L’aide médicale à la procréation (AMP) ne peut être prise en charge par une caisse d’assurance maladie que si :
- l’acte est prévu par la nomenclature comme étant pris en charge,
- qu’il a été précédé d’une demande d’entente préalable non suivie d’un refus dans le délai de 15 jours.
1 - Actes pris en charge :
L’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale permet que la prise en charge ou le remboursement par l’assurance maladie de certains actes soit subordonnée « à leur inscription sur une liste établie […] et subordonnée au respect d’indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l’état du patient ainsi qu’à des conditions particulières de prescription, d’utilisation ou de réalisation de l’acte ou de la prestation. »
Les règles de facturation par le médecin conventionné qui donne des soins à un assuré social dans le cadre d’une AMP sont décrites notamment dans la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), disponible dans sa dernière version 45 applicable le 15 décembre 2016 sur le site ameli.fr. dans les termes ci-après qui encadrent leur prise en charge :
« 09.02 ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
Facturation :
- les actes du sous chapitre 09.02 ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION ne peuvent pas être facturés au-delà du jour du 43ème anniversaire de la femme ;
- une seule insémination artificielle par cycle peut être facturée avec un maximum de 6 pour l'obtention d'une grossesse ;
- 4 tentatives de fécondation in vitro avec ou sans micromanipulations peuvent être facturées pour l'obtention d'une grossesse ; on appelle tentative, toute ponction ovoctaire suivie de transfert embryonnaire ;
- une demande d'entente préalable globale doit être déposée avant le début du traitement avec mention de la technique utilisée ; si cette technique change le contrôle médical doit être informé ; l'absence de réponse dans les 15 jours vaut accord ; le biologiste et l'échographiste sont informés de la date de dépôt de l'entente préalable. »
Les trois premières conditions doivent être respectées et il est inutile de déposer une demande d’entente préalable dont la description du traitement violerait les contraintes imposées dans le cadre de la prise en charge : par exemple pour une femme âgée de plus de 43 ans, ou s’il s’agit d’une cinquième tentative de fécondation in vitro, alors que seulement 4 tentatives peuvent être prises en charge.
On ne peut en effet se prévaloir de l’absence de refus, ou d’un refus tardif de la caisse d’assurance maladie, suite à une demande d’entente préalable qui ne respecte pas les conditions de prise en charge du traitement (cf. arrêt du 11 avril 1996 de la chambre sociale de la Cour de cassation, n° 94-10-468).
Les tarifs pris en charge sont exposés dans la CCAM pour et selon les codes :
«JKHD002 : Prélèvement et examen de la glaire cervicale, sans examen de la mobilité des spermatozoïdes.
JKHD003 : Prélèvement et examen de la glaire cervicale, avec examen de la mobilité des spermatozoïdes [Test postcoïtal de Huhner].
JJFJ001 : Prélèvement d'ovocytes sur un ou deux ovaires, par voie transvaginale avec guidage échographique (AP).
JJFC011 : Prélèvement d'ovocytes sur un ou deux ovaires, par cœlioscopie.
JHFB001 : Prélèvement de spermatozoïdes au niveau du testicule, de l'épididyme ou du conduit déférent, par voie transcutanée (AP)
-prélèvement de sperme, par ponction transcutanée du testicule
- facturation : une seule fois au cours de l'intervention.
JSLD002 Insémination artificielle intracervicale (AP) avec ou sans examen de la glaire cervicale.
JSLD001 Insémination artificielle intra-utérine (AP) avec ou sans examen de la glaire cervicale.
JSEC001 Transfert intratubaire d'embryon, par cœlioscopie (AP)
Indication : transfert intra-utérin par voie vaginale impossible du fait d’un col utérin infranchissable, chez les femmes ayant au moins une trompe saine
Formation : spécifique à cet acte en plus de la formation initiale
Environnement : spécifique ; cet acte doit être réalisé dans le cadre légal régissant les actes d’assistance médicale à la procréation – loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, arrêté du 12 janvier 1999, arrêté du 10 mai 2001
Recueil prospectif de données : nécessaire.
JSED001 Transfert intra-utérin d'embryon, par voie vaginale (AP)
Indication : acte de référence pour réaliser le transfert d’embryon
Formation : spécifique à cet acte en plus de la formation initiale
Environnement : spécifique ; cet acte doit être réalisé dans le cadre légal régissant les actes d’assistance médicale à la procréation – loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, arrêté du 12 janvier 1999, arrêté du 10 mai 2001
Recueil prospectif de données : nécessaire. »
2 - Procédure relative à la demande d’accord/entente préalable :
L’article I-4 des Dispositions Générales de la CCAM décrit (comme le fait l’article 7 de la NGAP pour les actes non prévus par la CCAM) la procédure d’accord préalable dans les termes ci-après :
« Certains actes font l’objet d’un accord préalable du contrôle médical. Ces actes sont repérés dans la liste par les lettres «AP». Ils ne sont pris en charge qu’à la condition d’avoir reçu l’avis favorable du contrôle médical, sous réserve que l'assuré remplisse les conditions légales d'attribution des prestations.
