Comment la génétique peut rencontrer les formes cliniques des patientes avec insuffisance ovarienne prématurée

L’insuffisance ovarienne prématurée est un syndrome très hétérogène dans sa présentation clinique, ses causes connues et dans son retentissement. Récemment 2 équipes collaboratrices de Melbourne (Prof A Sinclair, E Tucker à Melbourne) et celle du Pr Ph Touraine à Paris ont fait un état des lieux de leur réflexion sur l’approche diagnostique de patientes avec IOP. Forts de leur expérience clinique sur une cohorte de 675 femmes, plusieurs messages simples sont à retenir. D’abord l’IOP peut concerner toute femme dès l’âge de début normal de la puberté, de la ménarche et ce jusqu’à 40 ans. Il n’y a pas un pic d’incidence sur une tranche d’âge donnée. Ensuite, les tableaux cliniques peuvent être variés allant de l’aménorrhée primaire à l’aménorrhée secondaire en passant par des profils fluctuants de récupération d’hémorragies de privation, signant une fluctuation dans l’activité ovarienne ; de la même façon, le statut pubertaire peut être variable allant de l’absence complète de puberté à un développement parfaitement normal. Ce qui signifie que quel que soit le tableau (de l’aménorrhée primaire avec absence de puberté à 16 ans à une aménorrhée secondaire à 18 ans chez une jeune fille parfaitement pubère et réglée auparavant) on doit penser à ce diagnostic et le dosage de FSH est là pour corroborer le diagnostic. Enfin la place de l’hormonologie et de l’imagerie est importante. Ainsi le taux de FSH a une valeur pronostique sur le plan du dysfonctionnement ovarien. L’équipe de la Pitié rappelle bien que les formes potentiellement avec récupération d’une activité ovarienne sont celles marquées par des taux anormaux certes mais modérément augmentés (30-40 mU/L) associés à des taux non nuls d’estradiol et d’inhibine B et à l’échographie la description de follicules. A l’inverse, le pronostic est sombre concernant la capacité de fluctuation lorsqu’on a une aménorrhée primaire chez une femme de moins de 20 ans.

Jusqu’à maintenant l’approche diagnostique passait par la cytogénétique avec la recherche d’anomalies chromosomiques et par la recherche d’éventuels variants de gènes candidats sur la base du phénotype clinique de la patiente. Ainsi comme présenté dans ce travail, nous restons sur la nécessité de classifier les gènes connus pour affecter le développement de l’ovaire, ceux impliqués dans la division cellulaire et la réparation de l’ADN, ceux impliqués dans la folliculogenèse et la signalisation hormonale ; enfin ceux impliqués dans l’activité de certaines enzymes aux rôles déterminés ou dans le contrôle du processus immunitaire. Ce sont chaque fois des dizaines de gènes qui peuvent être impliqués et pour lesquels leur rôle dans la fonction ovarienne sont connus ou des anomalies fonctionnelles ou non ont été décrites ponctuellement chez des femmes ou supposées existantes sur la base de modèles animaux. Aujourd’hui, les approches génétiques évoluent avec le développement de la construction de puces qui permettent de cribler plusieurs dizaines de gènes en même temps sur une plus large population. Au delà de cette approche de séquençage du génome, l’approche plus ciblée de l’analyse de l’exome  représente déjà une perspective d’identification de nouveaux variants de gènes. Ces approches ont toutes le mérite de nous apporter de nouvelles informations sur le mécanisme physiologique et pathologique du follicule ovarien.

Enfin se discutent la stratégie à adopter et la réflexion à enclencher autour de nos patientes avec IOP. Ces approches génétiques vont elles ouvrir des passerelles entre formes sporadiques et familiales, formes syndromiques non syndromiques. Et le rôle de la modulation par des facteurs environnementaux de l’expression de ces gènes doit être aussi appréhendé.

 

Premature Ovarian Insufficiency : New Perspectives on Genetic cause and Phenotypic Spectrum. Tucker et al., Endocr Rev, 2016 ; 37(6) ; 609-635

 
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