Les polluants organiques persistants : facteur favorisant l’agressivité tumorale et le risque métastatique

Le cancer du sein est un problème majeur de santé publique avec près de 2 millions de nouveaux cas diagnostiqués en 2018 dans le monde. Le taux de survie dépend principalement du statut initial avec 99% survie à 5 ans en cas de cancer localisé, 58% en cas d’atteinte ganglionnaire chutant drastiquement à 26% lorsqu’il existe des métastases à distance. L’exposition à des polluants environnementaux pourrait représenter un facteur de risque du cancer du sein. Les polychlorophényles (PCBs) et les pesticides organochlorés (OPCs) ont été identifiés comme des perturbateurs endocriniens avec un rôle potentiel sur la carcinogénèse. Certains de ces composants sont des polluants organiques persistants (POPs), leur hydrophobicité favorisant leur accumulation dans la chaine alimentaire. Leur stockage se fait dans le tissu adipeux avec un possible relargage en continu, et de façon aigue en cas d’amaigrissement. Cependant, les preuves scientifiques d’une relation entre perturbateurs endocriniens et cancer du sein n’existent pas de façon claire à ce jour chez l’humain. Plusieurs études évoquent déjà cependant cette possible association voire celle d’une relation de causalité entre certaines de molécules et le risque de cancer.

Une équipe française vient de publier une première étude observationnelle analysant les concentrations de 49 POPs dans des échantillons de tissu adipeux péri-tumoral et dans le sérum de femmes opérées pour un cancer du sein. L’étude a été menée dans le service de chirurgie gynéco-oncologique de l’hôpital Georges Pompidou de Paris.

Ainsi, 91 femmes ont été analysées, d’âge médian de 58 à 67 ans. Plus de 71% d’entre elles étaient ménopausées. L’histologie retrouvée était principalement des carcinomes canalaires infiltrants. Le dosage de nombreux POPs a pu être réalisé dans le sérum de 87 patientes (40 N+ et 47 N-) et dans le tissu adipeux péri-tumoral des 91 patientes (38 N+ et 53 N-).

Globalement, il n’était pas retrouvé d’association significative entre les taux de POPs et le risque métastatique. En revanche, dans le sous-groupe des femmes en surpoids (IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2), une association significative apparaissait entre les taux sériques de tetrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) et le risque de N+ (aOR 4.48 (1.32-20.71)). Alors que les femmes de poids normal, aucune association n’était retrouvée. Dans l’analyse du tissu adipeux péri-tumoral, des concentrations de TCDD et de PCBs étaient associées positivement au risque métastatique et à la taille tumorale.

Une association significative était retrouvée dans d’autres sous-groupes. En effet, en cas d’envahissement ganglionnaire important (> 3 N+) ou en cas de tumeur de plus grande taille, les taux de TCCD et autres PCBs étaient significativement supérieurs. A l’inverse, une association négative apparaissait selon le statut hormonal (ER+ et PR+).

Diverses hypothèses ont été formulées pour expliquer la contribution du microenvironnement adipocytaire dans l’agressivité tumorale. Les POPs pourraient modifier le phénotype adipocytaire caractérisé alors par une augmentation de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, du stress oxydatif et de la lipolyse favorisant le relargage des substances stockées dans la graisse péri-tumorale. Cet effet indirect via la graisse péri-tumorale pourrait s’additionner à un effet direct de ces substances sur les cellules cancéreuses mammaires.

Cette première étude pourrait suggérer une association entre les concentrations de TCDD et de PCBs et le risque d’agressivité tumorale et de métastase ganglionnaire. L’exposition à ces perturbateurs endocriniens pourrait donc, en particulier chez les femmes en surpoids, contribuer à aggraver le pronostic du cancer du sein en augmentant le risque métastatique. Il s’agit, bien sûr, des résultats d’une étude préliminaire qui imposent d’être confirmés par d’autres recherches.

Référence

Koual M, Gano-Sancho G, Bats AS et al. Association between organic polluants and risk of breast cancer metastasis. Environment international 132 (2019) 105028.

 
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