Radiothérapie mammaire et coronaropathie: mythe et réalité

Article : Risk of Ischemic Heart Disease in Women after Radiotherapy for Breast Cancer, Darby et al, NEJM 2013, Vol 368, N°11, 987-998

L’augmentation du risque de coronaropathie liée à l’irradiation cardiaque est une réalité bien connue. Elle peut se manifester de nombreuses années après la fin du traitement. Compte tenu des incidences élevées de coronaropathie et de cancer du sein dans la population générale et de la survie prolongée des femmes atteintes de cancer du sein, cet impact mérite d’être apprécié avec précision. Darby et al ont mené une grande étude cas-témoin chez des patientes scandinaves ayant reçu une radiothérapie pour cancer du sein dans les années 1970 à 2000 en fonction de l’apparition ou non d’une coronaropathie majeure. Ils ont montré que l’augmentation du risque de coronaropathie était de 7,4%, en relatif,  par Gy (unité de mesure de la dose délivrée par radiothérapie) reçu en moyenne par le cœur et ne connaissait pas de valeur plancher (c’est à dire commence dès une irradiation modérée du cœur). Le premier message fort était que cette augmentation relative du risque de coronaropathie était la même chez les patientes avec ou sans facteurs de risque cardiovasculaire. L’augmentation absolue des coronaropathies est donc plus marquée chez les patientes avec facteurs de risque tel que le tabac, le diabète et l’obésité. L’exemple donné par les auteurs est celui d’une femme de 50 ans avec une dose moyenne au cœur de 3Gy. Elle serait exposée à un risque de développer une cardiopathie ischémique avant l’âge de 80 ans majoré de 0,5% (2,4% vs. 1,9%) en l’absence ou de 0,7% (4,1% vs. 3,4%) en présence d’un facteur de risque cardiovasculaire. Le deuxième message était que cette augmentation de la coronaropathie peut apparaître précocement, dès les 5 premières années et persiste au moins 20 ans après le diagnostic de cancer du sein. Enfin, la dose reçue à l’interventriculaire antérieure semble s’effacer devant celle reçue en moyenne au cœur.

L’étude souffre de faiblesses méthodologiques inhérentes à l’ancienneté des radiothérapies concernées. Il a fallu ainsi essayer d’estimer la dose reçue au cœur chez des patientes pour lesquelles la radiothérapie n’avait pas comporté de préparation dosimétrique tridimensionnelle telle qu’elle est réalisée de façon standard aujourd’hui. Les traitements systémiques étaient également différents de ceux administrés de nos jours avec un recours moindre à la chimiothérapie, très anecdotique aux anti-aromatases et nul au trastuzumab (Herceptin), connus pour avoir leur propre impact sur la cardiotoxicité.

 En conclusion, cette nouvelle étude confirme l’importance qu’il y a à évaluer précisément la dose reçue par le cœur et à la minorer autant que faire ce peut, particulièrement chez les patientes ayant des facteurs de risque cardiovasculaires. Il faut cependant souligner l’impact de la radiothérapie locorégionale du cancer du sein sur la mortalité globale (donc en prenant en compte l’éventuelle augmentation du risque de décès liés à la radiothérapie) démontrée dans la méta-analyse portant sur plus de 10.000 femmes traitées avant l’an 2000. La radiothérapie permet une diminution relative des décès de 22%  chez les patientes avec cancer N+, correspondant à une augmentation de 7% de la survie globale à 15 ans. 

 
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