L’ICSI améliore-t-elle les résultats en AMP en termes de naissances vivantes en cas d’absence d’indication masculine ? Meta-analyse

Does intracytoplasmic sperm injection improve live birth rate when compared with conventional in vitro fertilization in non-male factor infertility? A systematic review and meta-analysis
Astridde Bantel-FinetM.D.aElisangelaArboM.D., M.Sc.bMarinaColombaniM.D.cBernadetteDarnéM.D.dVanessaGallotM.D.eVeronikaGrzegorczyk-MartinM.D.aSolèneLanguillePh.D.dThomasFréourPharm.D., Ph.D.f
Fertil teril Rev, Volume 3, Issue 1, Jqanuary 2022, pages 57-68

Depuis plusieurs années, les pourcentages d’utilisation de l’ICSI (Intra Cytoplasmic Spem Injection) augmentent de manière très significative, dans de nombreux pays, et y compris en France. Dans la majorité des pays européens, ce pourcentage est supérieur à 50 %, il est proche de 90% en Espagne et en Amérique latine, voir même de 100% dans certains pays du Proche et du Moyen Orient.

En France, si l’on regarde les données de l’Agence de la Biomédecine, ce pourcentage ne cesse d’augmenter pour atteindre dans le dernier bilan de l’Agence un chiffre de 72%. Les augmentations de cette technique d’ICSI, mise en place à l’origine pour répondre à des problèmes d’infertilité masculine (Palermo G et col,1992), ne peuvent bien sûr pas s’expliquer par une augmentation identique de ces causes d’infertilité masculines. Il est donc logique de se poser la question de la pertinence d’utilisation de cette technique dans des indications qui ne sont pas masculines.

Les auteurs de cette étude ont réalisé une méta-analyse afin d’essayer répondre à cette question.

Sur 1 760 publications analysées, seulement 21 ont été intégrées dans cette méta-analyse, l’ensemble représentant près d’un million de cycle d’AMP.

Les conclusions de la méta-analyse montrnt :

  • L’augmentation de l’ICSI est permanente depuis plusieurs années et cette technique est maintenant prépondérante dans la majorité des pays.
  • Plusieurs études ont comparé le taux de naissances vivantes après FIV ou ICSI dans des indications d’infertilité sans cause masculine et les résultats sont parfois contradictoire.
  • La méta-analyse de cette publication montre que l’ICSI n’améliore pas le taux de naissance vivante par cycle, ou par transfert, en cas d’infertilité sans cause masculine, et ceci même si les taux de fécondation sont meilleurs
  • Bien que plusieurs études de cette méta-analyse souffrent de biais inhérents aux études rétrospectives, les conclusions de cette méta-analyse sont confirmées par un vaste essai randomisé, contrôlé publié récemment, définissant précisément les causes d’infertilité masculines (Dang VO et col, 2021).

 

Les auteurs rappellent que la Société Américaine de Fertilité conseille pourtant dans son guide de bonne pratique de ne pas utiliser l’ICSI en cas d’infertilité sans cause masculine.

Devant ce constat, les auteurs ont essayé de chercher quelles pouvaient être les causes de ces choix d’utilisation de la technique d’ICSI devant des indications non masculines. Les raisons ne sont pas claires, mais différentes explications peuvent être avancées :

  • Les meilleurs taux de fécondation en ICSI par rapport à la FIV, même si cet argument n’est pas avancé dans toutes les études. Pourtant celui-ci est faussement rassurant car ce taux de fécondation n’est pas forcément lié à un meilleur taux de grossesse évolutive par rapport à la FIV, ni de naissances vivantes.
  • Le risque plus faible d’échec de fécondation en ICSI par rapport à la FIV, notamment pour les couples ayant eu un antécédent d’échec de fécondation en FIV

Les auteurs insistent ici sur le fait que seul le taux de naissances vivantes après AMP devrait être l’indicateur choisi par les centres d’AMP et non pas le taux de fécondation. Un taux plus élevé de fécondation en ICSI par rapport à la FIV ne semble pas conduire à un meilleur taux de naissances vivantes une fois que tous les embryons congelés sont transférés (Li Z, et col, 2018).

Ils rappellent également que la connaissance de l’interaction « physiologique » des gamètes en FIV est un élément important à connaître lorsque l’ICSI n’est pas obligatoire et qu’une manipulation moins importante des ovocytes en FIV par rapport à l’ICSI peut être bénéfique pour ces ovocytes notamment quand ils sont de moins bonne qualité comme dans le cas de femmes plus âgées, ou avec des moins bonnes réserves ovariennes (Liu H et col, 2018).

