Lecture critique de l’article : Zhu et al. Effects of gum chewing on postoperative bowel motility after caesarean section: a meta-analysis of randomised controlled trials. BJOG 2014;121:787–792.

Voilà une méta analyse pour le moins originale. Si vous vous êtes déjà demandé quel effet pouvait avoir la mastication de chewing-gums sur la reprise du transit après une césarienne, cet article est pour vous. Cette question a déjà été soulevée par plusieurs essais randomisés ayant évalué le bénéfice de cette pratique en post chirurgical avec des résultats plus ou moins concluants ; plusieurs essais n’avaient pas retrouvé de bénéfice de la mastication de chewing-gum sur la prévention de l’iléus post-opératoire. Et comme toujours, quand les résultats des essais randomisés sont discordants, une méta analyse prend alors tout son intérêt. Celle-ci a inclus six essais prospectifs randomisés ayant comparé la mastication de chewing-gums avec une abstention thérapeutique chez des patientes en post-partum ayant été césarisées, soit un total de 939 patientes. Au total, les résultats montrent un réel bénéfice de la mastication de chewing-gums chez ces patientes avec une réduction significative du délai moyen d’émission des premiers gazs de 6,42 heures (IC à 95 % : -7,55 à -5,29 ; p<0,001), du délai moyen de survenue des premiers bruits hydro-aériques de 3,62 heures (IC à 95 % : - 6,41 à -0,83 ; p=0,001), du délai moyen d’émission des premières selles de 6,58 heures (IC à 95 % : -10,10 à 3,07 ; p<0,001) et de la durée moyenne d’hospitalisation de 5,94 heures (IC à 95 % : -9,39 à -2,49 ; p<0,001). Enfin, cette méta analyse ne retrouve pas de morbidité particulière de l’adoption d’une telle pratique pour les patientes venant d’être césarisées.

Alors bien sur cette méta analyse peut paraître farfelue à la première lecture, mais les faits sont là. La césarienne est aujourd’hui une des interventions les plus pratiquées au monde et l’iléus post-césarienne est une complication qui, si elle n’est pas réellement sévère, est extrêmement banale et fréquente avec une morbidité non négligeable pour les patientes concernées. Les résultats de cette méta analyse montrent avec un niveau de preuve élevé que  la mastication de chewing-gums, mesure simple et peu coûteuse, facilite la reprise du transit après une césarienne. Comme toute méta analyse, celle-ci n’est pas parfaite et souffre de limitations malgré les critères de sélection des études incluses. Tout d’abord, aucune de ces études n’a été faite en aveugle, ce qui peut paraître évident si on se limite à l’analyse de la mastication de chewing-gums. Mais il serait pourtant intéressant de comparer la mastication de chewing-gum avec celle de placebos pour savoir si c’est le fait de mastiquer qui a une influence sur la reprise du transit ou si cet effet est spécifique au chewing-gum. On notera également que les protocoles d’administration des chewing-gums et les durées de mastication sont très variables, rendant les études hétérogènes et ne permettant pas de conseiller un protocole bien précis. Si les principaux paramètres de la reprise du transit sont améliorés et accélérés (émission de gazs, apparition de bruits hydro-aériques et émission de selles), cette méta analyse ne conclue pas à une prévention à proprement parler de l’iléus post césarienne. Enfin, on sera plus critique sur la réduction de la durée de séjour des patientes qui si elle est significative n’est que de quelques heures et on peut se demander si cette différence a un réel impact en pratique courante.

Finalement, cette méta analyse doit-elle faire changer nos pratiques ? En montrant un bénéfice significatif de l’adoption d’une mesure simple, économique et sans réelle morbidité sur les principaux paramètres de la reprise du transit après césarienne, cette méta analyse, même si elle est critiquable sur certains aspects, apporte de solides arguments pour introduire les chewing-gums dans l’arsenal thérapeutique du post-partum. S’il n’est pas réellement justifié d’imposer cette pratique à toutes nos patientes, il est par contre désormais licite de proposer des chewing-gums aux patientes ayant été césarisées.  Quand on vous dit que la littérature médicale est pleine de surprises…