces résultats sont prometteurs et mettent en relief le rôle prépondérant des facteurs immunologiques dans l’histoire naturelle de l’infection à CMV. Compte tenu de l’absence de randomisation, ces résultats doivent être interprétés avec prudence, mais soulignent la nécessité d’évaluer plus avant cette option thérapeutique.

Dépistage néonatal sur cartes de Gutrie

À la naissance ou durant les deux premières semaines de vie, le diagnostic postnatal de l’infection congénitale à CMV n’est requis que pour confirmer un éventuel diagnostic prénatal, mais aucun dépistage systématique n’est actuellement recommandé. La technique de référence est l’isolement viral par culture sur fibroblastes à partir d’un prélèvement d’urine ou de salive. Ce prélèvement doit avoir lieu durant les 15 premiers jours de vie afin de ne pas diagnostiquer une infection acquise en postnatal ou en perpartum. Les techniques actuelles de PCR permettent d’améliorer la sensibilité et la spécificité de cette recherche chez le nouveau-né. Elles sont réalisables sur des prélèvements d’urine ou de salive.

Récemment, une technique de diagnostic de l’infection congénitale à CMV a été mise au point sur les prélèvements sanguins néonataux pratiqués pour le test de Guthrie

Cette technique a d’abord été décrite avec une PCR classique avec une sensibilité et une spécificité proches de 100 % en comparaison à la technique de culture cellulaire dite de référence
Enfin, la réalisation d’une PCR sur carte de Guthrie a permis un diagnostic rétrospectif d’infection congénitale en cas d’apparition d’une surdité ou d’un retard mental non étiqueté dans la petite enfance

CONCLUSION

Les connaissances accumulées sur l’épidémiologie, la transmission, le diagnostic prénatal, les caracteristiques echographiques et biologiques des fœtus infectés, permettent de reconsidérer l’opportunité d’un dépistage de l’infection materno-fœtale à CMV dans  une popuation ciblée sur les mères de jeunes enfants en mode de garde collectif et les populations exposées professionellement.
Ces populations doivent bénéficier d’une détermination préconceptionelle ou en tout début de grossesse de leur statut vis-à-vis du CMV et doivent être informées des conseils d’hygiène à observer.
Il est logique chez ces patientes de poursuivre une surveillance sérologique qui permette de s’assurer de l’absence de séroconversion pergravidique. Tout doute sérologique ou séroconversion doit être référé à un spécialiste d’infectiologie fœtale au sein d’un Centre Pluridisciplinaire de diagnostic Prénatal pour information et prise en charge, afin d’éviter à la fois une iatrogénie potentiellement dangereuse, mais aussi de pouvoir identifier le plus précisément possible les fœtus infectés, d’évaluer leur pronostic et éventuellement de les inclure dans des protocoles de traitement.

Remerciements à Guillaume Benoist
( Bibliographie détaillée dans l’article
Benoist G, Jacquemard F, Leruez-Ville M, Ville Y.
[Cytomegalovirus (CMV) congenital infection].
Gynecol Obstet Fertil. 2008 Mar;36(3):248-60. Epub 2008
Mar 11.)

 
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