Embolisation des artères utérines et fertilité

L’embolisation des artères utérines consiste comme son nom l’indique à injecter de petites particules calibrées au sein des artères utérines dans le but d’entraîner une ischémie qui va conduire à une dévascularisation et une atrophie du ou des fibromes utérins. Il s’agit d’une alternative aux techniques chirurgicales pour le traitement de l’adénomyose et des myomes symptomatiques, en particulier chez les patientes désireuses de conserver leur utérus ou en recherche de traitement mini-invasif. La faisabilité et l’efficacité de l’embolisation utérine pour la prise en charge des fibromes utérins ont été démontrées par plusieurs études prospectives. La technique peut permettre le traitement d’utérus poly-myomateux, sans limite dans la localisation, le nombre ou la taille des myomes, même si au-delà de dix centimètres il s’avère plus difficile d’arriver à une dévascularisation complète. Il n’y a pas de contre-indications formelle, mais en pratique les myomes sous séreux pédiculés sont des indications préférentielles de traitement chirurgical en raison de leur caractère exophytique.

Historiquement, l’embolisation a suscité des inquiétudes liées à l’effet de la baisse du flux utérin sur la réceptivité endométriale, et l’implantation ultérieure d’un potentiel embryon. En effet, une partie de la vascularisation ovarienne (pédicule utéro-ovarien) nait comme son nom l’indique de l’artère utérine. Ceci a pour conséquences qu’une embolisation « standard » des artères utérines à leur origine peut avoir des conséquences ischémiques sur l’utérus et l’ovaire, et donc sur la réserve hormonale et folliculaire. Ces considérations anatomiques ont amené les radiologues interventionnels à évoluer sur les techniques d’embolisation. Les données per-intervention de l’artériographie, éventuellement couplées à de l’imagerie multiplanaire ou scanner per-intervention offrent maintenant la possibilité de localiser avec précision les pédicules artériels à l’origine de la vascularisation ovarienne, permettant par là même de mettre en œuvre des techniques de protection ovarienne, dites « fertility sparing embolization ». La principale technique consiste –lorsque celui-ci est visible- en l’occlusion d’un pédicule ovarien par des coils de platine, afin d’éviter une embolisation non cible sur l’ovaire, qui reste par ailleurs vascularisé via son pédicule lombo-ovarien[1]. Le radiologue peut aussi réaliser des embolisations « supra-selectives » en ne ciblant qu’une partie de l’utérus, ou adapter la taille des microsphères emboliques pour éviter une pénétration trop distale du réseau capillaire et les conséquences ischémiques qui en découleraient. Au final, l’embolisation est une procédure modulable, dont le degrés d’agressivité peut être adapté à la fois à l’anatomie et au contexte clinique. Le déroulement de la procédure sera donc différent pour une patiente avec un fibrome unique présentant un pédicule vasculaire distinct et responsable de métrorragies ou pour une patiente avec une dizaine de myomes de taille moyenne découverts fortuitement au cours d’un bilan d’infertilité.

Concernant les résultats en terme de fertilité dans les suite d’une embolisation, une étude Française publiée très récemment par le Dr Serres Cousine dans l’American Journal Of Obstetrics and Gynecology [2] apporte des résultats rassurants et même plutôt encourageants, confirmant les données précédemment reportées [3]. Cette étude s’est intéressée à une cohorte de 398 femmes de moins de 43 ans suivies suite à une embolisation entre 2003 et 2017. Toutes les patientes ont été embolisées selon le protocole sus-cité de « fertility sparing ». Les auteurs reportent un succès clinique de 91%, associé à une baisse moyenne de 73% de la taille des myomes. Parmi les 158 femmes avec un désir de grossesse, 102 (65%) ont débuté une grossesse, aboutissant à 134 grossesses évolutives, et 106 naissances d’enfants vivants. Ces données sont cohérentes avec 2 revues de la littérature [4, 5]qui retrouvent des taux de grossesses respectivement à 59% et entre 50 et 69% dans les suites d’une embolisation. Toujours dans cette étude, deux facteurs étaient associés à de meilleurs résultats en terme de fertilité : la réalisation d’une protection ovarienne par coiling du pédicule vasculaire ovarien pendant l’intervention, et la restauration utérine « ad integrum » sur l’IRM de contrôle post-embolisation.  Par ailleurs, le taux de fausse couche de 17% reporté dans cette étude est comparable aux données de la littérature sur le sujet. A noter que l’absence de restauration « ad integrum » de l’utérus était également significativement associée à un taux plus élevé de fausse couche. Le dernier point de cette étude, sans doute l’un des plus intéressant, concerne l’adénomyose, puisque 18% des patientes incluses dans l’étude du Dr Serres Cousine avaient une adénomyose comme co-facteur d’infertilité. On rappelle que l’adénomyose est une affection endométriale diffuse, reconnue comme un facteur de risque d’infertilité, pour laquelle il n’existe pas de solution chirurgicale conservatrice. Or, le taux de grossesse dans cette sous population n’était que discrètement inférieur à la population générale (53 vs 65%) alors que parallèlement, 86% des patientes présentaient un succès clinique. Ces résultats suggèrent que l’embolisation pourrait être une option de première intention dans la prise en charge des patientes avec coexistence de myome et d’adénomyose, souvent dans une impasse thérapeutique et en recherche d’un traitement pouvant agir sur leurs symptômes tout en préservant au maximum la fertilité.

