Le Syndrome de Congestion Pelvienne

Le syndrome de congestion pelvienne (SCP) est une cause fréquente de douleurs pelviennes chroniques pouvant être à l’origine d’une importante errance médicale. Il s’agit d’une insuffisance veineuse pelvienne pouvant être primaire ou secondaire, avec une présentation sous forme de syndrome douloureux pelvien chronique associant douleurs, dyspareunies et varices superficielles dans le territoire pelvien. Par des phénomènes de redistribution du flux, les symptômes peuvent parfois aussi s’étendre à l’abdomen ou aux membres inférieurs, avec des tableaux cliniques trompeurs. La multiparité semble être un facteur de risque majeur en absence d’anomalie anatomique sous-jacente. Le diagnostic est basé sur la corrélation entre les données d’imagerie (Echo-doppler, scanner ou IRM) et le tableau clinique. La prise en charge endovasculaire par embolisation consiste à occlure à l’aide de colle biologique les réseaux veineux dilatés, et permet une levée des symptômes dans 70 à 100% des cas selon les études.
Points clés :

  • 30% des syndromes douloureux pelviens chroniques sont liés à un syndrome de congestion pelvienne. On retrouve des varices pelviennes chez un grand nombre de femmes multipares, néanmoins seule une partie de ces femmes vont développer des symptômes en liens avec ces varices
  • Le tableau clinique associe un panel de symptômes liés à l’insuffisance veineuse pelvienne (douleurs, dyspareunies, varices superficielles), mais peut aussi s’étendre à  l’abdomen ou aux membres inférieurs
  • Lorsqu’il est pratiqué par un opérateur entrainé, l’échographie-doppler est un très bon examen de première intention, qui permet à la fois de détecter la présence de varices, et de rechercher d’autres causes de douleurs pelviennes
  • Le diagnostic et la prise en charge doivent être multidisciplinaires, (médecins généralistes, gynécologues, angiologues, radiologues, médecins de la douleur)
  • Le traitement endovasculaire par embolisation offre de bons résultats sur les douleurs, avec un taux de complications très faible

Présentation et anatomie
Le syndrome de congestion pelvienne peut se manifester par un ensemble de signes cliniques touchant le pelvis l’abdomen et les membres inférieurs. Il est causé par une incontinence valvulaire et une dilatation des veines du pelvis entraînant un ralentissement voir une inversion du flux veineux [1]. L’existence de ce syndrome a parfois été contestée mais semble aujourd’hui une entité clinique établie. Ce syndrome pourrait expliquer jusqu’à 30% des douleurs pelviennes chroniques [2] (douleurs pelviennes évoluant depuis plus de 6 mois). Etant donné l’hétérogénéité de la présentation clinique, la fréquence dans la population générale de tableaux douloureux mal caractérisables, et la méconnaissance de cette entité clinique par certains praticiens, il n’est pas rare que le diagnostic ne soit pas évoqué en première intention, ce qui est à l’origine d’une errance médicale importante, avec un diagnostic initial retardé et d’importants retentissements psychologiques chez les patientes atteintes. Le SGP atteint classiquement la femme multipare en période péri-ménopausique, mais peut aussi toucher des femmes jeunes. De multiples facteurs de risques ont été décrit, notamment la multiparité, des antécédents personnels ou familiaux d’insuffisance veineuse (pelvienne ou des membres inférieurs), des troubles hormonaux comme le syndrome des ovaires polykystiques, ou encore des antécédents de pathologie ou de chirurgie pelvienne.
La connaissance de l’anatomie veineuse du pelvis féminin est indispensable à la compréhension de cette pathologie. Le flux veineux utérin se draine principalement sous forme de plexus dans les veines iliaques internes pour sa portion inférieure, et dans les veines ovariennes pour sa portion supérieure. Tous ces plexus sont largement anastomosés entre eux, mais également avec les veines superficielles du pelvis (notamment vulvaire ou périnéales), mais aussi les plexus hémorroïdaires, les veines sacrées, et les veines iliaques externes (à l’origine du retour veineux des membres inférieurs). La veine ovarienne droite se draine directement dans la veine cave, alors que la veine ovarienne gauche se draine dans la veine rénale gauche après un trajet vertical plus long. Ces considérations anatomiques expliquent sans doute la nette prédominance des insuffisances veineuses pelviennes d’origine ovarienne gauche. Enfin, deux variantes anatomiques responsables de sténoses sur la veine iliaque commune gauche  (May Turner Syndrome) et sur la veine rénale gauche (Nutcracker syndrome) ont été décrites et doivent être recherchées systématiquement en imagerie.

