La ménopause correspond à l’arrêt définitif de la fonction ovarienne. Elle est définie rétroactivement par la dernière menstruation. Son diagnostic repose sur le rythme des cycles menstruels et demeure délicate pour les patientes ayant des cycles irréguliers, une hystérectomie ou utilisant une contraception hormonale. La classification STRAW+10 (Stages of Reproductive Aging Workshop +10) est une échelle reconnue au niveau international qui définit les stades de transition ménopausique en fonction des changements du cycle menstruel et, dans certains cas, des dosages hormonaux:
- le stade reproductif tardif marqué par des cycles réguliers mais certains changements dans la durée et/ou intensité des règles peuvent apparaitre
- le stade de périménopause précoce marqué par des cycles irréguliers (avec un décalage de plus de 7 jours par rapport à des cycles habituels)
- le stade de périménopause tardive avec cycles très espacés >60 jours voire aménorrhée
- la ménopause, confirmée après 12 mois consécutifs d’aménorrhée
- les stades de postménopause précoce et tardif
Les bouffées vasomotrices et autres symptômes ménopausiques ne font pas actuellement partie des critères diagnostiques, ce qui peut sous-estimer certaines transitions.
De nombreuses études montrent que les femmes au stade reproductif tardif peuvent déjà souffrir de symptômes similaires à ceux de la périménopause et de la postménopause, mais leur prévalence exacte reste mal étudiée.
L’objectif de l’étude présentée ici est d’examiner la prévalence et la gravité des symptômes liés à la ménopause selon les stades, du stade reproductif tardif à la postménopause tardive, ainsi que d’identifier les symptômes distinctifs du début de la transition ménopausique.
Pour cela, une étude transversale a été menée entre octobre 2023 et mars 2024, auprès de 8096 femmes âgées de 40 à 69 ans vivant en Australie.
Les participantes ont été recrutées via des panels nationaux représentatifs et ont rempli un questionnaire en ligne détaillé sur leurs antécédents médicaux et gynécologiques. Après application des critères d’exclusion (grossesse, allaitement, traitements hormonaux ou chirurgicaux et contraception hormonale), 5509 participantes ont été incluses dans l’analyse principale.
L’étude visait à comparer la prévalence et la gravité des symptômes ménopausiques entre les différents stades de la transition ménopausique. Ces derniers ont été déterminés selon les critères STRAW+10, en se basant sur les changements de cycle menstruel. Les symptômes et leur gravité ont été évalués via le questionnaire validé MENQOL (Menopause-Specific Quality of Life Questionnaire), qui couvre 29 items dans quatre domaines : vasomoteur, physique, psychosocial et sexuel sur les quatre semaines précédentes. Les variables sociodémographiques : âge, indice de masse corporelle (IMC), niveau d’éducation, statut de tabagisme et statut hormonal (traitements, contraception, etc.) ont également été pris en compte.
Les analyses statistiques ont utilisé des modèles de régression binomiale pour estimer les ratios de prévalence ajustés (PRa) entre les différents stades.
L’échantillon final était globalement représentatif des femmes australiennes de 40 à 69 ans, avec une surreprésentation de femmes d’ascendance européenne et diplômées, et une légère sous-représentation des fumeuses.
La prévalence des symptômes était examinée avec ajustement pour les variables sociodémographiques (âge, IMC, lieu de résidence, ethnie, éducation, statut relationnel, statut tabagique et consommation d’alcool).
La prévalence de symptômes modérés à sévères variait selon le stade ménopausique :
- les symptômes vasomoteurs étaient les plus marqués, allant de 7,8 % en préménopause à 74,9 % en postménopause tardive. En effet, la prévalence des bouffées de chaleur augmentait significativement entre la préménopause et la périménopause (8,8 % en préménopause, 37,3 % en périménopause tardive et 30,5% en postménopause) avec une PRa à 4,74 (IC 95 % : 3,64–6,19). Les sueurs nocturnes présentaient également une PRa à 4,12 (IC 95 % : 3,19–5,34).
- la perte de désir sexuel et la sécheresse vaginale étaient également fréquentes, apparaissant dès la périménopause et persistant après la ménopause avec une PRa = 2,54 (IC 95 % : 1,78–3,61) pour la sécheresse vaginale, en faisant le symptôme le plus discriminant de la préménopause.
- les symptômes physiques, notamment le gain de poids, étaient les plus élevés à la périménopause tardive (80,2 %),
- tandis que les symptômes psychologiques (tristesse, faible estime de soi, troubles de la mémoire) variaient moins selon le stade, sauf chez les femmes ayant subi une ovariectomie ou hystérectomie, qui rapportaient davantage de symptômes vasomoteurs.
Les analyses ajustées ont montré que la prévalence relative des symptômes modérés à sévères augmentait avec l’avancée vers la postménopause, tandis que les femmes ayant subi une hystérectomie présentaient la prévalence la plus faible. Globalement, ces résultats identifient les symptômes clés qui affectent le plus la qualité de vie à chaque stade de la transition ménopausique, en particulier les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale et la baisse de désir sexuel.
L’étude AMY a donc permis d’identifier les symptômes vasomoteurs modérés à sévères et la sécheresse vaginale comme les caractéristiques les plus distinctives de la périménopause, étant 2 à 2,5 fois plus fréquents que pendant la préménopause.
Les autres symptômes (troubles du sommeil, humeur, douleurs articulaires, baisse de libido) sont fréquents, mais moins discriminants pour différencier les stades ménopausiques.
Cependant, les femmes au stade reproductif tardif, présentant des changements des règles et des symptômes vasomoteurs, sont actuellement classées comme préménopausées par STRAW+10, mais elles présentent un profil symptomatique similaire à la périménopause, suggérant que le système de classification sous-estime la transition ménopausique précoce et peut conduire à un retard de diagnostic.
L’étude souligne que l’apparition précoce de symptômes vasomoteurs devrait être considérée comme un indicateur clinique clé de la périménopause, plutôt que d’attendre des changements menstruels. Environ 40 % des femmes en périménopause non traitées présentent des symptômes vasomoteurs modérés à sévères, affectant significativement la qualité de vie.
L’hormonothérapie reste le traitement le plus efficace pour ces symptômes, y compris pour les troubles du sommeil et la faible estime de soi, qui sont souvent sous-reconnus. Les auteurs suggèrent donc d'intégrer les symptômes vasomoteurs dans les critères diagnostiques précoces et appellent donc à un accès plus large au traitement hormonal pour les femmes symptomatiques, même avant la ménopause.
La mise en d’un traitement hormonal de ménopause, s’il était proposé avant la ménopause confirmée, impose des règles strictes de prescription et une surveillance accrue afin d’éviter tout risque lié à une hyperoestrogénie. Une prise en charge est néanmoins essentielle dès lors que des symptômes existent et des mesures non hormonales non médicamenteuses sont sûrement à privilégier dans un premier temps.
Islam, R. M., Bond, M., Ghalebeigi, A., Wang, Y., Walker-Bone, K., & Davis, S. R. (2025).Prevalence and severity of symptoms across the menopause transition: cross-sectional findings from the Australian Women’s Midlife Years (AMY) Study.The Lancet Diabetes & Endocrinology, 13(9), 765–776.DOI: 10.1016/S2213-8587(25)00138-X