1. Quand l'acte est soumis à cette formalité, le praticien qui dispense cet acte (médecin, sage-femme, auxiliaire médical) est tenu, préalablement à son exécution, d’adresser au contrôle médical une demande d’accord préalable remplie et signée. Les demandes d'accord préalable sont établies sur des imprimés conformes aux modèles arrêtés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
2. Le délai au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu’à compter de la date de réception de la demande d’accord préalable. La réponse de la caisse d'Assurance Maladie doit être adressée au malade et en copie au praticien, au plus tard le 15ème jour à compter de la date de réception de la demande par le service du contrôle médical, la caisse ou la mutuelle.
3. Lorsqu'un accord est exigé, en application du présent article préalablement au remboursement d'un acte ou d'un traitement par l'assurance maladie, l'absence de réponse, Dispositions générales et dispositions diverses Livres I et III – 20 juillet 2016 6 17/06/15 pendant plus de quinze jours de l'organisme, sur la demande de prise en charge équivaut à un accord. Dans ce cas, le contrôle médical peut toujours intervenir pour donner un avis à l'organisme d'assurance maladie sur la prise en charge de la suite du traitement ou la poursuite des actes.
4. Lorsque la demande est incomplète, l'organisme d'assurance maladie indique au demandeur les pièces manquantes indispensables à l'instruction et fixe un délai pour leur réception. Le délai au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces requises.
Lorsqu'il y a urgence manifeste, le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dispense l'acte mais remplit néanmoins la demande d'accord préalable en portant la mention : « acte d'urgence ».
En ce qui concerne les actes de biologie médicale, la version 43 de la table nationale de biologie (TNB), mise à jour le 20 avril 2016, l’article 5 prévoit :
« Entente préalable :
L’organisme d’assurance maladie ne participe aux frais résultant de certains actes de biologie médicale que si le service médical a donné, préalablement, un avis favorable à leur prise en charge (sous réserve que l’assuré remplisse les conditions légales d’attribution des prestations).
Une « demande d’entente préalable » doit être faite sur un formulaire spécifique composé de trois zones :
- une zone à remplir par l’assuré qui concerne son identification
- une zone à remplir par le prescripteur :
- identification du prescripteur
- nature de l’acte prescrit
- motifs de l’acte et indications cliniques
- date, signature et cachet
3. une zone à remplir par le directeur de laboratoire qui doit effectuer l’acte, sous réserve des dispositions transitoires prévues à l’article 2 :
- identification du laboratoire
- numéro(s) de(s) l’acte(s)
- autorisation de pratiquer l’acte numéro : et/ou date
- date, signature et cachet.
Les deux dernières zones sont réservées au service médical de la caisse d’affiliation de l’assuré.
Les formulaires d’entente préalable sont établis sur des imprimés conformes aux modèles arrêtés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
L’assuré adresse ce formulaire au service médical de sa caisse après que le directeur de laboratoire eut rempli la partie le concernant.
La date d’envoi de ce formulaire est attestée par le cachet de la poste.
L’absence de réponse de l’organisme d’assurance maladie à l’assuré, dans les quinze jours, équivaut à un accord.
Lorsqu’il y a urgence médicale, précisée par le prescripteur sur la demande d’entente préalable, le directeur de laboratoire effectue l’acte, indique la mention « acte d’urgence » sur le formulaire et l’assuré l’adresse, dans le même temps, au service médical de sa caisse. »
3 - Preuve de l’envoi de la demande d’entente préalable :
Les difficultés en pratique concernent la preuve de l’envoi de la demande d’accord/entente préalable et la preuve de l’envoi de la décision de refus de prise en charge par la CPAM :
Jusqu’au 1er octobre 2016, l’article 1315 du code civil régissait la charge de la preuve en droit français par les dispositions ci-après : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ». Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du code civil, c’est l’article 1353 qui prévoit, à l’identique, à qui incombe la charge de la preuve.
En matière d’accord/entente préalable, c’est à la personne qui a adressé le formulaire de demande à la caisse d’assurance maladie d’établir la preuve de l’envoi, soit l’assuré social, soit le praticien.
Pour conserver une preuve de la date d’envoi, il faut donc expédier la demande par lettre recommandée. A défaut, le demandeur n’aura pas la preuve de la date d’envoi qui est mentionnée sur l’enveloppe adressée à la Caisse, si cette dernière prétend ne pas l’avoir reçue et ne la produit pas en cas de conflit.
Si le demandeur établit la date d’envoi, la charge de la preuve incombe à la Caisse qui prétendrait avoir refusé le traitement. C’est alors elle qui doit établir qu’elle a envoyé sa réponse dans les 15 jours, puisque l’absence de réponse vaut accord.