Symptômes cliniques
Le symptôme le plus fréquent est une douleur pelvienne. Comme toute douleur relative à une insuffisance veineuse, celle-ci apparait plutôt en fin de journée, et est favorisée par une station debout ou assise prolongée. Elle est volontiers unilatérale, et peut s’accompagner de dyspareunies, qui sont décrites comme d’apparition progressive, d’intensité plus forte après la fin du rapport. Les varices superficielles, de localisation vulvaire, périnéale, glutéale, ou supra-pubienne sont également fréquentes, et peuvent parfois constituer la seule plainte des patientes. Plus rarement, des symptômes digestifs (inconfort, crise hémorroïdaire), urinaires (dysurie, urgenturie), ou une insuffisance veineuse des membres inférieurs peuvent aussi être présent en raison des connexions veineuses décrites ci-dessus. Enfin, comme dans tout tableau douloureux chronique, le SCP peut affecter la qualité de vie, ce qui se traduit par une fréquence accrue de troubles anxieux et de dépression chez les patientes atteintes d’un SCP.

Diagnostic positif
Le diagnostic peut être difficile du fait du tableau clinique peu spécifique et d’un nombre important de diagnostics différentiels. L’examen de référence permettant d’objectiver l’insuffisance veineuse est la phlébographie. Néanmoins, du fait de son caractère invasif, elle est rarement réalisée en première intention, et constitue plutôt un temps d’exploration réalisé au décours d’une embolisation lorsque l’indication de cette dernière est retenue.
L’échographie avec étude doppler est un excellent examen de première intention [3] qui présente l’avantage d’être très facilement accessible et de permettre une étude dynamique, notamment à l’aide des manœuvres de Valsalva. Les varices pelviennes se présentent comme des structures tubulaires anechogènes visibles de part et d’autre de l’utérus. Le diamètre seuil au-delà duquel on peut parler de dilatation est variable selon les équipes. On parle généralement de dilatation lorsque le diamètre est au-delà de 6 à 10mm pour la veine ovarienne gauche, de 5 à 8mm pour les varices péri-utérines, et de 2mm pour les veines arquées [4]. En doppler avec manœuvre de Valsalva, l’inversion du flux, mais aussi l’accélération ou l’arrêt du flux sont évocateurs d’insuffisance veineuse.
Le scanner est surtout intéressant pour les bilans de sténose veineuse par compression extrinsèque (syndrome de Nut Cracker et May Turner). Il est peu utilisé en pratique courante dans le bilan d’un SCP.
L’irm s’avère particulièrement intéressante devant la présence d’un tableau douloureux pelvien chronique sans éléments d’orientation évident à l’interrogatoire, puisqu’elle permet d’explorer un très grand nombre de pathologies gynécologiques (endométriose notamment), mais aussi digestive, urologique ou même musculo-squelettique. Elle permet également de réaliser des séquences dynamiques, et a une plus grande sensibilité pour explorer la veine gonadique droite.
Deux points importants sont à noter concernant l’interprétation des examens complémentaires dans le SCP :

  • Il n’existe par forcément de corrélation entre le degré d’insuffisance veineuse et la plainte clinique (40% des insuffisances veineuses pelviennes sont asymptomatiques)
  • La sensibilité des examens morphologiques, notamment l’écho-doppler est très variable selon l’expérience de l’opérateur (entre 20 et 98%).

Ceci étant dit, il convient donc pour arriver au diagnostic d’imputer à l’insuffisance pelvienne veineuse la responsabilité du tableau clinique présenté par la patiente, ce qui peut parfois être délicat. Les discussions multidisciplinaires, dans des équipes avec une expérience régulière de la pathologie ont une forte valeur ajoutée, en particulier dans les cas complexes ou de présentation atypique.

