La consultation préconceptionnelle

Depuis 2007 La Haute Autorité de santé (HAS) recommande de réaliser une consultation préconceptionnelle afin que « le risque d’une grossesse future soit apprécié le plus précocement possible, idéalement avant la grossesse dans le cadre du suivi gynécologique de la femme quand elle exprime son désir de grossesse ». Malheureusement, cette consultation préconceptionnelle n’est pas assez réalisée car insuffisamment mise en avant alors que ses intérêts sont majeurs.

Lorsqu’il existe un projet de grossesse, les parents sont plus réceptifs à des messages de prévention et d’éducation à la santé. La visite préconceptionnelle constitue un moment idéal pour faire le point avec la patiente ou les futurs parents sur leur état de santé, l’intérêt d’adopter des comportements hygiéno-diététiques en accord avec la future grossesse (arrêt de l’alcool, tabac ou autres toxiques) et acquérir des connaissances sur les conduites à risques à éviter en cours de grossesse. Il ne s’agit pas de médicaliser une future grossesse dont le déroulement sera probablement simple ; en revanche l’anticipation des événements pouvant être délétères lors de la grossesse mérite une réelle attention et une prise en charge adaptée.

Un des objectifs de la consultation préconceptionnelle est de programmer au mieux la grossesse, limiter le risque de complications prévisibles et envisager un lieu de suivi de la grossesse ayant un plateau technique adapté en fonction des antécédents médicaux, chirurgicaux et obstétricaux. Elle permet de donner une information loyale à la patiente et au couple sur les risques potentiels liés à une grossesse, avec parfois la nécessité de parfaitement planifier celle-ci ou parfois de clairement la déconseiller.

Les situations contre-indiquant une grossesse sont rares : hypertension artérielle pulmonaire [HTAP] > 30 mmHg, maladie de Marfan avec une dilatation aortique > 40 mm, rétrécissement mitral sévère [< 1 cm2], insuffisance ventriculaire gauche sévère [< 30 %], insuffisance rénale sévère avec créatininémie > 250 mmol/l, diabète avec atteinte coronarienne, insuffisance hépatique sévère, syndrome restrictif pulmonaire avec une capacité vitale inférieure à un litre, chimiothérapie en cours. Ces situations de demande de grossesse, parfois très insistantes, sont à évaluer en réunion multidisciplinaire ainsi que les possibilités de prise en charge pouvant permettre une grossesse.

 

À qui la consultation préconceptionnelle s’adresse-t-elle ?

La consultation préconceptionnelle s’adresse à toute patiente ou tout couple qui programme une grossesse dans un avenir proche. La plupart des couples sont sans antécédent notable ou sans pathologie, ils trouvent là l’occasion de faire un bilan de santé et se voient proposés des mesures adaptées au bon déroulement de la future grossesse.

Elle s’adresse à l’évidence à toute patiente ayant une pathologie en dehors de la grossesse (diabète, hypertension artérielle, maladie de système, épilepsie, troubles thyroïdiens. . .), une complication au cours d’une grossesse, d’un accouchement précédent, avec un enfant atteint d’une pathologie sévère ou décédé.

Elle s’adresse également à tout couple dont l’un des membres présente des antécédents personnels ou familiaux de maladie génétique (mucoviscidose, hémophilie, myopathie. . .). Une consultation génétique est alors proposée au couple avec pour objectifs d’évaluer la récurrence de la pathologie et envisager les possibilités, les types et les conséquences du diagnostic.

 

Que contient la consultation préconceptionnelle ?

Interrogatoire

La consultation préconceptionnelle commence par le recueil des informations classiquement obtenues par l’interrogatoire mené en début de grossesse.

Antécédents familiaux : En mettant l’accent sur l’hypertension artérielle (HTA), le diabète, les complications thromboemboliques, les maladies héréditaires (hémophilie, maladie de Willebrandt, mucoviscidose, drépanocytose, myopathie. . .), les malformations.

Antécédents personnels : Ceux-ci sont au nombre de plusieurs :

  • antécédents médicaux : HTA, diabète, épilepsie, pathologie thyroïdienne, thromboses, troubles de l’hémostase, pathologie psychiatrique. . . ;
  • antécédents chirurgicaux : laparotomie, coelioscopie, malformations gynécologiques avec ou sans interventions ;
  • antécédents obstétricaux : fausse couche, grossesse extra-utérine, accouchement prématuré, cerclage, diabète gestationnel, prééclampsie, cholestase gravidique..., extraction instrumentale, césarienne, hémorragie du postpartum, rupture utérine… ainsi qu’une pathologie du nouveau-né (malformation, handicap, hypoxie perpartum…).

