Les cancers du sein triple négatifs ont-ils enfin droit à leur traitement ciblé ?

Jusqu’à présent les cancers du sein triple négatifs (RO-, RP-, HER2-) étaient les parents pauvres des sous-types moléculaires du cancer du sein en termes de recours thérapeutique. La dernière édition du NEJM met à nouveau à l’honneur les inhibiteurs de PARP [1].
O’Shaughnessy et collaborateurs y rapportent l’étude de phase II qui a randomisé 123 patientes traitées pour un cancer du sein triple-négatif, métastatique, entre une chimiothérapie par gemcitabine. (1000 mg/m²) carboplatin (AUC 2) à J1 et J8, tous les 21 jours, avec ou sans iniparib (BSI-201) 5,6 mg/kg en IV à J 1, J4, J8, J 11.
L’objectif principal de l’étude était le bénéfice clinique défini comme le taux de réponse complète et de maladie stable pendant au moins 6 mois. Cette définition incluant la stabilité ayant été choisie compte tenu de la possible composante cytostatique et pas seulement cytotoxique de l’iniparib. L’adjonction d’iniparib a été associée à une amélioration du taux de bénéfice clinique de 34% à 56% (p = 0,01), de la survie sans progression de 3,6 mois à 5,9 mois (p=0,01) et, ce qui a fait couler beaucoup d’encre lorsque cela avait été présenté à l’ASCO 2009, une amélioration de la survie globale de 7,7 mois à 12,3 mois (hazard ratio pour les décès de 0,57, p=0,01). Ceci, sans augmentation significative des effets secondaires ou des complications de grade 3 ou 4.

Les inhibiteurs de PARP sont des molécules qui exercent un effet cytotoxique spécifiquement sur les cellules cancéreuses avec déficit de la voie de la recombinaison homologue impliquée dans la réparation des lésions double-brin de l’ADN [2, 3] – qui, pour ce qui concerne le cancer du sein, se présentent plus souvent avec un phénotype triple-négatif.

Cette étude de phase II a généré un engouement immédiat compte tenu de l’importance du bénéfice, notamment en survie globale et de la faible toxicité rapportés. On peut cependant s’étonner de la présentation des résultats avec comparaison direct des deux bras dans une étude de phase II, quand bien même randomisée. Les auteurs reconnaissent eux-mêmes un déséquilibre avec des facteurs pronostiques sensiblement plus favorables chez les patientes ayant reçu de l’iniparib.

Le choix de la chimiothérapie (gemcitabine – carboplatine) a pu également étonner et laisser supposer qu’elle était un bras de référence sub-optimal dans une population où près de 60 % des patientes recevaient alors leur première ligne de chimiothérapie en phase métastatique. Il est en revanche justifié pour des raisons de synergie particulière avec les inhibiteurs de PARP. L’éditorial de Carey et Sharpless se fait l’écho de questions posées sur les mécanismes d’action de l’iniparib, qui semblent dépasser le cadre de l’inhibiteur de PARP [4].

La note pessimiste est que tous les patients sous iniparib ont fini par connaître une progression de leur maladie, traduisant une résistance acquise, comme cela avait été montré dans l’étude de phase I portant sur l’olaparib, inhibiteur oral de PARP [5, 6]. Nous attendons cependant avec impatience les résultats de la phase III en stade métastatique et espérons que les patientes pourront bénéficier très prochainement de ces avancées thérapeutiques.

  • 1. O'Shaughnessy, J., et al., Iniparib plus Chemotherapy in Metastatic Triple-Negative Breast Cancer. N Engl J Med, 2011.
  • 2. Bryant, H.E., et al., Specific killing of BRCA2-deficient tumours with inhibitors of poly(ADP-ribose) polymerase. Nature, 2005. 434(7035): p. 913-7.
  • 3. Farmer, H., et al., Targeting the DNA repair defect in BRCA mutant cells as a therapeutic strategy. Nature, 2005. 434(7035): p. 917-21.
  • 4. Carey, L.A. and N.E. Sharpless, PARP and Cancer - If It's Broke, Don't Fix It. N Engl J Med, 2011.
  • 5. Fong, P.C., et al., Inhibition of Poly(ADP-Ribose) Polymerase in Tumors from BRCA Mutation Carriers. N Engl J Med, 2009.
  • 6. Tutt, A., et al., Oral poly(ADP-ribose) polymerase inhibitor olaparib in patients with BRCA1 or BRCA2 mutations and advanced breast cancer: a proof-of-concept trial. Lancet, 2010. 376(9737): p. 235-44.

Joyce O’Shaughnessy, M.D., Cynthia Osborne, M.D., et al.
NEJM 2011 Iniparib plus Chemotherapy in Metastatic Triple-Negative Breast Cancer.

 
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