Traitement des cancers micro-invasifs du col utérin

Auteurs

Henri Azaïs 1, Geoffroy Canlorbe 1, Marianne Nikpayam 1,
Clémentine Gonthier 1
Jérémie Belghiti 1, Catherine Uzan 1, Jean-Luc Mergui 1

  1. Service de chirurgie et oncologie gynécologique et mammaire
    Hôpital Universitaire Pitié-Salpêtrière
    47-83 Boulevard de l’Hôpital 75013 Paris France

 

INTRODUCTION

Les cancers du col débutants sont définis par un stade ≤ IB2, avec environ 1700 cas diagnostiqués chaque année en France [1]. L'évolution naturelle du carcinome épidermoïde et de l’adénocarcinome du col utérin passe par un stade de micro-invasion de la classification de la Fédération Internationale des Gynécologues et Obstétriciens (FIGO) des cancers du col utérin, récemment modifiée [2]. Pour ces stades 1A, carcinome micro-invasifs, on ne prend plus en compte l’étendue en surface de la lésion, seule l’invasion en profondeur est déterminante (tableau 1), ce qui est justifié par l’importance des erreurs d’appréciation de l’étendue en surface. Dès 5 mm d’infiltration en profondeur, on classe la tumeur au stade 1B1.

La gravité des lésions est directement liée au volume d'invasion, ce qui correspond en pratique à la profondeur mais aussi à la largeur de la tumeur, et à l'existence d'emboles lymphovasculaires. La présence ou l’absence d’embole ne modifie pas la classification, bien qu'elle ait un rôle pronostique. De plus, à partir d'une profondeur d'invasion de 3 mm, il existe un risque d'envahissement ganglionnaire, surtout en cas d’emboles lymphovasculaires associés. Celui-ci, bien qu'assez rare dans les cancers de stade précoce, est également un élément pronostique déterminant.

Les cancers définis comme micro-invasifs ne sont donc pas diagnostiqués par l’examen clinique, à la différence des autres stades de cancer du col utérin, et sont diagnostiqués sur pièce de conisation. La fréquence de ces lésions précoces parmi les cancers du col augmente avec le développement du dépistage, atteignant jusqu'à un quart des cancers du col dans certaines études [3]. Le cancer du col de stade précoce est de bon pronostic, en particulier pour les formes micro-invasives avec une survie globale à 5 ans est supérieure à 97% pour les stades IA2 [4]. Le défi majeur concernant sa prise en charge est de limiter la morbidité des traitements et si possible, de préserver la fertilité sans compromettre le pronostic des patientes.

L’objectif de cette mise au point est de rappeler les principes de prise en charge des carcinomes micro-invasifs du col utérin.

 

Tableau 1

Classification FIGO 2018 des carcinomes micro-invasifs du col utérin [2]
 

Stade

Description

1A

Carcinome invasif ne pouvant être diagnostiqué que par microscopie, avec une profondeur d’invasion maximale < 5 mm

1A1

Invasion stromale mesurée < 3 mm en profondeur

1A2

Invasion stromale mesurée ³ 3 mm et < 5 mm en profondeur

 

 

DIAGNOSTIC

Le diagnostic des cancers de stade 1A1 et 1A2 est porté sur l’examen anatomo-pathologique d’une pièce de conisation. Le statut des berges, ainsi que la présence d’emboles lymphovasculaires sont des informations déterminantes, d’où l’importance d’une pièce opératoire de bonne qualité et d’un anatomo-pathologiste expérimenté en pathologie cervicale . L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) doit être réalisée au moindre doute pour éliminer une pathologie cervicale plus étendue, et systématiquement en cas d’atteinte des berges de la conisation, mais n’est pas indispensable si les limites de la pièce sont saines. Sauf contre-indication chirurgicale formelle, les stades IA ne relèvent pas de l’indication d’une curiethérapie utérovaginale ni d’une radiothérapie pelvienne.

 

PRISE EN CHARGE

Prise en charge des stades 1A1

Le traitement des cancers de stade 1A1 est la conisation en berge saine [5]. En cas d’exérèse non in sano (en dehors de la présence de lésion de néoplasie intra-épithéliale sur l’exocol), une seconde conisation doit être réalisée pour exclure la présence d’une lésion plus profonde [6]. Ce n’est qu’une fois cette vérification établie et en l’absence de lésion invasive résiduelle qu’une hystérectomie conservatrice peut être proposée, en option, en l’absence de désir de grossesse. Il n'existe pas de données claires selon lesquelles l'hystérectomie simple est supérieure à une conisation appropriée. Par ailleurs, cette attitude ne modifie pas la surveillance qui reposera alors sur la réalisation annuelle d’un frottis du fond vaginal (ou test HPV), complétée par une colposcopie en cas d’anomalie. Il existe en effet un risque persistant de lésion du fond vaginal. L'annexectomie est inutile, sauf s'il existe une lésion macroscopique ovarienne.