Facteurs de risque individuels, prises médicamenteuses :

  • Importance de la connaissance de l’origine ethnique des membres du couple (drépanocytose, thalassémie, contexte culturel spécifique…) et notion d’une consanguinité pouvant orienter vers une consultation génétique.
  • Connaissance de l’âge de la patiente avec information données de l’impact de l’âge maternel sur l’évolution de la grossesse et le retentissement materno-fœtal.
  • Profession de la patiente et recherche d’une pénibilité au travail, de risques professionnels avec exposition à des produits tératogènes, des bactéries ou virus, des rayonnements impliquant une prise de contact avec le médecin du travail de la patiente pour anticiper la grossesse future.
  • La prise d’un traitement doit être connue, évaluée et éventuellement modifiée en accord avec le médecin prescripteur du fait d’un retentissement possible sur l’embryogenèse. Ainsi les antivitamines K devront être remplacées par de l’héparine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion remplacés par des antihypertenseurs autorisés pendant la grossesse, les sulfamides hypoglycémiants remplacés par de l’insuline. Une réévaluation d’un traitement antiépileptique peut être conduite avec le neurologue de la patiente. La prise de rétinoïdes, médicaments hautement tératogènes, doit également être connue, la contraception poursuivie en cours de traitement et le début de la grossesse anticipé en fonction de la date d’arrêt de ce traitement (Roacutane® élimination en un mois, Soriatane® élimination en un an). Par ailleurs en cas d’automédication la femme doit être informée des risques de tératogénicité ou de complications en cours de grossesse : cette attitude doit être déconseillée dès lors qu’un projet de grossesse existe.
  • Recherche de situations de précarité et de facteurs de vulnérabilité souvent associés à une difficulté d’accéder aux soins avec orientation vers les structures facilitant la prise en charge tout en organisant un accompagnement psychosocial.
  • Connaissance de la consommation de tabac (active ou passive), alcool ou autres toxiques (cannabis. . .). Dans ces cas, il faut informer sur la morbidité associée à la prise de ces toxiques, proposer une aide au sevrage et orienter vers les professionnels adaptés.
  • La consultation préconceptionnelle sera l’occasion de prescrire à la patiente un traitement préventif des défauts de fermeture du tube neural par la prise d’acide folique à raison de 1comprimé de 0,4 mg par jour jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée.

Pathologies maternelles antérieures à la grossesse

  • Diabète : Il est habituel de dire que la grossesse d’une femme présentant un diabète insulinodépendant est d’au moins dix mois, neuf mois de grossesse et un mois au moins avant le début de la grossesse pour équilibrer et réaliser le bilan des complications du diabète (coeur, tension artérielle, rein, rétine, membres). En effet, si l’hémoglobine glycosilée est inférieure à 8 %, le taux de malformations fœtales est de 5 % contre 25 % si elle est supérieure à 10 %. La prise en charge doit être multidisciplinaire avec un endocrinologue. Importance de l’apprentissage de la gestion de l’équilibre glycémique, de l’autocontrôle de la glycémie qui est le meilleur garant d’une réduction des malformations foetales, du régime alimentaire, de l’utilisation de l’insuline, du glucagon, ainsi que des motifs de consultations en urgence. Les objectifs des glycémies préprandiales doivent être entre 0,6 et 0,9 g/l et inférieures à 1,2 g/l en post-prandiales.
  • Hypertension artérielle (HTA) : Avant une grossesse, une consultation par un cardiologue devra être réalisée pour faire un bilan étiologique de l’HTA, rechercher des complications (cardiaques, rénales, rétiniennes), adapter le traitement en tenant compte des contre-indications médicamenteuses liées à la grossesse. La patiente sera informée du risque majoré de prééclampsie, de retard de croissance intra-utérin, d’hématome rétro-placentaire et de prématurité induite.
  • Antécédent de maladie thromboembolique veineuse : Un bilan complet de la maladie thrombotique doit être entrepris (bilan immunologique et bilan complet de l’hémostase) afin d’évaluer le risque potentiel de récidive et la mise en route d’un traitement préventif en cours de grossesse et/ou dans le postpartum. Ce bilan est à réaliser avant la grossesse car celle-ci peut influer sur les résultats biologiques (protéine S abaissée en cours de grossesse, modification du taux de certains facteurs de coagulation…).
  • Épilepsie : Chez la femme épileptique, le risque de malformation fœtale est multiplié par deux en cas de monothérapie, et par quatre en cas de polythérapie, notamment avec le valproate de sodium. Il faut donc faire le point avec un neurologue, et discuter l’intérêt d’arrêter le traitement si la patiente n’a pas eu de crise depuis plus de deux ans ou réduire le traitement en monothérapie en cas de polythérapie. Le Lamotrigine (Lamictal®) est le traitement de choix pendant la grossesse car le moins tératogène. De l’acide folique 5 mg/j sera prescrit avant le début de la conception de façon à réduire les risques de malformations du tube neural.

