Nouvelles approches de réanimations néonatales en salle de naissance et l’impact sur l’asphyxie périnatale

Auteurs
INTRODUCTION
 
L’asphyxie périnatale représente le quart des décès néonataux dans le monde ; 5% à 10% des nouveau-nés requièrent une assistance à la naissance, seulement 1% des enfants nécessitent des manœuvres de réanimation poussées à la naissance. 
Lors d’une asphyxie périnatale, les mesures de réanimation doivent être précoces dès les premières minutes de vie et efficaces afin de prévenir les lésions ischémiques irréversibles   responsables d’infirmité motrice.
La majorité des enfants nés dans un contexte d’asphyxie périnatale nécessiteront une ventilation efficace pour restaurer la respiration et améliorer l’état hémodynamique. Cependant une faible proportion de ces nouveau-nés nécessitera des procédures plus poussées tels que le massage cardiaque externe « MCE » et l’administration d’adrénaline.
Les procédures de ressuscitation en salle de naissance sont révisées et validées tous les 5 ans par les sociétés savantes internationales basées sur des études expérimentales, elles insistent sur l’importance des premières minutes de vie extra-utérine déterminantes du devenir néonatal.
Dans cet article les auteurs font état des connaissances actuelles sur la réponse physiologique à l’asphyxie et des nouvelles approches de réanimation.
 
 
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ASPHYXIE PÉRINATALE
 
L’asphyxie périnatale est la résultante d’une hypoxie, hypercapnie et la combinaison entre acidose métabolique et respiratoire induite par réduction de l’échange gazeux respiratoire. Les causes sont multiples ; interruption du flux sanguin placentaire, compression du cordon ombilical, travail prolongé et mauvaise adaptation à la naissance.
Les connaissances actuelles concernant la réponse cardio-respiratoire à l’asphyxie périnatale sont issues de l’expérimentation animale. Contrairement à l’adulte dont la réponse à l’hypoxie se traduit par une tachycardie et une augmentation du travail respiratoire, la réponse néonatale à l’asphyxie se traduit par une apnée et une bradycardie. 
L’apnée immédiate est suivie de gasps qui évoluent vers une apnée secondaire avec comme conséquence néonatale un arrêt cardiaque si le processus ischémique se poursuit.
La bradycardie est une réponse immédiate à l’asphyxie, l’ hypotension artérielle est secondaire  à la défaillance énergétique du myocarde causée par l’hypoxie.  Si la ventilation pulmonaire efficace survient avant la baisse de la pression artérielle à un niveau critique, la FC « fréquence cardiaque » et la pression artérielle sont restaurées. 
D’autres facteurs influencent la FC à la naissance parmi lesquels le moment du clampage du cordon ombilical. 
Le placenta reçoit entre 30%-50% du débit cardiaque fœtal et le retour veineux ombilical représente une large proportion de la 
Pré-charge du ventricule gauche « VG ». Ce retour veineux ombilical passe par la veine cave inférieure et le foramen ovale. Le débit sanguin pulmonaire fœtal est bas et le retour veineux pulmonaire représente une faible proportion de la pré-charge du VG chez le fœtus. 
Le clampage du cordon ombilical entraine un effondrement brutal du retour veineux ombilical et de la pré-charge du VG.  L’aération pulmonaire permet de restaurer cette pré-charge par l’intermédiaire d’une élévation du retour veineux pulmonaire. Le clampage du cordon ombilical entraine aussi une élévation brutale des résistances vasculaires périphériques liée à la baisse des résistances vasculaires placentaires. L’effet combiné entraine une réduction significative de la pré-charge puis la post-charge du VG et par conséquence une baisse du débit cardiaque à l’origine de la bradycardie et du collapsus vasculaire. Le maintien du retour veineux ombilical permet d’éviter la bradycardie en l’absence d’aération pulmonaire. Ces données sont le résultat d’études expérimentales chez l’agneau né proche du terme.
Il est probable que l’augmentation du débit sanguin pulmonaire peut être aussi médiée par une réponse vagale induite par l’aération pulmonaire. L’accumulation de liquide dans l’interstitium activerait les récepteurs qui siègent au niveau de la paroi alvéolaire. Ces récepteurs entrainent une vasodilatation pulmonaire via les fibres vagales.
Ces études mettent en évidence l’importance de l’aération pulmonaire et donc d’une ventilation alvéolaire bien menée pour le maintien du débit cardiaque à la naissance après une asphyxie périnatale. 
 
ASPIRATION DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES
 
Les nouvelles recommandations préconisent non seulement d’éviter l’aspiration trachéale systématique des nouveau-nés vigoureux nés dans un contexte de liquide amniotique meconiale « LAM » mais abandonneraient l’indication de l’intubation systématique pour aspiration trachéale des nouveau-nés non vigoureux.
Dans un essai randomisé récent sur des nouveau-nés non vigoureux nés dans un contexte de LAM, les enfants ont été randomisés en 2 groupes ; un groupe avec aspiration endo-trachéale versus un groupe  sans aspiration. Aucune différence significative n'a été observée entre les 2 groupes dans la survenue et la sévérité du syndrome d’inhalation meconiale, la mortalité et le développement neurologique 
 
 
LA VENTILATION EN SALLE DE NAISSANCE
 
Chez l’animal, une insufflation prolongée avec une pression suffisante peut améliorer la clairance du liquide pulmonaire, le recrutement alvéolaire et l’aération pulmonaire.
Les études radiologiques chez les souris prématurées ont montré que la première insufflation prolongée de 10-20 secondes avec une pression inspiratoire positive permet d’obtenir une meilleure capacité résiduelle fonctionnelle « CRF » et une aération homogène pulmonaire qu’une ventilation conventionnelle.
Kingenberg et coll ont comparé l’effet d’une insufflation de 30 secondes suivie d’une ventilation intermittente à pression positive « IPPV » chez les agneaux asphyxiés proches du terme versus IPPV seule. Les auteurs rapportent une augmentation FC et pression artérielle résultant de la meilleure oxygénation et une amélioration de la compliance pulmonaire dans le premier groupe. 
 
