Violences contre les professionnels de santé

   Les agressions, verbales et physiques, perpétrées contre les médecins et autres soignants à l’occasion de leur exercice professionnel défraient la chronique et occupent les réseaux sociaux : « Un guet-apens contre le médecin des urgences de Creil », « Infirmière poignardée à Reims », « Pistolet sur la tempe, un médecin braqué dans son cabinet à Marseille », « Un médecin généraliste niçois frappé par le patient dont il contrôlait l’arrêt maladie », « Vienne : agressée par un patient, le Docteur a fermé son cabinet pour un mois », on pourrait citer ô combien d’autres titres faisant la une des quotidiens loco-régionaux annonçant ces violences commises par des patients ou leurs proches sur un mode totalement décomplexé.
   Devant la pléthore de signalements de dérapages incontrôlés, l’Ordre national des médecins a créé, en 2002, L’OBSERVATOIRE DE LA SECURITE DES MEDECINS. Le recensement de l’année 2022 montre 23% d’augmentation des violences par rapport à 2021.
Les Ordres nationaux des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues ont établi un GUIDE PRATIQUE POUR LA SECURITE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ contenant des recommandations, qui vont :

  • des mesures de bon sens adaptées à chaque cabinet, telles que :
    • porte blindée avec cornières anti-pinces,
    • clés de sécurité certifiées APSAD,
    • interphone ou visiophone couplé à une gâche électrique,
    • éclairage performant à l’épreuve du vandalisme,
    • installation de caméras couvrant l’entrée et la salle d’attente,
    • système de téléalarme ou de télésurveillance,
    • caméra sur la voie publique couvrant les abords du cabinet,
    • limitation des stocks de produits ou matériels convoités,
    • conservation des matériels, médicaments et ordonnanciers dans des rangements fermant à clé,
    • coffre fort sécurisé norme NF EN 1143,
  • à une organisation du travail et du comportement adaptée, notamment :
    • repérer tout comportement suspect,
    • sensibiliser les collaborateurs aux règles de sécurité,
    • identifier les interlocuteurs policiers ou gendarmes,
    • proscrire toute manipulation d’argent devant la patientèle et ne pas conserver d’importantes espèces au cabinet,
    • dans les rapports avec le patient agressif : dialoguer, éviter une réaction de force sauf pour se protéger personnellement de violences physiques, observer l’agresseur afin de noter un maximum de renseignements nécessaires ensuite à sa recherche et son identification, préserver toutes les empreintes et les signaler, donner rapidement l’alerte, conserver les lieux en l’état.

En ce qui concerne les suites judiciaires :

  • déposer plainte au commissariat de police ou à la gendarmerie, en se faisant domicilier au cabinet pour ne pas mentionner dans la procédure le domicile personnel du professionnel,
  • prévenir le conseil départemental de l’Ordre pour la mise en œuvre du PROTOCOLE D’ACCORD entre le Garde des Sceaux, le Ministre de l’Intérieur et les présidents des conseils nationaux des ordres des professionnels de santé pour renforcer la coopération avec les services de l’Etat compétents en matière de prévention de la violence et de traitement de la délinquance, dont les ARS et les préfets. Le Protocole recommande aux maires d’intégrer les abords des cabinets et officines exposés au risque de malveillance dans le périmètre couvert par un dispositif de vidéo-surveillance implanté dans la commune. Une procédure d’alerte est prévue en situation de danger ou de trouble avéré,
  • suivre la procédure pénale en lien avec les services du Procureur de la République.

 

La plainte peut aboutir à :

  • un classement sans suite,
  • une mesure alternative aux poursuites pénales,
  • un placement sous contrôle judiciaire, avec ou sans détention provisoire,
  • un renvoi devant le tribunal le plus souvent correctionnel.

Les délais de jugement atteignent fréquemment plusieurs années. Le conseil de l’ordre professionnel peut se constituer partie civile aux côtés du soignant concerné. En pratique, les dommages-intérêts sensés réparer le préjudice subi par le professionnel agressé sont systématiquement inférieurs à la demande et à l’évaluation de la souffrance endurée par le médecin ou autre soignant victime de la violence dénoncée, du stress et de l’angoisse supportés.

Hier le délinquant avait le plus souvent un casier judiciaire montrant de précédentes infractions (vol, trafic d’ordonnances). Mais de plus en plus on constate des violences émanant de personnes non connues des services de police, qui insultent, utilisent des propos d’une grossièreté inouïe, voire racistes ou sexistes, frappent ou menacent de mort le praticien qui seulement refuse un avantage indu mais requis avec détermination : la délivrance d’un arrêt maladie rétroactif ou un renouvellement non justifié, une prescription surdosée ou des examens inutiles vus sur le web, la prescription d’opiacés à un héroïnomane, comme on rencontre aussi un chef d’entreprise qui finit par frapper une infirmière d’accueil aux urgences pédiatriques ayant refusé, après évaluation de l’état de l’enfant, qu’il soit reçu en priorité par l’interne présent. La violence se banalise, se normalise. Pourtant il existe une limite à la tolérance : l’intolérable.