Antécédent obstétrical

Antécédent de prééclampsie : Le risque de récidive sera exposé à la patiente en tenant compte du contexte (entre 15 et 30 % en fonction de la sévérité) : antécédent d’HTA chronique, de HELLP syndrome, d’hématome rétroplacentaire, de RCIU, de son âge (plus de 35 ans), d’un nouveau partenaire. La patiente sera informée de l’intérêt d’une prescription d’aspirine 100 mg/j à partir de 12 SA afin de réduire l’incidence de la prééclampsie, augmenter le poids foetal et réduire la mortalité périnatale sans accroître les complications hémorragiques maternelles ou fœtales.

Antécédent d’accouchement prématuré : La patiente doit être informée du risque de récidive et de l’intérêt de connaître l’étiologie de l’accouchement prématuré et anticiper la nouvelle grossesse en recherchant et prenant en charge des facteurs de risque de récidive : tabagisme, vaginose bactérienne, malformation utérine (cloison, hypoplasie

utérine…), béance cervico-isthmique. La patiente sera informée de l’intérêt d’une surveillance de la mesure échographique de la longueur cervicale entre 16 et 24 SA lors de la prochaine grossesse afin de réaliser un cerclage du col utérin si cette mesure devient inférieure à 25 mm et de l’intérêt d’une prescription de progestérone vaginale 200 mg/j à partir de 15 SA afin de réduire l’incidence de la récidive.

Antécédent d’hémorragie du postpartum : Il est indispensable de récupérer le compte rendu de l’accouchement et de la prise en charge effectuée (utérotoniques, chirurgie d’hémostase, embolisation des artères utérines, transfusion) afin de connaître la cause et la gravité de l’hémorragie et prendre les mesures adaptées (délivrance dirigée) pour anticiper une prise en charge optimale en cas de récidive. Par ailleurs, des informations sont à donner sur le risque de placenta accreta et d’hémorragie en cas d’utérus multicicatriciel.
 

Examen clinique

La prise de la tension artérielle est systématique au cours de la consultation préconceptionnelle permettant le dépistage d’une HTA méconnue ou négligée. L’orientation vers un cardiologue permettra l’instauration d’un traitement compatible avec la future grossesse.

Mesure du poids et de la taille de la patiente avec calcul de l’indice de masse corporelle (IMC = Poids/Taille2) permettant de dépister le surpoids (IMC ≥ 25), l’obésité (IMC ≥ 30), mais également la dénutrition (IMC < 18). En cas d’obésité, l’orientation vers un spécialiste de la nutrition sera proposée, au besoin complété par un traitement prolongé par analogues du GLP-1, voire une chirurgie bariatrique selon la sévérité de l’obésité si l’âge de la patiente permet de retarder la grossesse d’au moins un an. En effet, l’IMC de la patiente au moment de la conception est un facteur pronostique majeur sur le risque de complications : accouchement prématuré, prééclampsie, diabète gestationnel, macrosomie, mort fœtale in utero.

En cas de patiente dénutrie, la recherche de carences et d’un contexte spécifique sont nécessaires pouvant impliquer une enquête psychosociale et une orientation possible vers un psychologue.

L’examen gynécologique comprendra un examen des seins et des aires ganglionnaires et la réalisation d’un frottis cervico-vaginal avec recherche d’HPV s’il date de plus de cinq ans. Une inspection vulvaire permettra également de rechercher des mutilations génitales (excision du clitoris, infibulation…).
 

Bilans biologiques

La connaissance des sérologies toxoplasmose, rubéole et cytomégalovirus avant la grossesse, permet en cas de négativité d’informer sur les mesures de prévention à adopter. Elle permet également d’avoir une sérologie de référence toujours utile en cas de doute sur une séroconversion en début de grossesse. La sérologie syphilitique, actuellement en recrudescence et la sérologie HIV sont à proposer (et également au conjoint).
 

Vaccinations

Des vaccins sont à prévoir avant la grossesse si les vaccinations de la future mère ne sont pas à jour, notamment contre la coqueluche et tout récemment le virus respiratoire syncytial (VRS).
 

Au total, sans médicaliser à outrance une grossesse qui n’est encore qu’à l’état de potentiel, la consultation préconceptionnelle permet d’anticiper au mieux et limiter les situations à risques pouvant survenir lors de la grossesse.

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