Un antécédent de cancer du sein ne contre-indique pas un traitement par estrogènes locaux lorsqu’il est nécessaire !

Les traitements endocriniens adjuvants ont considérablement amélioré la survie des patientes atteintes de cancer du sein (KS) hormonodépendant, avec l’utilisation d’anti-estrogènes : tamoxifène (TAM) avant la ménopause et  inhibiteurs de l’aromatase (IA) après. Cependant, l’observance thérapeutique est souvent difficile en raison d’effets secondaires qui altèrent la qualité de vie. Les symptômes génito-urinaires, liés à l’atrophie vaginale, sont souvent invoqués par les patientes. Après la ménopause, dans la population générale, les estrogènes locaux surtout, et systémiques un peu, sont utilisés avec de très bons résultats. En cas d’antécédent de KS, l’estrogénothérapie systémique contre-indiquée du fait du risque de récidive de KS. La question du rôle d’une estrogénothérapie locale se posait chez ces femmes car de petites études prospectives avaient trouvé une légère augmentation des taux plasmatiques d’hormones lorsqu’un traitement par estrogènes locaux était administré en association avec un anti-estrogène. Deux études d’observation analysant l’impact potentiel d’estrogènes locaux sur le risque de récidive de cancer du sein ne retrouvent pas de surrisque. Il s’agissait d’études de petite taille avec une puissance scientifique insuffisante pour étudier précisément le rôle en cas d’utilisation des IA.

Le but de cette nouvelle étude est d’analyser l’impact sur la mortalité des estrogènes locaux chez des patientes utilisant un traitement hormonal adjuvant dans le cadre du traitement d’un cancer du sein ER+. Les données provenaient d’un registre suédois du KS. La cohorte analysée incluait 15 198 patientes ayant un diagnostic de KS ER+ entre juillet 2006 et décembre 2012 et utilisant un antiestrogène (TAM ou IA). La durée de prise des estrogènes locaux était prise en compte avec soit une courte durée (<90 jours) soit une longue durée (>90 jours).

Durant le suivi, 1262 femmes de la cohorte sont décédées de leur KS. Chaque cas était associé à 10 contrôles, des patientes atteintes de KS toujours vivantes à la date index ayant utilisé au moins 6 mois de TAM ou IA. L’utilisation d’estrogènes locaux a pu être comparée entre les 2 populations. Globalement, aucune différence significative concernant la mortalité par KS quelle qu’en soit la durée:

  • pour le TAM : OR 1.30 (IC à 95% 0.79-2.12) pour une courte durée d’estrogènes locaux et 1.31 (0.79-2.15) pour une longue durée
  • pour les IA : OR 0.95 (IC à 95% 0.61-1.49) pour une courte durée d’estrogènes locaux et 0.79 (0.49-1.28) pour une longue durée

Chez les femmes sans traitement adjuvant, il était même noté une diminution de risque de mortalité par KS avec un OR ajusté de 0.61, IC à 95% 0.43-0.86.

Cette étude de plus large envergure confirme les précédentes montrant des résultats tout à fait rassurants : elle confirme l’utilisation possible d’estrogènes locaux en cas d’antécédent de KS y compris chez les patientes utilisant une hormonothérapie adjuvante. Il est à noter que l’étude a pris pour objectif la mortalité par KS et non pas le risque de récidive que les auteurs estiment être une mesure moins fiable.

La diminution du risque dans le groupe utilisant le traitement local sans traitement adjuvant a fait l’objet d’hypothèses : elle pourrait correspondre à un groupe de patientes à faible risque de récidive et ainsi constituer un indicateur de « bonne santé ».

Les auteurs encouragent donc les praticiens à proposer des estrogènes locaux chez les patientes ayant un KS, y compris en cas d’antiestrogène adjuvant, lorsqu’elles se plaignent d’un syndrome génito-urinaire non corrigé par des molécules non-hormonales.

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Sund M, Garmo H, Andersson A et al. Estrogen therapy after breast cancer diagnosis and breast cancer mortality risk. Breast Cancer Research and Treatment 2023;198 :361-368.