Alcool et cancer : risque majoré y compris pour des consommations modérées ?

Le lien entre l’alcoolisme et cancers est déjà bien établi. L’augmentation du risque pour une consommation modérée voir faible d’alcool est, en revanche, moins bien évaluée tout comme le rôle de l’alcool indépendamment de celui du tabac.

Un article important publié dans le British Medical Journal tente de répondre à ces questions ; les auteurs ont utilisé comme base de données 2 très grosses cohortes prospectives : la Nurses’ Health Study (NHS) initiée en 1980 (n=88 084 femmes) et le Health Profesional Follow up Study (HPFS) débutée en 1986 (n= 47 881 sujets). La période d’observation a duré 30 ans pendant laquelle des nouveaux cas de cancers sont survenus : 19 269 dans la NHS et 7 571 dans la HPFS soit 3 144 853 personnes/année.

Une des données recueillies durant toutes ces années était la consommation d’alcool. Etait définie comme une consommation légère ou modérée, l’ingestion de 5 à 14,9 grammes d’alcool pur par jour pour les femmes et 5 à 29,9 g pour les hommes. Ces chiffres correspondaient à 1 à 2 verres quotidiens (bière, vin ou autre) chez les femmes et 3 à 4 chez les hommes. La consommation moyenne à l’entrée dans les études se situait à 1,8 g/j chez les femmes et 5,6 g/j chez les hommes.

Après ajustement aux facteurs habituels, le risque relatif de cancer tout organe confondu était calculé comparativement aux abstinents :

  • RR= 1,02 (IC à 95% 0,98-1,06) pour une consommation <5g/j chez les femmes
  • RR= 1,04 (IC à 95% 1-1,09) pour une consommation de 5 à 14,9 g/j chez les femmes
  • RR= 1,03 (IC à 95% 0,96-1,11) pour une consommation <5g/j chez les hommes
  • RR= 1,05 (IC à 95% 0,97-1,12) pour une consommation de 5 à 14,9 g/j chez les hommes
  • RR= 1,06 (IC à 95% 0,98-1,15) pour une consommation de 15 à 29,9 g/j chez les hommes

Concernant spécifiquement les cancers alcoolo-dépendants (principalement le cancer du sein), le RR = 1,13 (IC à 95% 1,06-1,20) pour une consommation de 5 à 14,9 g/j chez les femmes.

La consommation d’alcool est donc associée à un risque de cancer avec une tendance qui apparait pour des niveaux d’alcool plus bas chez la femme (p trend<0.001) que chez l’homme (p trend=0.006). Le risque devient significatif chez les femmes en ce qui concerne les cancers alcoolo-dépendants (avec pour chef de file le cancer du sein) dès 1 à 2 verres d’alcool/j. Pour de faibles consommations, les hommes ayant déjà fumé avaient un risque supérieur de cancer toutes causes confondues comparativement à ceux qui n’avaient jamais fumé.

Parmi les cancers alcoolo-dépendants, l’organe le plus fréquemment touché était le sein chez les femmes et le colon chez les hommes.

L’augmentation du risque était similaire pour tous les types de boissons évoquant le rôle de l’éthanol plus que tout autre composant. L’acétaldéhyde, premier et plus toxique des métabolites de l’éthanol, est un agent carcinogène en particulier par inhibition de la méthylation du DNA. Le tissu mammaire semble y être plus sensible encore du fait de modifications des taux d’estrogènes et d’androgènes par l’alcool.

D’après les auteurs de ce papier, la consommation d’alcool est associée, chez les femmes, à un risque majoré des cancers alcoolo-dépendants (principalement le cancer du sein) même pour de faibles consommations (moins de 15 g / j). D’autres études devront confirmer cette tendance avant de donner des directives autoritaires à nos patientes !

Cao Y, Willett WC, Rimm EB, Stampfer MJ, Giovannucci EL. Light to moderate intake of alcohol, drinking patterns, and risk of cancer: results from two prospective US cohort studies. BMJ 2015;351:h4238 I doi:10.1136

 
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