Traitement
La contention veineuse, bien que contraignante peut être efficace sur les symptômes. Des traitements médicamenteux comme l’acétate de medroxyprogesterone, les AINS, ou les agonistes de la GnRH peuvent également être introduits, ainsi qu’un Implanon [5].
Lorsque ces derniers sont insuffisants, une embolisation percutannée peut être proposée. Il s’agit d’une procédure ambulatoire de radiologie interventionnelle qui consiste à boucher les veines pathologiques. L’accès au réseau veineux se fait directement au travers de la veine humérale ou fémorale, avec mise en place d’un cathéter qui est ensuite dirigé sous contrôle scopique jusqu’aux veines dilatées. Une phlébographie permet de mettre en évidence les veines incontinentes, ainsi que les éventuelles communications avec d’autres réseaux (iliaques notamment). Les veines pathologiques sont ensuite occluses à l’aide d’une colle biologique (ou un autre produit sclérosant) afin de rediriger le flux vers des veines continentes et rétablir un drainage efficace. L’avantage principal de l’embolisation, notamment en comparaison d’une ligature chirurgicale réside dans le fait que l’embolisation va permettre de traiter l’ensemble des veines atteintes, y compris les plus profondes, et ce sur l’ensemble de leur trajet (notamment la veine gonadique gauche), évitant ainsi une réalimentation précoce des varices par collatéralité. A titre personnel, nous pensons que l’usage d’un agent liquide d’embolisation (colle biologique ou autre sclérosant) permet d’obtenir de meilleurs résultats que la méthode historique qui consistait à mettre en place des coils (ressorts de platines). En effet, la pénétration de la colle plus en distalité permet d’occlure l’ensemble du réseau variqueux et limite le risque de récidive.
Les études retrospectives montrent des résultats significatifs, avec une amélioration des symptômes constatée dans 47 à 100% des cas, et un succès persistant dans le temps. La plus large série publiée à date (617 patients) retrouve un succès clinique dans 84% des cas après un suivi moyen de 59 mois [6], avec une EVA moyenne passant de 7.63 en pré-embolisation à 0.91 en post-embolisation. Le taux de complication majeure de cette série était faible, autour de 2%, ce qui confirme que la procédure est peu risquée. Un essai randomisé de petite taille (100 patients) a également démontré un succès clinique dans 90% des cas [7].

Images  1 : Phlébographie : l’opacification  par la veine ovarienne gauche retrouve de volumineuses veines paramétriales , périutérines se drainant dans la veine iliaque interne gauche
Visuel 1

Image 2 : injection de colle (Glubran) permettant d’obtenir une occlusion de l’ensemble de ces veines dilatées et des veines ovariennes incontinentes
Visuel 2

 

Bibliographie :
1. Borghi C, Dell’Atti L (2016) Pelvic congestion syndrome: the current state of the literature. Arch Gynecol Obstet 293:291–301. https://doi.org/10.1007/s00404-015-3895-7
2. Jurga-Karwacka A, Karwacki GM, Schoetzau A, et al (2019) A forgotten disease: Pelvic congestion syndrome as a cause of chronic lower abdominal pain. PLOS ONE 14:e0213834. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0213834
3. Knuttinen M-G, Xie K, Jani A, et al (2015) Pelvic Venous Insufficiency: Imaging Diagnosis, Treatment Approaches, and Therapeutic Issues. Am J Roentgenol 204:448–458. https://doi.org/10.2214/AJR.14.12709
4. Steenbeek MP, van der Vleuten CJM, Schultze Kool LJ, Nieboer TE (2018) Noninvasive diagnostic tools for pelvic congestion syndrome: a systematic review. Acta Obstet Gynecol Scand 97:776–786. https://doi.org/10.1111/aogs.13311
5. Shokeir T, Amr M, Abdelshaheed M (2009) The efficacy of Implanon for the treatment of chronic pelvic pain associated with pelvic congestion: 1-year randomized controlled pilot study. Arch Gynecol Obstet 280:437–443. https://doi.org/10.1007/s00404-009-0951-1
6. De Gregorio MA, Guirola JA, Alvarez-Arranz E, et al (2020) Pelvic Venous Disorders in Women due to Pelvic Varices: Treatment by Embolization: Experience in 520 Patients. J Vasc Interv Radiol 31:1560–1569. https://doi.org/10.1016/j.jvir.2020.06.017
7. Guirola JA, Sánchez-Ballestin M, Sierre S, et al (2018) A Randomized Trial of Endovascular Embolization Treatment in Pelvic Congestion Syndrome: Fibered Platinum Coils versus Vascular Plugs with 1-Year Clinical Outcomes. J Vasc Interv Radiol 29:45–53. https://doi.org/10.1016/j.jvir.2017.09.011

 
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