Sur le plan hormonal, la plupart des études, y compris prospectives [6] ne retrouvent pas d’effets péjoratifs de l’embolisation sur les différents marqueurs biologiques de la réserve ovarienne (LH et FSH).

La comparaison en terme de fertilité entre myomectomie et embolisation utérine n’a jamais été étudiée dans un essai randomisé. Les études retrospectives sont difficiles à interpréter étant donné la grande hétérogénéité des populations qui y sont incluses et le nombre important de potentiels facteurs de confusion. On peut émettre comme hypothèse que le nombre de fibrome, leur taille et leur localisation, et la coexistence d’une adénomyose sont sans doute les principaux facteurs d’aide à la décision. En pratique clinique, les patientes pour lesquelles une indication d’embolisation peut être retenue préférentiellement sont celles avec des fibromes nombreux et/ou de grandes tailles, celles ayant déjà eu une chirurgie pelvienne, ainsi que les patientes avec coexistence d’une adénomyose. Lorsqu’une chirurgie conservatrice n’est plus possible chez une patiente avec un désir de grossesse, l’embolisation devrait être proposée systématiquement.  Les données à plus long terme de l’essai contrôlé randomisé FEMME récemment publié [6] apporterons peut être des informations complémentaires sur la comparaison entre embolisation et myomectomie en terme de fertilité. Néanmoins, il est important de noter que les difficultés d’enrôlement des différents essais sur le sujet (en 3 an et demi, l’essai multicentrique FEMME n’a réussi à inclure que 254 patientes au lieu des 650 initialement prévues) suggèrent que la plupart des patientes après information claire et loyale sur les différentes possibilités thérapeutiques ont un choix arrêté sur l’intervention qu’elles souhaitent réaliser.

IRM avec injection et reconstructions multiplanaires

IRM avec injection et reconstructions multiplanaires, avant et 3 mois après embolisation d’un fibrome interstitiel de 12 centimètres. On note la nécrose quasi-complète du fibrome, avec une vascularisation myométriale conservée, et une cavité utérine en cours de restitution.

Bibliographie :

  1. Pelage J-P, Le Dref O, Beregi J-P, et al (2003) Limited Uterine Artery Embolization with Trisacryl Gelatin Microspheres for Uterine Fibroids. J Vasc Interv Radiol 14:15–20. https://doi.org/10.1097/01.RVI.0000052287.26939.b0
  2. Serres-Cousine O, Kuijper FM, Curis E, Atashroo D (2021) Clinical investigation of fertility after uterine artery embolization. Am J Obstet Gynecol 225:403.e1-403.e22. https://doi.org/10.1016/j.ajog.2021.05.033
  3. Pisco JM, Duarte M, Bilhim T, et al (2017) Spontaneous Pregnancy with a Live Birth after Conventional and Partial Uterine Fibroid Embolization. Radiology 285:302–310. https://doi.org/10.1148/radiol.2017161495
  4. Mohan PP, Hamblin MH, Vogelzang RL (2013) Uterine Artery Embolization and Its Effect on Fertility. J Vasc Interv Radiol 24:925–930. https://doi.org/10.1016/j.jvir.2013.03.014
  5. Karlsen K, Hrobjartsson A, Korsholm M, et al (2018) Fertility after uterine artery embolization of fibroids: a systematic review. Arch Gynecol Obstet 297:13–25. https://doi.org/10.1007/s00404-017-4566-7
  6. Manyonda I, Belli A-M, Lumsden M-A, et al (2020) Uterine-Artery Embolization or Myomectomy for Uterine Fibroids. N Engl J Med 383:440–451. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1914735

 
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