Microbiote et complications de la césarienne développées dans l’enfance : Raisonnons à l’endroit !

Les résultats des enquêtes nationales périnatales de 2003, 2010 et 2016 ont montré une stabilisation du taux de césarienne en France autour de 20%, très probablement en raison de l’accent mis ces quinze dernières années sur les complications associées à ce mode d’accouchement. La communauté obstétricale a bien intégré l’augmentation de morbidité maternelle à court terme (hémorragie du post partum, complications thromboemboliques) mais aussi à long terme (anomalies de la placentation) qui y était associée. La détresse respiratoire du nouveau-né est elle aussi identifiée comme une complication de la césarienne, en particulier lorsque celle-ci est programmée avant 39 semaines d’aménorrhée (SA).

Plus récemment, des complications à long terme ont été décrites pour l’enfant né par césarienne. Des données épidémiologiques de plus en plus nombreuses mettent en évidence une association entre la naissance par césarienne et le développement dans l’enfance d’un asthme (1), d’une maladie cœliaque (2), d’un diabète de type 1 (3) ou encore d’une obésité qui persistera à l’âge adulte (4). La survenue de ces complications s’expliquerait par les perturbations provoquées par la césarienne sur l’établissement d’une interaction optimale entre la mère et l’enfant, c'est-à-dire sur la mise en contact du fœtus et du nouveau-né avec la flore bactérienne maternelle vaginale lors du travail et cutanée lors de l’allaitement (5). Ainsi, le microbiote intestinal des enfants nés par césarienne est différent de celui des enfants nés par voie basse (6). Ce sont ces différences qui seraient à l’origine d’anomalies du développement immunitaire (7), responsables des manifestations cliniques observées à long terme, dans l’enfance et à l’âge adulte.

Le lien causal entre une naissance par césarienne et le développement de ces pathologies reste cependant à démontrer. En effet, les modifications du microbiote intestinal observées chez les enfants nés après césarienne pourraient aussi s’expliquer par l’administration plus fréquente d’antibiotiques au moment de la naissance et/ou par une alimentation reposant plus rarement sur l’allaitement maternel, en comparaison avec les enfants nés par voie basse. Toutefois, les anglo-saxons ont dès à présent mis en place des interventions visant à prévenir les complications de la césarienne développées dans l’enfance, qui si elles pourraient encore aggraver la banalisation de ce mode d’accouchement, sont aussi la preuve de l’intégration de ces nouveaux risques dans la réflexion médicale. Outre l’administration anténatale de corticostéroïdes au-delà de 34 SA (8) et même à terme (9) pour prévenir la détresse respiratoire néonatale quand bien même les conséquences à long terme de ce traitement demeurent incertaines voire préoccupantes (10), il a été proposé que les enfants nés par césarienne soient supplémentés en pré- et/ou pro-biotiques, que l’allaitement maternel soit renforcé (pour revue 11) ou plus amusant, que le nouveau-né soit frotté avec et tête des compresses imbibées des sécrétions vaginales de sa mère, prélevées l’heure précédant la césarienne (12), afin de faciliter la mise en place d’un microbiote intestinal et cutané le plus semblable possible à celui qui s’établit après une naissance par les voies naturelles.

Plutôt que de raisonner à l’envers et de proposer des mesures absurdes, inefficaces voire potentiellement dangereuses pour prévenir ces complications néonatales et/ou développées dans l’enfance, il semble plus que jamais nécessaire de ne pratiquer cette intervention qu’en cas d’indication médicale solide, en s’aidant des nombreuses recommandations émises ces dernières années par le CNGOF et la HAS. Les praticiens devraient aussi désormais intégrer dans leurs réflexions et décisions ainsi que dans l’information délivrée aux patientes, les complications à long terme pour l’enfant associées à ce mode d’accouchement. Ce n’est qu’au prix de ces efforts que nous constaterons peut-être lors de la prochaine enquête nationale périnatale une réduction significative du taux de césarienne, seule solution sérieuse pour réduire les complications qui y sont associées.

Références

1. Black M, Bhattacharya S, Philip S, et al. Planned Repeat Cesarean Section at Term and Adverse Childhood Health Outcomes: A Record-Linkage Study. PLoS Med 2016;13:e1001973.

2. Decker E, Engelmann G, Findeisen A, et al. Cesarean delivery is associated with celiac disease but not inflammatory bowel disease in children. Pediatrics 2010;125:e1433-e1440.

3. Cardwell CR, Stene LC, Joner G, et al. Caesarean section is associated with an increased risk of childhood-onset type 1 diabetes mellitus: a meta-analysis of observational studies. Diabetologia 2008;51:726-35.

4. Yuan C, Gaskins AJ, Blaine AI, et al. Association Between Cesarean Birth and Risk of Obesity in Offspring in Childhood, Adolescence, and Early Adulthood. JAMA Pediatr 2016;170:e162385.

5. Madan JC, Hoen AG, Lundgren SN et al. Association of Cesarean Delivery and Formula Supplementation With the Intestinal Microbiome of 6-Week-Old Infants. JAMA Pediatr 2016;170:212-9.

6. Dominguez-Bello MG, Costello EK, Contreras M, et al. Delivery mode shapes the acquisition and structure of the initial microbiota across multiple body habitats in newborns. Proc Natl Acad Sci U S A 2010;107:11971-5.

7. Cho CE, Norman M. Cesarean section and development of the immune system in the offspring. Am J Obstet Gynecol 2013;208:249-54.

8. Gyamfi-Bannerman C, Thom EA, Blackwell SC, et al. Antenatal Betamethasone for Women at Risk for Late Preterm Delivery. N Engl J Med 2016;374:1311-20.

9. Stutchfield P, Whitaker R, Russell I. Antenatal betamethasone and incidence of neonatal respiratory distress after elective caesarean section: pragmatic randomised trial. BMJ 2005;331:662.

10. Schmitz T. Prevention of preterm birth complications by antenatal corticosteroid administration. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2016;45:1399-1417.

11. Moya-Pérez A, Luczynski P, Renes IB, et al. Intervention strategies for cesarean section-induced alterations in the microbiota-gut-brain axis. Nutr Rev 2017;75:225-40

12. Dominguez-Bello MG, De Jesus-Laboy KM, Shen N, et al. Partial restoration of the microbiota of cesarean-born infants via vaginal microbial transfer. Nat Med 2016;22:250-3.

 
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