Diagnostic et prise en charge du lichen scléro-atrophique vulvaire

Le lichen scléro-atrophique vulvaire (LSAV) est une pathologie encore mal connue de la plupart des cliniciens, y compris des gynécologues, ce qui conduit malheureusement assez souvent au retard de son diagnostic et à l’installation de lésions irréversibles. Elle est pourtant loin d’être exceptionnelle avec une prévalence estimée de l’ordre de 1 % de la population féminine. S’il touche essentiellement des femmes ménopausées, le LSAV peut aussi se voir chez la femme jeune et chez la petite fille. Il se caractérise par des lésions vulvo-périnéales qui épargnent le vagin. Sa localisation est typiquement génitale mais des lésions extra-génitales sont également possibles et doivent être recherchées, notamment au niveau de la muqueuse buccale.

Typiquement, le LSAV se caractérise par des remaniements cutanés blanchâtres d’aspect nacré, éventuellement associés à des zones leucoplasiques et/ou érythroplasiques. Au fil du temps, le LSAV va entraîner des remaniements de la vulve avec une réduction de son volume global et de ses reliefs. L’un des signes caractéristiques du LSAV est la réduction de la taille des petites et des grandes lèvres qui vont petit à petit fusionner entre elles jusqu’à disparaître (Illustration 1). 

Le LSAV va également entraîner une réduction de la taille de l’orifice vulvaire et la perte de son élasticité, à l’origine de dyspareunies rendant les rapports difficiles et parfois même impossibles. Dans sa forme la plus évoluée, le LSAV peut aboutir à la fermeture complète de l’orifice vulvaire (Illustration 2). Si la vulve est le plus souvent globalement atteinte, il existe aussi des formes localisées à une partie de la vulve comme le capuchon clitoridien ou la fourchette vulvaire (Illustration 3). Il faut aussi savoir que le lichen existe également chez l’homme avec des lésions d’aspect similaire du fourreau de la verge.

Le signe d’appel du LSAV est un prurit vulvaire plus ou moins invalidant et bien sûr résistant au traitement antifungique. Il peut aussi s’agir d’un sentiment de cuisson vulvaire pouvant être plus ou moins localisé. Le tableau clinique le plus typique est celui d’une patiente consultant pour des mycoses à répétition et résistantes aux traitements usuels. Ces patientes ont généralement vu un grand nombre de médecins différents sans que le diagnostic n’ait été évoqué auparavant. Mais il faut savoir que la surinfection mycotique du LSAV est fréquente, favorisée par les bains de sièges et les toilettes répétées que les patientes font pour se soulager.

Le diagnostic du LSAV est clinique, la biopsie n’est indiquée qu’en cas de doute diagnostique ou de la crainte d’une dégénérescence. Le tableau clinique doit faire indiquer l’application vulvaire quotidienne de dermocorticoïdes locaux (typiquement CLOBETASOL 0,05 %). L’amélioration et la disparition des symptômes après 15 jours de traitement constitue en soi un test diagnostique. Il faut ensuite mettre en place un traitement chronique dont la posologie sera à adapter en fonction de chaque patiente. Si l’application hebdomadaire ou bihebdomadaire de dermocorticoïdes locaux est adaptée à la plupart des cas, certaines patientes auront besoin de doses plus importantes. L’adaptation de la posologie se fait en fonction du contrôle des symptômes. La bonne posologie est atteinte lorsque les démangeaisons et/ou les douleurs ont disparu. Leur réapparition signe un sous-dosage du traitement et doit faire augmenter les doses jusqu’à atteindre un équilibre. Attention, lors de l’instauration du traitement, il faut savoir diagnostiquer une surinfection mycotique initiale fréquente, qu’il faudra traiter avant la mise en route du traitement par dermocorticoïdes. Si le traitement va permettre le contrôle de la symptomatologie, il va également permettre de stopper l’évolution de la maladie et de prévenir l’atrophie vulvaire. Il ne permettra par contre pas de faire disparaître les lésions déjà apparues, qui sont malheureusement irréversibles. Ceci est d’autant plus préjudiciable pour les patientes que le diagnostic est fait tardivement et cette caractéristique du LSAV rend son diagnostic précoce d’autant plus important.

Si l’évolution atrophique du LSAV est extrêmement morbide pour les patientes avec un impact souvent important sur leur qualité de vie et leur sexualité, il expose également au risque de dégénérescence carcinologique. Ainsi, le LSAV expose au risque de néoplasie intraépithéliale vulvaire (VIN) différenciée, puis de cancer de la vulve. La VIN différenciée doit être évoquée devant l’apparition d’une zone érythroplasique et/ou leucokératosique (Illustrations 4 et 5). Si le diagnostic du LSAV est avant tout clinique, la suspicion d’une VIN différenciée devra faire indiquer la réalisation d’une biopsie. La possibilité d’apparition de ce type de lésion impose un suivi régulier des patientes chez lesquelles un examen vulvaire annuel est indiqué. Le diagnostic de cancer est le plus souvent évident avec l’existence d’une masse ulcéro-bourgeonnante douloureuse caractéristique (Illustrations 6 et 7).

L’une des grandes difficultés du LSAV est de faire un diagnostic précoce, pour éviter l’installation des lésions irréversibles, à un stade de la maladie ou les signes cliniques sont encore discrets. L’autre difficulté est de savoir faire le diagnostic chez les femmes jeunes, qui peuvent être aussi atteintes par cette maladie avec un risque évolutif important et une morbidité maximale (Illustrations 8 et 9)

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