Les indications à une recherche mutationnelle dans le cancer du sein

On peut distinguer schématiquement deux sortes d’indications à la recherche mutationnelle sur les gènes de prédisposition héréditaire au cancer du sein : Les unes sont liées au statut clinique, personnel et familial, de la patiente, alors que les autres découlent du statut tumoral et ont une perspective thérapeutique directe.

Plusieurs objectifs peuvent être visés au travers de l’analyse génétique : proposer à la patiente le traitement chirurgical et le suivi le plus adaptés (médecine de précision), identifier le facteur de risque génétique pour proposer un conseil génétique à la famille, ou encore permettre de porter l’indication d’un inhibiteur de PARP.

Dans le cas des indications portées devant le statut clinique, elles ont été élargies avec la disponibilité plus grande des tests génétiques et la remise en cause des critères familiaux par plusieurs études qui ont montré les limites de l’histoire familiale pour porter l’indication de l’analyse. Le but visé dans cette indication du test est d’identifier la présence d’un facteur génétique constitutionnel qui a favorisé la survenue du cancer du sein (et/ou d’un cancer d’une autre localisation) chez la patiente et éventuellement chez plusieurs membres de sa famille et qui pourrait modifier la probabilité d’un nouveau cancer du sein, homo ou controlatéral, ou encore favoriser la survenue d’une tumeur dans un autre organe dans le cadre de syndromes héréditaires de prédisposition.

Un groupe d’expert a émis en 2019 des recommandations actualisées sur le testing BRCA dont nous reprendrons les conclusions 1. Les 3 critères majeurs pour porter cette indication sont :
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 un âge 40 ans,
un cancer bilatéral avec le premier survenu avant 50 ans,
un cancer triple négatif à un âge ­60 ans,
un cancer du sein avant 50 ans chez une femme d’origine Ashkénaze,
ou la survenue d’un cancer du sein chez un homme.

L’histoire familiale a aussi son intérêt et aura un poids d‘autant plus fort qu’il s’agit d’apparentées proches, que les âges de survenue des tumeurs sont précoces, que le nombre de cas, tenant compte de la taille de la famille, est important, et que les antécédents familiaux sont évocateurs (tels que sein, ovaire surtout, pancréas, prostate). Ces critères sont parfois difficiles à préciser et le score de Manchester est un outil utile (plus adapté aux consultations d’oncogénétique), et le niveau du score retenu pour porter l’indication du test va favoriser la sensibilité (score bas retenu) ou spécificité (score retenu plus élevé) 2. On peut intégrer dans ce score différents paramètres qui pondèrent le score. La recherche de variant pathogène est réalisée en général sur un panel comprenant au minimum BRCA1/2, et PALB2 mais d’autres gènes importants confirmés par deux études publiées dans le NEJM en 2021 doivent être intégrés comme ATM, BARD1, RAD51 C et D, CHEK2, CDH1 3,4. D’autres gènes, comme TP53, PTEN et STK11 sont intégrés dans les panels mais ne concernent que des cas rares dans le cadre de syndromes de prédisposition multi-organes. BRIP1 et les gènes MMR (MSH2, MLH1, MSH6 et PMS2) sont également intégrés dans les panels car ils sont importants pour les tumeurs de l’ovaire et de l’endomètre.

