Score calcique et scanner coronaire : quel rôle dans la prévention du risque cardiovasculaire chez la femme ?

INTRODUCTION

Contrairement aux idées reçues, les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité féminine en France, et l’on compte davantage de décès d’origine cardiovasculaire chez les femmes que chez les hommes. Plus de la moitié de ces décès sont liés à une pathologie coronaire, laquelle est retardée de 10 à 15 ans chez la femme par rapport à ce que l’on constate chez l’homme. Peut-être pour cette raison le risque cardiovasculaire a été longtemps négligé voire ignoré par les femmes elles-mêmes aussi bien que par la communauté soignante.

L’avènement du scanner coronaire et du score calcique il y a un peu plus de 20 ans constitue une avancée majeure à cet égard, dans la mesure où cette modalité d’imagerie permet de déterminer le risque cardiovasculaire individuel avec une précision jusque-là inconnue.

 

LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE CHEZ LA FEMME 

En 2025, la problématique du risque cardiovasculaire chez la femme peut être schématisée comme suit :

  1. Le tabagisme reste une préoccupation réelle chez la femme jeune et ce d’autant qu’elle appartient à un milieu socialement défavorisé. En France, le cancer du poumon est désormais plus léthal que le cancer du sein. Dépister un athérome coronaire précoce au moyen d’un « score calcique » chez une femme de 40 ans tabagique fait du sens.
  2. La ménopause constitue un pivot en termes de risque cardiovasculaire, entre autres parce que la protection hormonale vis-à-vis de l’athérome coronaire disparait alors. Les modifications du poids et de la masse grasse font qu’au même âge, l’obésité, le diabète de type II, l’hypertension artérielle et les troubles du métabolisme lipidique sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes. Plusieurs travaux récents indiquent que l’HTS par voie orale augmente le risque d’AVC et de thrombose veineuse ; une HTS commencée dans les 10 ans suivant la ménopause a un effet favorable sur la mortalité toutes causes par rapport à un traitement débuté plus tardivement, mais cela n’indique pas que l’HTS a une action favorable par rapport à un placebo. Or, le fait demeure que l’HTS constitue une solution efficace pour de nombreux inconvénients liés à la ménopause, ostéoporose, symptômes vasomoteurs ou troubles du sommeil. Dans ces conditions, une évaluation aussi précise que possible du risque cardiovasculaire individuel apparait comme une nécessité.
  3. A partir de 65-70 ans, la prévalence des maladies cardiovasculaires augmente fortement chez la femme et justifie un suivi régulier, ce d’autant que les symptômes sont fréquemment discrets voire trompeurs.

 

LES MALADIES CARDIOVASCULAIRES SONT VECUES DIFFEREMMENT PAR LES FEMMES

La perception du risque cardiovasculaire est différente chez les femmes. Alors que ce risque peut confiner à l’obsession chez certains hommes, il est souvent considéré comme étant secondaire par les femmes, qui se sentent d’avantage menacées par le cancer du sein par exemple. De surcroit, les symptômes sont volontiers différents chez la femme, oppression plus que véritable douleur thoracique, dyspnée voire simple fatigue. L’ensemble de ces différences conduit à une prise en charge fréquemment retardée voire inadéquate avec, au final par rapport aux hommes, un pronostic plus péjoratif pour un niveau d’atteinte comparable. Une autre différence notable est la grande discrétion de la présence féminine dans les études et travaux scientifiques portant sur les maladies cardiovasculaires, tendance qui va en s’améliorant il est vrai.

 

LE RÔLE DU SCORE CALCIQUE ET DU SCANNER CORONAIRE

Les premiers « scanners du cœur » ont été réalisés il y a un peu plus de 20 ans, grâce notamment à l’apparition des technologies dites « multibarrettes » permettant l’acquisition du volume cardiaque dans le temps d’une apnée.

LE SCORE CALCIQUE

Le « score calcique » est un scanner du cœur qui ne nécessite ni voie veineuse ni injection de produit de contraste. Il permet de reconstruire des images à partir desquelles on peut identifier la présence d’éventuelles plaques athéromateuses calcifiées sur les artères coronaires. Un logiciel spécifique calcule le volume et la densité de chaque plaque, pour aboutir à un chiffre global, le score calcique coronaire, reflet de l’étendue des lésions athéromateuses calcifiées.
En fait, le score calcique est bien corrélé à l’étendue des lésions d’athérome coronaire totale, y compris lésions non-calcifiées. C’est cette caractéristique qui explique l’étonnante valeur prédictive du score calcique, démontrée par de nombreux travaux publiés au cours des 20 dernières années et portant sur des dizaines de milliers de sujets.
Les sujets asymptomatiques dont le score calcique est égal à zéro ont un risque particulièrement faible, de l’ordre de 1 pour 1000 par an. Ensuite, le risque croit avec le score, de sorte que les sujets dont le score est supérieur à 1000 ont un risque annuel qui peut dépasser 3%, soit plus de 30% à horizon 10 ans. La valeur prédictive du score calcique est la même chez les femmes et chez les hommes.

A qui s’adresse le score calcique ?

Un score calcique peut être prescrit aux femmes de 60 ans et plus s’il existe des facteurs de risque ou une situation particulière : discussion d’hormonothérapie substitutive, bilan pré-opératoire, antécédent de cancer…  Etant donné sa simplicité et son innocuité, on pourrait considérer que le score calcique est l’équivalent d’une « mammographie du cœur ».

Que faire avec les résultats d’un score calcique ?

