Loi de bioéthique : les changements de la loi vont-ils dans le sens des patients ?

En août dernier la loi de bioéthique a été révisée et votée. Jusqu'à présent, seuls les couples hétérosexuels pouvaient bénéficier des traitements de Procréation Médicalement Assistée. Cette loi a été élargie à l'ensemble des femmes françaises, permettant ainsi au plus grand nombre de donner la vie, quelle que soit leur situation. Mais cette mesure phare a quelque peu minimisé les autres sujets plus médicaux et moins sociétaux de cette loi. Nous allons faire un point sur les modifications de cette loi concernant la PMA et faire un zoom sur le ressenti des patients face à ces évolutions.

LA PMA POUR TOUTES....OU PRESQUE !

Le droit à la procréation médicalement assistée a été élargi véritablement à toutes les femmes : qu'elles soient en couple hétérosexuel, homosexuel, ou célibataires. Notion importante à noter, il ne faut plus aujourd'hui justifier d'un critère médical d'infertilité pour avoir recours à un traitement médical !

Quelques mois après la promulgation de cette loi où en sommes-nous ? La DGS (Direction Générale de la Santé) annonce qu'entre le 2 août et le 15 octobre 2021, 2 487 demandes de premières consultations ont été enregistrées dans les centres de don en vue d'une PMA avec don de sperme. Parmi ces demandes 1 171 d'entre elles ont été faites par des couples de femmes et 1 316 par des femmes seules. Parmi ces 2 487 demandes, seul un quart d'entre elles (665 précisément) avait débouché sur des consultations : 352 couples de femmes et 313 femmes non mariées. (chiffres de la DGS).

Petit bémol donc, car ces femmes en attente depuis plusieurs années d’une prise en charge en France, voient des délais d'attente suffisamment longs pour qu'elles préfèrent continuer à se rendre à l'étranger, pour celles qui le peuvent se le permettre financièrement. Ces délais d'attente, 12 mois et jusqu'à 20 mois, existaient déjà avant la promulgation de la loi. Mais malheureusement cela ne permet pas un accès rapide à des femmes qui parfois sont également en limite d’âge pour bénéficier d'une PMA.

43 ANS .... LA LIMITE FINALE !

En effet, la loi a modifié un paramètre plus qu'essentiel... l'âge de fin de parcours ! Avant cette nouvelle loi, le seuil de prise en charge par la sécurité sociale était également à 43 ans. Mais il était toujours possible de bénéficier d'un traitement dans un centre qui acceptait le dossier des patientes après cet âge, en fonction du dossier médical et des chances de réussite. Il est désormais interdit de prendre en charge des femmes après 43 ans, quelles que soient leurs chances de réussite ! Les transferts d'embryons sont quant à eux possibles jusqu'aux 45 ans de la femme.

La pression que suscite cette évolution est très forte. L'âge est une épée de Damoclès au-dessus de la tête des femmes. Elles ont bien conscience des chances minimes de réussite après un certain âge, mais cette pression d'un seuil irrévocable et définitif peut mettre un point final à un projet de bébé. La sanction est forte pour ces couples qui pour certains ont débuté tardivement un parcours de PMA et qui voient leurs chances s'amoindrir. Coté hommes, la loi a pour la première fois également une limite d'âge pour l'utilisation de ses gamètes, qui est aujourd'hui fixé à 60 ans.

Il est toutefois autorisé de faire des inséminations jusqu'à 45 ans. Cette possibilité, bien qu’elle offre malgré tout des chances, laisse un sentiment d'inabouti pour les femmes à qui cette méthode n'est pas utile, notamment dans des cas d'infertilité masculine.

Encore une fois cette limite ferme et définitive pousse certaines patientes à grossir les rangs de celles qui se rendent à l'étranger. Notons que la possibilité de bénéficier d'un diagnostic pré-implantatoire pour aneuploïdie (DPI-a) a été rejetée et vient également conforter ces couples à sauter le pas.

LA PRÉSERVATION OVOCYTAIRE ENFIN AUTORISÉE

Enfin, dernier point à souligner, la préservation ovocytaire est quant à elle autorisée depuis cette loi. Elle est possible sans critère médical, permettant ainsi à des femmes de préserver leur fertilité. Ce prélèvement qui peut se faire entre 29 et 37 ans est une avancée sociétale qui était très attendue par les femmes. Cela leur offre une respiration supplémentaire et leur ôtant un poids concernant cette future envie de maternité. De surcroît, il peut également permettre, si la réserve ovarienne est moins bonne, de donner des chances supplémentaires aux femmes avant d'avoir recours à un don d'ovocyte, ce qui pour certaines est un choix traumatisant ou en inadéquation avec leurs envies. Notons, que les critères d'âge sans prise en compte de l'aspect médical peuvent être limitatifs, notamment pour les femmes en insuffisance ovarienne, qui pour certaines voient leurs réserves déjà très minces à 29 ans, perdant ainsi des chances de pouvoir préserver un maximum d'ovocytes. Il aurait été peut-être plus juste de prendre en compte les aspects médicaux afin de ne pas pénaliser celles pour qui l'urgence de préservation est plus précoce.

UN BILAN MITIGÉ

Malgré une avancée sociétale majeure, comme l'ouverture de la PMA pour toutes, qui n'est finalement qu'une régularisation de ce qui se passe depuis de nombreuses années dans nos cabinets et permet une égalité et une simplification de prise en charge ; il est triste de constater que pour les aspects plus médicaux de cette loi de PMA, les choses ont peu ou pas évolué sinon dans le mauvais sens.

Donner des limites d'âge, OUI, car cela permet également de limiter les essais sans fins et permet psychologiquement de conscientiser la fin d'un parcours. Mais, encore une fois, n'est-il pas discriminant de ne pas regarder de manière plus large en incluant les aspects médicaux qui, d'un individu à un autre, peuvent être différents ?

Le rejet du DPI-a (diagnostic pré-implantatoire pour aneuploïdie) n'aurait-il pas été bénéfique pour donner des réponses concrètes à des couples en souffrance ? N'aurait-il pas permis de limiter les échecs physiques et psychiques ? N’éviterait-il pas des essais infructueux et inutiles qui épuisent ? 

De nombreux patients décident de partir faire leur traitement à l'étranger pour bénéficier de techniques plus ouvertes en ayant l'impression d'y trouver des réponses. C'est assez dommage de “pousser” ces hommes et ces femmes hors du territoire, dans un projet qui nécessite tant d'être sécurisé, épaulé et entouré. Il faut maintenant attendre 7 ans pour une nouvelle révision de la loi, mais que de temps perdu pour la science et les patients ! 

 
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