Doit-on faire de l’ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïdes) chez toutes les femmes après 35 ans ? (1)

INTRODUCTION

La technique d’ICSI a été développée initialement en 1992 par le Pr.Palermo (2) pour remédier aux infertilités d’origines masculines. L’usage de l’ICSI a eu un énorme succès et cette technique de fécondation est aujourd’hui extrêmement répandue et est utilisée en routine dans la plupart des laboratoires de Fécondations in vitro à travers le monde.

Son indication a évolué au fil du temps, elle n’est plus réservée à l’indication initiale strictement  masculine, mais peut présenter un intérêt également chez les femmes « âgées »de plus de 35 ans. Elle aurait l’avantage par rapport à la technique de FIV conventionnelle de pouvoir « surmonter » les problèmes liés aux interactions entre les ovocytes et les spermatozoïdes qui peuvent être endommagées avec l’élévation de l’âge de la mère. C’est ainsi qu’une équipe israélienne vient de publier une étude (1) afin de démontrer l’intérêt de l’ICSI par rapport à la FIV conventionnelle chez des couples infertiles, de cause non masculine, dont les femmes sont âgées de plus de 35 ans. Ils ont pour ce faire, comparé les taux de fécondations et d’obtention d’embryons de « Top qualité » avec les 2 techniques.
 

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective. Les critères d’inclusion étaient : d’être dans un premier cycle de FIV, être âgées de 35 ans et plus, avec une infertilité de cause non masculine et d’avoir recueilli après la ponction au moins 6 ovocytes. Les ovocytes ont alors été partagés en 2 groupes pour la mise en fécondation, la moitié en FIV et l’autre moitié en ICSI. La moyenne d’âge des patientes de l’étude était de 38,7 ans.
 

RÉSULTATS

504 ovocytes ont été recueillis chez 52 patientes éligibles. Au total 245 ovocytes ont été mis en FIV et 259 en ICSI.

Le taux de fécondation était significativement supérieur : 71% après ICSI versus 50,1% après FIV (P<0,0001). Le taux d’obtention de top embryon était également significativement supérieur en ICSI qu’en FIV (62,8% vs 45,5%) avec P<0,001.

La population étudiée a été subdivisée en 2 sous-groupes en fonction de l’âge : 1er sous-groupe de 35 à 39 ans avec pour effectif  31 patientes et un deuxième sous-groupe de 40 à 45 ans avec pour effectif  21 patientes. Les taux de fécondations sont significativement plus élevés en ICSI qu’en FIV pour le premier sous-groupe (73,5% vs 54,9%) ainsi que le taux d’obtention d’embryons de top qualité (61,5% vs 49,6%). Concernant le 2ème sous-groupe, les taux de fécondation ainsi que les taux d’obtention d’embryons de top qualité ne sont pas statistiquement significativement différents entre les 2 techniques ICSI et FIV.
 

DISCUSSION

Au regard des études publiées, l’usage de l’ICSI pour des causes d’infertilité non masculines reste controversée.

L’étude prospective de Aboulghar (3) a porté sur 2 groupes : les couples avec des infertilités de causes inexpliquées (N=24, 1er groupe) et ceux dont les hommes avaient des paramètres spermatiques proches des normes (N=22, 2ème groupe). Les ovocytes obtenus ont été fécondés par les 2 techniques. Dans le 2ème groupe, l’ICSI confère un net avantage par rapport à la FIV en terme de taux de fécondation (59% vs 27,1%) et dans les cas d’échecs total de fécondation. Cependant, dans le 1er groupe l’ICSI ne présente un avantage par rapport à la FIV conventionnelle que dans le cas d’échecs totaux de fécondation. Les auteurs concluent sur l’intérêt de partager les ovocytes en moitié FIV moitié ICSI pour ces indications afin d’éviter d’avoir une annulation de transfert embryonnaire due à un échec total de fécondation en FIV.

Ces résultats sont en accord avec ceux publiés par Ruiz (4), qui a étudié les taux de fécondation chez les couples avec des infertilités inexpliquées et dues à des endométrioses légères après 4 échecs de cycles d’inséminations intra utérines. Il n’a pas retrouvé de différence significative en termes de taux de fécondation entre les 2 techniques FIV ou ICSI, sauf pour les échecs totaux de fécondations retrouvés uniquement dans le groupe FIV dans 11,4% des cas.

De même Staesson (5) et son équipe ont montré qu’ils ne trouvaient pas de différence significative sur les taux de fécondation, les taux de clivage, les embryons de top qualité, entre les 2 techniques, chez des couples dont l’infertilité était d’origine tubaire et avec des paramètres spermatiques normaux. Cependant des échecs totaux de fécondation été beaucoup plus fréquemment observés avec la technique de FIV conventionnelle 12,5% vs 3,6% avec l’ICSI.

Yang (6) et son équipe n’ont pas retrouvé de différence en termes de taux de fécondation mais de meilleurs taux avec l’usage de l’ICSI en termes de qualité embryonnaire et de taux d’implantation chez des couples dont l’infertilité n’était pas d’origine masculine.

Une des explications proposées (7) serait que la procédure d’ICSI réduirait le nombre des spermatozoïdes en présence de l’ovocyte puis de l’embryon ce qui réduirait l’exposition aux dérivés oxydés produits par les spermatozoïdes qui pourraient être nuisibles à l’embryon.
 

CONCLUSION

Les patients avec une infertilité inexpliquée constituent un groupe hétérogène. Les données de la littérature restent controversées par rapport à la supériorité de l’ICSI sur les taux de fécondation et l’obtention de top embryon, mais elle a l’avantage d’éviter l’échec total de fécondation qui a un effet dévastateur sur le plan physique et émotionnel pour les couples.

Pour conclure, au regard de cette étude, chez les patientes âgées de 35 à 39 ans avec une infertilité non masculine, l’usage de l’ICSI sera conseillé sur la plupart voire tous les ovocytes de la cohorte de la première tentative .

Ces données devront être confirmées sur des études prospectives de plus grande ampleur.
 

BIBLIOGRAPHIE

1. Farhi J, Cohen K, Yossi Mizrachi Y, Weissman A, Raziel A, Orvieto A, Should ICSI be implemented during IVF to all advanced-age patients with non-male factor subfertility? Reproductive Biology and Endocrinology. 2019.

2. Palermo G, Joris H, Devroey P, et al. Pregnancies after intracytoplasmic sperm injection of single spermatozoon into the oocyte. Lancet. 1992 ; 340: 17–8.

 
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