PMA et Travail : un chemin semé d’obstacles invisibles

La Procréation Médicalement Assistée (PMA) est un parcours souvent long, émotionnellement chargé et médicalement exigeant. Derrière les termes techniques et les protocoles se cachent des histoires personnelles, des espoirs fragiles, mais aussi des réalités sociales encore trop peu visibilisées. L’une de ces réalités concerne la difficulté à concilier un parcours de PMA avec une activité professionnelle à plein temps.

 

Une démarche médicale exigeante, peu compatible avec les contraintes professionnelles

La PMA, qu’il s’agisse d’une insémination artificielle, d’une FIV (fécondation in vitro) ou d’un don de gamètes, impose une série d’étapes incontournables : bilans médicaux, examens hormonaux, échographies, injections quotidiennes, suivis psychologiques. Ces étapes ne se programment pas librement : elles dépendent du cycle menstruel, des résultats biologiques, de la disponibilité des équipes médicales, et souvent, des imprévus.

Pour les patientes et leurs partenaires, cela signifie des rendez-vous fréquents, parfois organisés en urgence ou décalés à la dernière minute. Très souvent, les plages horaires proposées sont tôt le matin ou en milieu de journée, ce qui oblige à s’absenter régulièrement du travail — parfois pour quelques heures, parfois pour plusieurs jours.

Or, dans le cadre professionnel, toutes les entreprises ne permettent pas une telle flexibilité. Certains secteurs, comme l’enseignement, la santé ou la logistique, laissent peu de place aux absences ponctuelles. Dans d’autres cas, les absences répétées sont mal perçues, surtout lorsqu’elles ne sont pas justifiées ouvertement.

 

La charge mentale : un deuxième emploi à temps partiel

Les personnes engagées dans un parcours de PMA parlent souvent d’un «deuxième emploi à temps partiel». Au-delà du temps passé en rendez-vous, il y a le temps passé à organiser, anticiper, s’informer, gérer les effets secondaires des traitements et vivre avec l’incertitude permanente du résultat.

Cette charge mentale se heurte au rythme du monde du travail, souvent peu attentif à la dimension émotionnelle du soin. Les baisses de concentration, la fatigue physique et morale, l’anxiété ou les insomnies liées à l’échec ou à la peur de l’échec ne sont généralement pas reconnues comme des raisons légitimes d’un moindre investissement professionnel temporaire.

Le choix du silence : entre pudeur, peur du jugement et protection de sa carrière

Parler de PMA au travail reste un tabou pour de nombreuses personnes. Certaines choisissent le silence par pudeur ou par volonté de préserver leur vie privée. D’autres le font par peur du regard des collègues ou de la hiérarchie. En effet, la parentalité en entreprise reste un sujet sensible et la PMA, perçue à tort comme un "choix personnel", suscite parfois des réactions stigmatisantes.

Le manque de compréhension ou d’information sur ce que représente réellement une PMA contribue à isoler les patientes. Il n’est pas rare que certaines collègues fassent des remarques maladroites, voire blessantes, sans comprendre les enjeux du parcours. De plus, les femmes, souvent principales concernées par les actes médicaux, redoutent que ce projet de maternité "annoncé" ne freine leur évolution de carrière.

 

Un cadre juridique flou et des pratiques inégalitaires

En France, les absences nécessaires doivent être justifiées par des arrêts maladie ou des congés personnels. Si certains accords collectifs ou entreprises permettent des aménagements, la réalité est très inégale selon les secteurs et les employeurs.

Des initiatives émergent également. Certaines grandes entreprises, inspirées des pratiques anglo-saxonnes, intègrent désormais la PMA dans leurs politiques de santé au travail. Elles prévoient :

  • des absences autorisées sans perte de salaire pour les rendez-vous médicaux,
  • des dispositifs de soutien psychologique,
  • ou encore des formations pour les managers sur le respect de la vie privée et l’écoute active.

Mais ces pratiques restent exceptionnelles. La majorité des patients se sentent livrés à eux-mêmes, contraints de cacher leur situation ou de s’absenter en secret, au risque d’alimenter un mal-être professionnel durable.

 

Pour une meilleure prise en compte de la PMA dans le monde du travail

Le parcours de PMA mérite d’être reconnu pour ce qu’il est : un processus médical lourd et parfois long, qui a des répercussions sur tous les aspects de la vie, y compris au travail. Il est essentiel que les employeurs, les RH et les collègues prennent conscience de cette réalité.

Le 5 mai dernier l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une loi porté par la députée Prisca Thévenot concernant la protection des hommes et des femmes lors des parcours dans un parcours de désir d’enfant (PMA et adoption).

Elle permettra de renforcer la loi de 2016 portant sur les absences autorisées lors d’un parcours de PMA et de protéger aussi bien les hommes que les femmes. C’est un premier pas mais non des moindres pour soulager les patients. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire.

La mise en place de politiques internes favorables (congés spécifiques, flexibilité horaire, droit au silence ou à la parole selon le choix de l’individu, protection contre les discriminations) permettrait de soutenir les salariés concernés, sans remettre en cause la performance ou l’efficacité de l’organisation.

Reconnaître la PMA comme une dimension légitime de la vie des salariés, c’est faire preuve d’humanité et de responsabilité sociale. C’est aussi, plus largement, avancer vers un monde du travail inclusif, où chaque parcours de vie peut coexister avec un engagement professionnel, sans honte, sans crainte et sans épuisement.

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