La présence d’embole est un élément déterminant pour la prise en charge à ce stade. Il n’y a pas d’indication à réaliser une exploration ganglionnaire pelvienne en l’absence d’embole. Dans le cas contraire, cette attitude peut être discutée, compte tenu du risque d’envahissement ganglionnaire augmenté dans cette situation. Dans ce contexte, le prélèvement du ganglion sentinelle bilatéral semble être une méthode adaptée [6]. Il n’est pas recommandé de réaliser une exérèse élargie aux paramètres à ce stade [6].

 

Prise en charge des stades 1A2

Le traitement des cancers de stade 1A2 est également la conisation en berge saine ou l’hystérectomie simple, après conisation appropriée [6]. L’exploration ganglionnaire pelvienne est le plus souvent réalisée, elle est discutée en l’absence d’embole mais toujours indiquée dans le cas contraire. La biopsie du ganglion sentinelle bilatérale semble pertinente dans cette indication si elle est proposée par des équipes expertes [6–8]. Il n’est pas recommandé de réaliser une exérèse élargie aux paramètres à ce stade en l’absence d’embole [6].

 

 

SURVEILLANCE

Les objectifs de la surveillance sont la détection précoce des récidives, l’éducation des patientes (aux symptômes évocateurs de récidives en particulier), la mise en œuvre de règles hygiéno-diététiques (arrêt du tabac, …) [6]. Un suivi étroit est particulièrement important chez les femmes traitées. Des visites de suivi doivent avoir lieu tous les 6 mois pendant 5 ans[HA1] . L’examen gynécologique habituel est complété par un frottis cervico-utérin ou un test HPV à chaque visite, la colposcopie est réalisée en cas d’anomalie. La surveillance après traitement est aussi nécessaire après une hystérectomie selon les mêmes modalités. Il est possible de prescrire un traitement hormonal de la ménopause chez les patientes présentant une ménopause prématurée selon les recommandations habituelles.

Les examens complémentaires ne sont indiqués qu’en cas de point d’appel clinique. En cas d'anomalie clinique, une biopsie doit être réalisée, et ne doit pas conduire à l’arrêt des investigations en cas de négativité si la suspicion clinique ou à l’imagerie est forte. L’IRM pelvienne est demandée en cas de colposcopie normale avec un doute sur l’existence d’une lésion plus haut située.

 

CONCLUSION

La prise en charge des cancers micro-invasifs du col utérin est chirurgicale. Le dépistage par frottis cervico-utérin et la vaccination doivent faire l’objet d’une promotion toujours renouvelée pour contribuer à diminuer l’incidence des cancers. Le diagnostic ne peut se faire sur biopsie mais toujours sur une pièce de conisation ce qui implique de réaliser ce geste de manière rigoureuse. Nous encourageons l’adhésion des praticiens engagés dans la prise en charge des pathologies cervico-vaginale à la Charte de qualité́ en colposcopie et pathologie Cervico-Vaginale (http://www.societe-colposcopie.com/sites/default/files/CHARTE-2017.pdf) pour assurer ainsi au plus grand nombre de patiente l’accès à une démarche diagnostique et thérapeutique de qualité.

 

Références

 

1.         Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, Delafosse P, et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique 2008;56(3):15975.

2.         Bhatla N, Aoki D, Sharma DN, Sankaranarayanan R. Cancer of the cervix uteri. Int J Gynecol Obstet 2018;143:2236.

3.         Shingleton HM. Surgery for cervical cancer: a time for reassessment. Gynecol Oncol 1998;69(1):813.

4.         Azaïs H, Canlorbe G, Canova CH, Badachi Y, Huertas A, Riet FG, et al. Traitement des cancers du col utérin de stade précoce. Encycl Méd-Chir 2019

5.         Mota F. Microinvasive squamous carcinoma of the cervix: treatment modalities. Acta Obstet Gynecol Scand 2003;82(6):5059.

6.         Cibula D, Pötter R, Planchamp F, Avall-Lundqvist E, Fischerova D, Haie-Meder C, et al. The European Society of Gynaecological Oncology/European Society for Radiotherapy and Oncology/European Society of Pathology Guidelines for the Management of Patients with Cervical Cancer. Virchows Arch Int J Pathol 2018;472(6):91936.

7.         Lécuru F, Mathevet P, Querleu D, Leblanc E, Morice P, Daraï E, et al. Bilateral negative sentinel nodes accurately predict absence of lymph node metastasis in early cervical cancer: results of the SENTICOL study. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol 2011;29(13):168691.

8.         Kadkhodayan S, Hasanzadeh M, Treglia G, Azad A, Yousefi Z, Zarifmahmoudi L, et al. Sentinel node biopsy for lymph nodal staging of uterine cervix cancer: a systematic review and meta-analysis of the pertinent literature. Eur J Surg Oncol J Eur Soc Surg Oncol Br Assoc Surg Oncol 2015;41(1):120.

 

 


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