Utilisation de la corticothérapie prénatale et de la tocolyse en cas d’accouchement prématuré dans 29 pays : enquête mondiale de l’OMS sur la santé maternelle et néonatale

Vogel JP, Souza JP, Gulmezoglu AM et al., for the WHO Multi-country Survey on Maternal and Newborn Health research Network.
Use of antenatal corticosteroids and tocolytic drugs in preterm births in 29 countries : an analysis of the WHO Multi-country Survey on Maternal and Newborn Health.
Lancet 2014 ; published online Aug 13.

 

La prématurité est une cause majeure de mortalité périnatale et de handicap et constitue un problème important de santé publique dans le monde. Elle est plus fréquente dans les pays aux conditions socio-économiques défavorisées (1). Plus de 60 % des accouchements prématurés surviennent en Afrique et en Asie. L’utilisation de la corticothérapie prénatale et de tocolytiques a considérablement réduit les conséquences délétères de la prématurité. Cependant, le débat sur l’utilisation de la corticothérapie prénatale dans les pays à bas revenus et revenus intermédiaires  est toujours d’actualité  40 ans après la publication princeps de Liggins et Howie (2).

Cet article  de Vogel et al., paru dans le Lancet, fait état de l’utilisation conjointe de tocolytiques et de corticothérapie dans ces pays, s’appuyant sur des données de l’OMS (WHOMCS). WHOMCS est une base de données qui recense 359 hôpitaux dans 29 pays différents (Afrique, Asie, Amérique Latine et Moyen Orient) ; les données ont été collectées entre le 1er mai 2010 et le 31 mai 2011. Plus de 300 000 accouchements ont été recensés après  22 SA. Le taux de naissance prématurée était de l’ordre de 6 %, ce qui était faible, comparé au taux de 11 %, retrouvé dans l’étude de Blencowe (3). Cela était principalement dû à des erreurs d’estimation de l’âge gestationnel et à de nombreux biais de sélection.

Sur ces 300 000 patientes, 17 705 (6 %) ont accouché prématurément dont 7 547 entre 26 et 34 SA. 52 % de ces patientes (n=3900) ont bénéficié d’une corticothérapie prénatale entre 26 et 34 SA. Le taux d’utilisation de la corticothérapie variait de 16 à 91 % entre les pays (médiane 54 %, range 16-91 % ; IQR 30-68 %). Sur les 4 677 patientes éligibles à une tocolyse entre 26 et 34 SA, 27 % (n=1 276) étaient traitées par un repos au lit associé à une hydratation et 48 % (n=2 248) n’avaient reçu aucun traitement. Seulement 18 % (n=848) des patientes avaient bénéficié d’une tocolyse et d’une corticothérapie associées.

Les tocolytiques les plus utilisés étaient les Beta2 mimétiques et les inhibiteurs calciques. On constate donc une sous-utilisation de la corticothérapie prénatale et de la tocolyse chez les patientes qui auraient dû en bénéficier. La plupart des patientes éligibles ne reçoivent pas de corticothérapie prénatale dans de nombreux pays. Les pays à faible revenu comme l’Afghanistan, le Népal, le Congo et le Niger ont un taux de mortalité néonatale très élevé due à une utilisation très faible des corticoïdes (4). Cela était probablement dû à une mauvaise identification des femmes à risque d’accouchement prématuré. Aussi, près d’un quart des patientes qui accouchent entre 35 et 36 SA bénéficient d’une corticothérapie anténatale en dépit du fait que le bénéfice en terme de morbi-mortalité à ce terme là est controversé (5).

La revue la plus récente de la COCHRANE concernant l’utilisation de la corticothérapie prénatale date de 2006 ; elle a regroupé 21 études randomisées contrôlées concernant 3885 femmes et 4269 nouveaux nés. L’utilisation de corticothérapie prénatale chez les patientes à risque d’accouchement prématuré, était associée à une diminution de la morbi-mortalité néonatale.