Un test génétique à visée théranostique est une analyse des caractéristiques génétiques (constitutionnel ou tumoral) dont le résultat va justifier un traitement spécifique du cancer. L’indication théranostique du testing BRCA1/2 pour le cancer du sein est centrée sur le traitement par les inhibiteurs de PARP, et dans ce cas la recherche de mutation est un test compagnon pour la mise en place du traitement. L’Olaparib et le Talazoparib ont obtenu l’AMM pour le traitement en monothérapie du cancer du sein localement avancé ou métastatique HER2 négatif et avec une mutation germinale des gènes BRCA1/2 en 2019 5,6.  La recommandation de l’ESMO (ABC5) est de tester BRCA1/2 dès que possible « as early as possible »7. Plus récemment, l’étude Olympia, publiée en juin 2021 8, a montré l’intérêt de l’Olaparib dans le traitement adjuvant des cancers du sein au stade précoce à risque élevé de rechute chez des femmes porteuses de variants pathogènes de BRCA1 ou 2, avec une augmentation significative de la survie sans rechute invasive ou à distance. Plusieurs critères, utilisés dans l’article cité ont été retenus comme prédictifs pour porter l’indication du testing BRCA et sont indiqués ici à titre d’exemple : tumeur triple négative en réponse incomplète en post-néoadjuvant, tumeur triple négative stade >2 (> 2cm ou N+) au diagnostic, tumeur RH+ HER2- N2 ou N3 au diagnostic, tumeur RH+ HER2- sans réponse complète après chimiothérapie néoadjuvante et un score CPS+EG score 3 (Neoadjuvant Therapy Outcomes Calculator (mdanderson.org)).

Le testing peut être réalisé sur le sang (sur l’ADN constitutionnel) et associer, ou non, d’autres gènes du panel habituel. Ainsi, le gène PALB2 aura une utilité thérapeutique dans un avenir proche car également impliqué dans la recombinaison homologue tout comme BRCA1 et 2 et des résultats positifs chez des patientes traitées par inhibiteurs de PARP ont été présentés. Le testing peut être réalisé initialement sur la tumeur même si seules les mutations germinales (constitutionnelles) constituent aujourd’hui des indications au traitement par Talazoparib ou Olaparib. Des résultats préliminaires suggèrent le bénéfice des anti-PARP dans les mutations BRCA tumorales du sein, comme c’est le cas dans les tumeurs de l’ovaire.

Dans tous les cas, la patiente doit être informée des analyses génétiques réalisées et des conséquences possibles pour elle-même et pour ses apparentés, qu’elle devra informer si un variant pathogène était trouvé chez elle, et avoir signé un consentement écrit.

Il est essentiel que ces tests soient proposés et réalisés pour tous les cas qui les nécessitent et que les obstacles financiers liés au mode de remboursement soient rapidement levés en intégrant ces analyses à la nomenclature.

 

Bibliographie

1. Pujol, P. et al. Clinical practice guidelines for BRCA1 and BRCA2 genetic testing. Eur. J. Cancer Oxf. Engl. 1990 146, 30–47 (2021).

2. Evans, D. G. et al. Pathology update to the Manchester Scoring System based on testing in over 4000 families. J. Med. Genet. 54, 674–681 (2017).

3. Hu, C. et al. A Population-Based Study of Genes Previously Implicated in Breast Cancer. N. Engl. J. Med. 384, 440–451 (2021).

4. Breast Cancer Association Consortium et al. Breast Cancer Risk Genes - Association Analysis in More than 113,000 Women. N. Engl. J. Med. 384, 428–439 (2021).

5. Robson, M. E. et al. OlympiAD final overall survival and tolerability results: Olaparib versus chemotherapy treatment of physician’s choice in patients with a germline BRCA mutation and HER2-negative metastatic breast cancer. Ann. Oncol. Off. J. Eur. Soc. Med. Oncol. 30, 558–566 (2019).

6. Litton, J. K. et al. Talazoparib in Patients with Advanced Breast Cancer and a Germline BRCA Mutation. N. Engl. J. Med. 379, 753–763 (2018).

7. Cardoso, F. et al. 5th ESO-ESMO international consensus guidelines for advanced breast cancer (ABC 5). Ann. Oncol. Off. J. Eur. Soc. Med. Oncol. 31, 1623–1649 (2020).

8. Tutt, A. N. J. et al. Adjuvant Olaparib for Patients with BRCA1- or BRCA2-Mutated Breast Cancer. N. Engl. J. Med. 384, 2394–2405 (2021).

 
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