Les auteurs précisent qu’il existe forcément des biais dans ce travail dans la mesure où il existe une certaine hétérogénéité des données des différentes études, et qu’il n’y a qu’une seule étude prospective randomisée, contrôlée. Un autre biais possible est la définition d’une infertilité masculine. Pour la majorité des études, cette définition est basée sur les valeurs du spermogramme, mais avec des seuils qui peuvent être différents en fonction des études. D’autre part, il existe d’autres paramètres que le spermogramme, comme la qualité de l’ADN spermatique, qui peuvent altérer la fertilité masculine et pourrait faire entrer certains couples dans la case des infertilités masculines alors que le spermogramme présente des valeurs normales.

 

Commentaire d’article.

Cette méta-analyse confirmée par une étude randomisée contrôlée montre que l’on fait probablement trop d’ICSI sans avoir une indication masculine, ce pour quoi la technique doit normalement être proposée. L’argument d’un meilleur taux de fécondation en ICSI versus FIV ne peut pas être pris en compte étant donné que les taux de grossesses et de naissances vivantes ne sont pas améliorés par cette pratique. Dans le choix d’une technique, il est nécessaire d’évaluer le rapport bénéfice/risque et même si l’utilisation de l’ICSI ne semble pas entrainer une augmentation du risque chez l’enfant, il est aussi important de pouvoir utiliser la technique à priori la moins invasive pour les gamètes, si une technique plus invasive n’apporte rien de plus. Cette évaluation du rapport bénéfice/risque doit être faite au cours des réunions pluri-disciplinaires des centres d’AMP entre cliniciens et biologistes.

Un échec de fécondation sans cause masculine aussi être lié à la compétence de l’ovocyte. Connaître le pouvoir fécondant d’un sperme peut également avoir un intérêt pour retourner éventuellement vers une technique moins invasive comme l’insémination intra-utérine, raison supplémentaire pour encore moins utiliser l’ICSI en première intention en cas d’absence d’indication masculine.

Références 

Does intracytoplasmic sperm injection improve live birth rate when compared with conventional in vitro fertilization in non-male factor infertility? A systematic review and meta-analysis

Astridde Bantel-FinetM.D.aElisangelaArboM.D., M.Sc.bMarinaColombaniM.D.cBernadetteDarnéM.D.dVanessaGallotM.D.eVeronikaGrzegorczyk-MartinM.D.aSolèneLanguillePh.D.dThomasFréourPharm.D., Ph.D.f
Fertil teril Rev, Volume 3, Issue 1, Jqanuary 2022, pages 57-68

Pregnancies after intracytoplasmic injection of single spermatozoon into an oocyte. 
Palermo G, Joris H, Devroey P, Van Steirteghem AC. 1992b. 
Lancet 340 17–18. (10.1016/0140-6736(92)92425-F)

ICSI does not increase the cumulative live birth rate in non-male factor infertility.
Li Z, Wang AY, Bowman M, Hammarberg K, Farquhar C, Johnson L, Safi N, Sullivan EA.Hum Reprod. 2018 Jul 1;33(7):1322-1330. doi: 10.1093/humrep/dey118.

Conventional in vitro fertilization (IVF) or intracytoplasmic sperm injection (ICSI): which is preferred for advanced age patients with five or fewer oocytes retrieved?
Liu H, Zhao H, Yu G, Li M, Ma S, Zhang H, Wu K.Arch Gynecol Obstet. 2018 May;297(5):1301-1306. doi: 10.1007/s00404-018-4696-6.

ICSI versus conventional techniques for oocyte insemination during IVF in patients with non-male factor subfertility: a Cochrane review.
Van Rumste MM, Evers JL, Farquhar CM.Hum Reprod. 2004 Feb;19(2):223-7. doi: 10.1093/humrep/deh061

Intra-cytoplasmic sperm injection versus conventional techniques for oocyte insemination during in vitro fertilisation in patients with non-male subfertility.
Van Rumste MM, Evers JL, Farquhar CM.Cochrane Database Syst Rev. 2003;(2):CD001301. doi: 10.1002/14651858.CD001301.

Higher clinical pregnancy rate with in-vitro fertilization versus intracytoplasmic sperm injection in treatment of non-male factor infertility: Systematic review and meta-analysis.
Abbas AM, Hussein RS, Elsenity MA, Samaha II, El Etriby KA, Abd El-Ghany MF, Khalifa MA, Abdelrheem SS, Ahmed AA, Khodry MM.J Gynecol Obstet Hum Reprod. 2020 Jun;49(6):101706. doi: 10.1016/j.jogoh.2020.101706.

 
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