On notait une : (6)

  • réduction de 34 % du risque de SDR (OR=0.66, IC 95 % : 0.59-0.73)
  • réduction de plus de 50 % du risque d’entérocolite ulcéronécrosante (OR=0.46, IC95 % : 0.29-0.74)
  • réduction de 30 % du risque de mortalité (OR=0.69, IC95 % : 0.58-0.81)

Concernant la menace d’accouchement prématuré, un tiers des patientes de cette étude bénéficient d’un traitement inapproprié. En effet, aucune étude n’a montré l’efficacité du repos au lit associé à l’hydratation (7) (8).

Parmi les tocolytiques utilisés, les inhibiteurs calciques sont moins chers et plus simples à administrer ; ils constituent le seul tocolytique recommandé dans la liste des médicaments de l’OMS. Les B2 mimétiques ont, quant à eux, des effets secondaires plus élevés (dyspnée, douleur thoracique, céphalées..). En cas de menace d’accouchement prématuré, les patientes doivent recevoir une tocolyse associée à une corticothérapie prénatale. Hors, 42 % des patientes n’ont rien reçu et 15 % ont bénéficié de la combinaison des deux traitements. Il s’agit d’une étude sur la morbi-mortalité maternelle et périnatale ou l’accouchement prématuré n’est pas le critère d’analyse principal. On peut citer également d’autres biais comme : une mauvais estimation du terme, des contraintes économiques, certains traitements non recensés, la dose et  la fréquence de corticoïdes non mentionnées.

L’administration de corticoïdes chez la femme présentant un risque d’accouchement prématuré entraine une réduction considérable des risques de complications liées à la prématurité tels que le syndrome de détresse respiratoire, l’hémorragie intraventriculaire et le décès périnatal. Les effets bénéfiques ont été observés lorsque le traitement était commencé entre 26 et 35 SA. L’administration prénatale de corticoïdes permet d’accélérer la maturation pulmonaire fœtale chez les femmes présentant un risque d’accouchement prématuré.

La mise en œuvre de ce traitement, peu onéreux, est réalisable dans les pays au conditions socio-économiques défavorisées, avec un manque d’accès aux soins, à condition que les femmes à risque d’accouchement prématuré soient identifiées et informées de la nécessité de consulter dès les premiers signes de menace d’accouchement prématuré (contractions utérines prématurées), rupture prématurée des membranes ou de symptômes de préeclampsie.

 

Pour en savoir plus :

(1)Saigal S, Doyle LW. An overview of mortality and sequelae of preterm birth from infancy to adulthood. The Lancet 2007 ; 371 : 261-9

(2)Liggins GC, Howie RN. A controlled trial of antepartum glucocorticoid treatment for prévention of the respiratory distress syndrome in prématuré infants. Pediatrics 1972 ; 50 : 515-25

(3)Blencowe H, Cousens S, Oestergaard M, et al. National, régional and worldwide estimates of preterm birth rates in the year 2010 with time trends for selected countries since 1990 : a systematic analysis and implications. Lancet 2012 ; 379 : 2162-72

(4)Requejo J, Bryce J, Victora C. Countdown to 2015 : building a future for women and children. Washington DC : WHO and UNICEF, 2012.

(5)Roberts D, Dalziel S. Antenatal corticosteroids for accelerating fetal lung maturation for women at risk of preterm birth. Cochrane Database Syst rev 2006 ; 3 : CD04454

(6)Roberts D, Dalziel S. Antenatal corticosteroids for accelerating fetal lung maturation for women at risk of preterm birth. Cochrane Database Syst rev 2006 ; 3 : CD04454

(7)Sosa C, Althabe F, belizan J, bergel E. Bed rest in singleton pregnancies for preventing preterm birth. Cochrane Database Syst Rev 2003 ; 1 : CD003581

(8)Stan C, Boulvain M, Pfister R, Hirsbrunner-Amagbaly P. Hydration for treatment of preterm labor. Cohrane Dtabase Syst rev 2013 ; 11 : CD003096

 
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