Quand l’endométriose devient un nouveau facteur de risque cardiovasculaire !

Les femmes sont moins bien à la fois suivies mais surtout dépistées sur le plan cardiovasculaire. Aussi, identifier des facteurs de risque qui leurs seraient spécifiques est une étape clé pour une meilleure prise en charge. Ainsi, de nouveaux facteurs ont récemment émergé des données de la littérature. Parmi ceux-ci, des complications hypertensives de la grossesse, le syndrome des ovaires polykystiques, l’insuffisance ovarienne prématurée méritent une attention toute particulière. Plus récemment, l’endométriose a fait l’objet d’études dans ce sens.

L’endométriose touche 5 à 10 % des femmes en âge de procréer avec une latence d’en moyenne 7 ans au diagnostic. Sa physiopathologie n’est pas totalement élucidée mais il en résultat est une inflammation chronique qui déclencherait une dysfonction endothéliale et favoriserait une athérosclérose prématurée.  S’y associe, du fait du stress oxydatif, une augmentation de production molécules dérivant de l’oxygène à l’origine d’un vieillissement cellulaire prématuré et dont le rôle dans l’arythmie cardiaque semble important.

Etant donnés la nature inflammatoire de l’endométriose et le délai au diagnostic, des femmes jeunes atteintes d’endométriose pourrait être prédisposées à une augmentation du risque de pathologies cardiovasculaires.

Une étude anglaise a tenté d’évaluer l’association endométriose et risque cardiovasculaire. Elle a d’abord estimé la prévalence et l’incidence de la maladie entre 1998 et 2017. Une estimation du risque cardiovasculaire a ensuite été réalisée en comparant  56 090 femmes atteintes d’endométriose à 223 669 femmes contrôles.

L’incidence annuelle de l’endométriose, parmi les femmes âgées de 16 à 50 ans, a été estimée à 12,3/10 000 AF en 1998 et 11,5/10 000 AF en 2017. Bien que l’incidence soit relativement stable sur 20 ans, la prévalence augmente progressivement de 119,7/10 000 personnes en 1998 à 201,3/10 000 en 2017.

Le risque de pathologies cardiovasculaires a été évalué dans une population globale de 279 759 femmes âgées de 16 à 50 ans, d’âge moyen à l’entrée 36,7 ans. Il s’agissait de 20% de patientes endométriosiques  et 80% sans endométriose appariées pour l’âge, l’IMC et l’autorité de santé.

Entre 1995 et 2018, 1,03% des femmes avec endométriose ont déclaré une pathologie cardiovasculaire versus 0,75 % dans l’autre groupe (HR brut = 1.16 IC à 95% 1.06-1.28). L’incidence était de 1,60/1 000 AF en cas d’endométriose et 1,36 en l’absence d’endométriose.  Dans l’analyse ajustée aux facteurs de risque classiques, l’endométriose était associée  à :

  • une augmentation des coronaropathies (HR= 1.40, IC à 95% 1.22-1.61)
  • une augmentation du risque d’AVC (HR = 1.19, IC à 95% 1.04-1.36)
  • une diminution du risque d’insuffisance cardiaque (HR = 0.76, IC à 95% 0.54-1.07)
  • une augmentation du risque d’arythmie cardiaque (HR = 1.26, IC à 95% 1.11-1.44)
  • une augmentation de l’HTA (HR = 1.12, IC à 95% 1.07-1.17)
  • une diminution de la mortalité (HR = 0.59, IC à 95% 0.59-0.74)

Le risque cardiovasculaire global apparait donc bien augmenté en cas d’endométriose (HR=1.24, IC à 95% 1.13-1.37). Certains éléments permettent d’envisager une plausibilité biologique :

  • l’inflammation chronique promeut un certain degré de dysfonction endothéliale avec élévation de marqueurs pro-inflammatoires dans le liquide péritonéal mais aussi dans le sérum des femmes atteintes ; l’inflammation chronique  favorise l’arythmie cardiaque en altérant directement l’électrophysiologie cardiaque et indirectement par le biais d’un développement accéléré d’athérosclérose
  • certains biomarqueurs du stress oxydatif augmentent en cas d’endométriose ; l’exposition prolongée à des molécules dérivant de l’oxygène a été associée à une dysfonction vasculaire et cardiaque qui peut conduire à de l’arythmie du fait de phénomènes de fibrose cardiaque, de perturbation dans la conduction des canaux calciques et d’anomalies de polarisation
  • l’endométriose serait associée à une augmentation des lipoprotéines LDL associées à l’athérome
  • l’hypothèse oxydative pourrait expliquer l’association entre les facteurs de la vie reproductive et le risque cardiovasculaire ; pour que des phénomènes d’athérosclérose se produisent, les molécules dérivées de l’oxygène doivent oxyder les LDL conduisant à des altérations cellulaires, un endothélium dysfonctionnel et finalement de l’athérosclérose

Ces données suggèrent que des femmes jeunes atteintes d’endométriose devraient bénéficier d’un suivi cardiovasculaire particulièrement attentif. Une approche pluridisciplinaire associant gynécologues, cardiologues et généralistes pourrait être ainsi efficace en termes de prévention.

-----------------
Okoth K, Wang J, Zemedikum D, Thomas GN, Nirantharakumar K, Adderley NJ. Risk of cardiovascular outcomes among women with endometriosis in the United Kingdom : a retrospective matched cohort study. BJOG 2021. 128 : 1598-1609.

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.