Si le score est égal à zéro, le risque est très faible, de sorte qu’il sera difficile de le rendre encore plus faible quel que soit la méthode utilisée.

Jusqu’à 100, le risque reste très faible et il n’y a pas de préconisation spécifique, sauf chez une femme jeune - moins de 60 ans – chez qui un score non nul signale la présence d’un athérome (coronaire) précoce justifiant une attention particulière, la recherche d’un ou de plusieurs facteurs étiologiques spécifiques (tabagisme, dyslipémie familiale…) et la mise en place de mesures appropriées. Un score calcique à 60 chez une femme de 45 ans est associé à un risque plus élevé que le même score chez une femme de 75 ans.

Entre 100 et 300, on est en présence d’un athérome coronaire d’étendue modérée justifiant une prise en charge stricte des facteurs de risque (HTA, diabète, dyslipémie…) par les mesures hygiéno-diététiques et pharmacologiques adaptées. Notamment, l’efficacité des statines sur la probabilité de survenue d’un événement cardiovasculaire est démontrée au-delà d’un score calcique égal à 100.

A partir de 300, la probabilité d’ischémie myocardique n’est plus négligeable et le recours à un test d’ischémie est recommandé : écho ou IRM de stress, scintigraphie myocardique ou PET-scanner. Les sujets dont le score est > 300 ont un risque statistique comparable à celui d’une population ayant un antécédent cardiovasculaire type AVC, infarctus, angor instable, stent ou pontage pour laquelle des mesures dites de « prévention secondaire » sont préconisées, lesquelles mesures sont plus drastiques que celles retenues en « prévention primaire », c’est-à-dire pour les sujets asymptomatiques sans antécédent cardiovasculaire.

Le score calcique s’impose donc comme un critère d’évaluation difficilement contournable du risque cardiovasculaire. Il contribue à guider les modalités de prise en charge des facteurs de risque et le recours éventuel à d’autres explorations. Parallèlement, il constitue une aide à l’élaboration de stratégies de prescription d’une HTS.

 

LE SCANNER CORONAIRE

Le scanner coronaire est un examen réalisé après injection intra-veineuse de produit de contraste chez une patiente dont la fréquence cardiaque idéalement ne doit pas dépasser 60/mn au moment de l’acquisition, ce qui est en règle générale obtenu par l’administration d’un béta-bloquant. Les recommandations internationales préconisent de réserver le scanner coronaire aux sujets SYMPTOMATIQUES, c’est-à-dire décrivant une douleur thoracique, une dyspnée ou d’autres symptômes thoraciques moins spécifiques.

3 situations peuvent se présenter après réalisation d’un scanner coronaire :

  • Le scanner est normal ou sub-normal, c’est-à-dire qu’il ne met en évidence que de modestes lésions d’athérome, peu étendues et « non-significatives », ne pouvant donc pas expliquer les symptômes décrits par la patiente.
  • Il existe une ou plusieurs sténoses « significatives » c’est-à-dire > 70%, s’inscrivant en règle générale au sein d’un athérome calcifié étendu, justifiant un avis spécialisé pour décider de la suite à donner.
  • Le scanner met en évidence une ou plusieurs lésions « intermédiaires », comprises entre 50 et 70%. Cette situation n’est pas exceptionnelle, dans la mesure où, dans une artère coronaire de 2mm de diamètre, la différence entre une sténose de 50 et de 70% est égale à 0,4mm, un écart qui n’est appréciable par aucune rétine humaine ni aucun système électronique. Là encore, un avis spécialisé sera utile pour décider, en général, la réalisation d’un test d’ischémie.

 

LE FUTUR : UNE SERIE D’INFORMATIONS BOOSTÉES PAR L’IA

Dans ce domaine comme dans d’autres, l’IA va transformer les choses.

S’agissant du score calcique, différentes avancées sont attendues à court et moyen terme :

  • L’amélioration et l’automatisation du calcul du score calcique, avec prise en compte du nombre, de la topographie et de la densité des plaques athéromateuses
  • Le calcul systématique du score calcique de l’aorte thoracique – prédicteur du risque de mortalité et du risque d’AVC surtout chez la femme
  • Le calcul automatisé du volume des différentes cavités cardiaques, prédicteur du risque d’insuffisance cardiaque, avec une mention particulière pour le volume de l’oreillette gauche, prédicteur du risque d’arythmie complète par fibrillation auriculaire, elle-même prédicteur du risque d’AVC.
  • Enfin citons le calcul de la densité osseuse, réalisé sur les corps vertébraux de 3 vertèbres thoraciques contiguës, prédicteur du risque de fracture vertébrale mais aussi du col fémoral.

Pour ce qui concerne le scanner coronaire, plusieurs innovations sont déjà disponibles ou le seront à court/moyen terme :

  • La FFR/CT, logiciel d’analyse de la sévérité hémodynamique des sténoses ; les patients dont la FFR est inférieure à 0,8 tirent bénéfice d’une revascularisation.
  • L’analyse de la graisse péri- coronaire, reflet du statut inflammatoire des sténoses et puissant prédicteur du risque d’événement coronaire
  • La quantification du volume de l’athérome coronaire total, permettant un « état des lieux » précis et notamment le distinguo entre athérome fibro-lipidique et calcifié, une quantification du volume de l’athérome relativement au volume de la coronaire, probablement le meilleur prédicteur du risque connu à date, et l’évaluation de la réponse de cet athérome aux mesures préventives mises en œuvre : hygiène alimentaire, activité physique, ou traitements pharmacologiques.

 


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Pédiatrie