Et si un taux bas d’AMH pouvait prédire la survenue d’une insuffisance ovarienne prématurée ?

L’insuffisance ovarienne précoce (IOP) est définie par une spanioménorrhée ou une aménorrhée de 4 mois chez des patientes de moins de 40 ans, associé à une FSH dans les normes des femmes ménopausées sur 2 prélèvements successifs espacés d’un mois.

La différence essentielle avec la ménopause, en dehors de l’âge de survenue, est la persistance d’une fonction ovarienne résiduelle dans la moitié des cas avec une probabilité de concevoir d’environ 5 à 10%.

L’AMH, marqueur de la réserve ovarienne, n’est utilisée habituellement que pour estimer la réponse à la stimulation ovarienne chez les patientes suivies en PMA.

Une nouvelle étude tente de déterminer la prévalence d’IOP occulte chez les femmes de moins de 30 ans en prélevant l’AMH et en analysant l’évolution de leurs cycles sur un an. Ainsi, des jeunes étudiantes d’une université d’Istanbul âgées de moins de 30 ans sans critère d’inclusion particulier ont été évaluées.

Les critères d’exclusion étaient la présence de : maladie métabolique-endocrine, SOPK, endométriose, utilisation antérieure ou actuelle de contraception orale combinée ou autres traitements affectant l’ovulation ou le fonctionnement de l’axe hypothalamo hypophysaire, chimiothérapie ou radiothérapie gonadotoxiques, ovariectomie uni ou bilatérale, maladie ou chirurgie ovarienne.

Ainsi, 963 femmes ont pu être recrutées, l’IOP occulte était définie par une AMH<1,1ng/ml. Les femmes présentant une AMH<1,1ng/ml étaient rappelées pour une deuxième visite permettant de  compléter le bilan hormonal et faire un compte des follicules antraux (CFA). Par la suite, une troisième visite un an plus tard était programmée.

L’âge moyen des étudiantes était de 20,1 ans, leur taux d’AMH moyen de 3,7 ng/ml. Un taux d’AMH <1,1ng/ml était retrouvé chez 43 femmes correspondant à 4 %. 88,4% d’entre elles rapportaient des cycles réguliers au cours de la dernière année, ce qui ne différait pas de la population ayant une AMH>1,1ng/ml.

Cependant, les femmes présentant une IOP occulte avaient des cycles significativement plus courts que les autres (60,4% vs 4,4%, p<0.0001) et le taux d’AMH était directement corrélé à la longueur des cycles (R²=0.11, p<0.0001). 60,4% des IOP occultes présentaient des cycles <25 jours vs 4.4% chez les non IOP. Six étudiantes avaient des cycles <21 jours dans le groupe IOP occulte, aucune dans les groupe non IOP.

Après un an de suivi, chez les étudiantes du groupe IOP occulte, le cycle se raccourcissait (25,1 vs 22.9 p<0.01), la FSH augmentait (10.9 vs 12.9 p<0.01), l’AMH diminuait (0,83 vs 0,37, p<0.001) ainsi que le CFA (2,4 vs 1,5, p<0,001). A l’opposé, aucune différence significative dans les taux de LH et estradiol n’était mise en évidence.

Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont évoquées concernant les mécanismes possibles de l’IOP : lutéinisation inappropriée, mutation dans le récepteur de la FSH, ovarite lymphocytaire auto-immune, accélération de l’atrésie physiologique. Le raccourcissement des cycles apparait être le meilleur indicateur clinique d’IOP.

Cette étude suggère que l’AMH pourrait être un bon indicateur de la réserve ovarienne, et son dosage une bonne indication à la recherche d’une IOP occulte, afin d’identifier les IOP plus précocement et pouvoir prendre en charge les patientes.

Cependant, plusieurs questions restent posées : quelles sont les femmes à dépister ? toutes les patientes de 30 ans ? uniquement celles ayant des cycles de moins de 25 jours ? De plus,le seuil d’AMH défini ici l’a été de façon arbitraire.

Cette étude souligne l'importance du dépistage chez les jeunes femmes de la possibilité d'une IOP occulte, car elle peut se développer de façon insidieuse sans signe annonciateur autre que des cycles plus courts. La diminution des taux d'AMH chez les personnes atteintes d’IOP occulte sur une période relativement courte rapportée ici contredit la description classique de cette entité clinique comme continuum ou persistance d'une réserve ou fonction ovarienne altérée. L'option de la cryoconservation des ovocytes pourrait représenter chez elles une solution.

 

Guzel Y, Aba YA, Yakin K, Oktem O (2017). Menstrual cycle characteristics of young females with occult primary ovarian insufficiency at initial diagnosis and one-year follow-up with serum amh level and antral follicle count. Novembre 2017, Plos one 12 (11) : e0188334. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0188334.

 
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