 
UTILISATION DE L'OXYGÈNE
 
Il est évident que l’hypoxie, responsable d’apnée et défaillance myocardique doit être corrigé à la naissance dès les premières minutes après la naissance.
Les nombreuses études de ces 20 dernières années ont montré que l’utilisation d’une fraction inspirée d’oxygène « FiO2 » de 100% d’emblée lors de la réanimation de nouveau-né après une asphyxie périnatale pouvait être délétère pour le poumon et le cerveau par l’intermédiaire de réaction oxydative.
La meta-analyse comparant l’utilisation d’une FiO2 à 100% versus 21% durant la réanimation en salle de naissance des nouveau-nés nés dans un contexte d’asphyxie périnatale a montré une réduction de la mortalité et de l’encéphalopathie anoxo-ischémique dans le groupe « 21% » dans au moins une étude, les autres études ne retrouvaient pas de différence significative dans le suivi à long terme.
Depuis 2010, ILCOR « the International Liaison Committee on Resuscitation» recommande d’initier la ventilation de ces nouveau-nés sous air. Si la bradycardie persiste < 65 /mn malgré une ventilation adéquate, la FiO2 doit être augmenté à 100% dès la mise en route du massage cardiaque externe sous monitorage de la saturation d’oxygène sus-ductale.
Les études expérimentales menées chez l’animal ont montré que l’hypoxie et l’hyperoxie possèdent simultanément des effets potentiels inhibiteurs sur les mouvements respiratoires du nouveau-né respectivement par effet direct sur les centres respiratoires neurologiques centraux et sur les chémorécepteurs.
Basée sur ces nouvelles données, les auteurs suggèrent que la réanimation en salle de naissances des enfants nés dans un contexte d’asphyxie périnatale doit être menée sous monitorage de la saturation d’oxygène, le taux d’oxygène doit être mesuré et adapté à cette saturation. Si un MCE est nécessaire en raison de la persistance de la bradycardie malgré une ventilation adéquate, la FiO2 doit être à 100%. 
 
MASSAGE CARDIAQUE EXTERNE
 
Le recours au massage cardiaque externe et l’utilisation de l’adrénaline est rare, 8/10000 naissances à terme.
Perlman et Riser rapportent que dans les 2/3 des cas, le MCE et adrénaline sont entrepris en raison de la persistance de la bradycardie due à une ventilation inadéquate. Cela suggère que la ventilation adéquate seule permet de restaurer la circulation sanguine. En revanche lorsque la ventilation adéquate ne suffit pas, le MCE permet d’augmenter la pression de perfusion coronarienne et la pression systémique permettant au myocarde d’être suffisamment oxygéné pour restaurer sa fonction.
Le taux de mortalité et d’handicap reste élevée chez ces nouveau-nés ayant eu un MCE et/ou adrénaline, témoignant de la sévérité de l’asphyxie périnatale.
Les recommandations actuelles proposent un ratio de 3 compressions pour 1 inspiration.
 
 
CONCLUSION
 
Durant cette dernière décennie, des études de recherche ont permis d’améliorer notre compréhension des problèmes rencontrés chez les enfants nés dans un contexte d’asphyxie périnatale. Il est par conséquent indispensable que les neonatolgistes soient bien informés de cette évolution rapide de la réanimation en salle de naissance.
L’aération pulmonaire adéquate est la clé d’une restauration rapide de la fonction cardiaque, de l’hypoxie et de l’ischémie dans l’asphyxie périnatale.
 
Tableau résumant les bonnes pratiques :
- En cas d’asphyxie périnatale, les mesures de réanimation doivent être immédiates pour prévenir l’hypoxie et l’ischémie. Dans la majorité des cas ces enfants ont besoin de ventilation adéquate, rarement du massage cardiaque externe.
- Une ventilation adéquate associant insufflation prolongée visant une aération pulmonaire rapide et homogène permet de restaurer la fréquence cardiaque et la fonction cardiaque.
- Evitez de retarder la ventilation par des tentatives d’aspiration même en cas de liquide amniotique meconnial
- Eviter le clampage immédiat du cordon ombilical
- Evitez l’hyperoxie, mais la ventilation avec une FiO2 utile adaptée à la saturation d’oxygène est nécessaire pour restaurer la fonction cardiaque et les mouvements respiratoires
- Titrage de l’oxygène et monitorage de la Saturation corrigent l’hypoxie et évite l’hyperoxie.
 
 
Bibliographie
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- Chettri S, Adhisivan B, Bhat BV. Endotracheal suction for nonvigourous neonatales born through meconium stained amniotic fluid : a randomized controled trial. J Pediatr 2015;166/1208-13
- Saugstad OD, Ramji S, Soll RF, et al.Rescuscitation of newborn infants with 21% or 100% oxygen: an updated systematic review and meta-analysis.Neonatology 2012;102:98-103
 

 
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