Quelques confirmations de ces principes généraux par la jurisprudence :
- arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 6, 12ème chambre, 19 janvier 2012, n° 09/11634 : PMA réalisée en Espagne, avec demande d’entente préalable auprès de la CPAM 94 : « La patiente ne rapporte pas la preuve que sa demande d’entente préalable qu’elle a datée du 1er mai 2008, qui est en France un jour férié chômé, serait effectivement parvenue à la caisse avant le 22 mai 2008 comme cette dernière le déclare ; la Cour, en l’absence de preuve contraire dont la charge incombe à l’assurée, retient cette date du jeudi 22 mai 2008. Il s’ensuit que les frais engagés pour le premier rendez-vous du 28 avril 2008 l’ont été bien antérieurement à la demande d’entente préalable et ne peuvent qu’être écartés. »
- arrêt de la Cour d’appel de Pau, chambre sociale, 27 sept. 2012, n° 10/00182 : PMA réalisée en Espagne, avec demande d’entente préalable auprès de la CPAM des Landes : « La CPAM ne produit pas la demande d’entente préalable aux débats afin de permettre à la juridiction de vérifier la date de la demande par rapport à la date de l’acte. « Mais de plus il n’est pas contesté que Mme HL a effectivement sollicité l’autorisation préalable de la Caisse, conformément aux dispositions de l’article R. 332-4 du CSS, la décision qu’elle a prise de ne pas attendre l’accord de l’organisme social l’exposant seulement à l’obligation d’en supporter le coût en cas de refus. »
- arrêt de la Cour d’appel d’Amiens, 5ème chambre sociale, 7 mai 2013, n° 12/03163 : PMA réalisée en République Tchèque, avec demande d’entente préalable auprès de la CPAM de Saint-Quentin :
« S’agissant des actes d’AMP, […], la CCAM prévoit qu’une demande d’entente préalable globale doit être déposée avant le début du traitement avec mention de la technique utilisée, si cette technique change le contrôle médical doit être informé.
L’absence de réponse dans les 15 jours vaut accord. […] Cette précision ne constitue pas un descriptif de la pratique clinique et biologique d’AMP qui sera réalisée.
Les éléments du dossier ne permettent pas de constater que Mme J. avait présenté, avant le refus de la prise en charge intervenu le 23 mars 2011, une demande d’entente préalable globale lui permettant de se prévaloir d’une autorisation réputée acquise.
Sa demande de prise en charge n’est pas fondée en l’absence de demande d’entente préalable globale telle qu’exigée pour mettre en œuvre une technique d’AMP. » - arrêt de la Cour d’appel d’Agen, chambre sociale, 4 octobre 2011, n° 10/02118 : PMA réalisée en Espagne, avec demande d’entente préalable auprès de la CPAM du Lot et Garonne : La Cour déboute la patiente qui a écrit une lettre à la CPAM en lui demandant quel serait le montant de la prise en charge : « Contrairement à l’analyse des premiers juges, ce courrier ne peut en rien être assimilé à une demande d’entente préalable mais à une simple demande d’information sur les droits de l’assurée ; »
- arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 11 avril 1996, n° 94/10468 : PMA réalisée en France, avec demande d’entente préalable auprès d’une CPAM pour une fécondation in vitro de 5ème rang, alors que la nomenclature ne prévoit que 4 tentatives. La Cour de cassation juge que la NABM ne prévoyant que la cotation de 4 tentatives successives de FIV, cela exclut pour l’assurée la prise en charge d’une 5ème tentative et rendait donc inopérante la demande d’entente préalable, peu importe dès lors que la CPAM ait refusé après l’expiration du délai de 15 jours.
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Il n’existe aucune jurisprudence publiée ayant tranché un litige entre les praticiens et le patient assuré, au regard des responsabilités des uns et des autres relativement à l’envoi effectif de la demande d’accord/entente préalable et à la réception d’un refus qui aurait été caché par celui qui l’a reçu. Cela n’est pas étonnant compte tenu du coût des procédures ; le problème se rencontre en pratique sans que les parties n’engagent une action judiciaire en raison du faible intérêt économique du litige.
Il apparaît que les praticiens intervenant en matière d’AMP auraient donc intérêt à faire signer au patient assuré social un document attestant qu’il a envoyé, en date du [à compléter], la demande d’accord/entente préalable à la CPAM, si l’un des médecins ne l’a pas lui-même expédiée et qu’il n’a reçu aucune réponse 16 jours plus tard, avant le commencement des actes médicaux et/ou de biologie, aucun refus exprès de prise en charge envoyé par la CPAM dans le même délai ou aucune demande d’éléments complémentaires.
Titulaires d’une telle attestation, le praticien pourra ainsi demander le paiement des actes au patient si, après l’accomplissement de ceux-ci, la CPAM, qui n’aurait jamais reçu de demande de prise en charge ou qui l’aurait expressément refusée dans le délai, refuse le règlement des honoraires aux médecin et biologiste qui auraient réalisé les actes sans avoir été informés du refus de prise en charge et qui n’auraient pas été réglés par le patient lui-même. Le praticien prescripteur informé du refus de prise en charge communiquera au biologiste cette information.
Si le patient est défaillant dans son obligation d’informer du refus de prise en charge par la CPAM les praticiens qui interviennent, sa responsabilité civile peut être mise en cause, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de droit commun : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (nouvel article 1240 du code civil), « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » (article 1241).
Comme souvent en matière de tarification et de paiement des honoraires, un peu de vigilance au bon moment peut éviter un contentieux ultérieur.