Y a-t-il un meilleur moment pour faire une version par mamoeuvre externe en cas de présentation de siège ?

Lecture critique de l’article : Hutton et al. The early external cephalic version (ECV) 2 trial: an international multicentre randomised control trial of timing of ECV for breech pregnancies. BJOG 2011; 118: 564-77.

En 2000, le « Term Breech Trial », secondairement appuyé par les méta-analyses de la Cochrane publiées en 2001 et 2003, concluaient à la supériorité de la césarienne programmée sur l’accouchement par voie basse du fœtus à terme en présentation du siège en matière de mortalité et de morbidité néonatale sévère (1-3). Ces résultats ont ensuite été enrichis par la publication des données du suivi à long terme des patientes du TBT. Ainsi, la pratique d’une césarienne programmée pour le fœtus en présentation du siège à terme ne réduirait pas le risque de décès néonatal, ni de séquelles neurologiques jusqu’à l’âge de 2 ans (4) et ne modifierait pas le devenirs maternels à 3 mois, puis à 2 ans (5, 6). Toutes ces publications ont eu un impact majeur sur la pratique obstétricale qui, il faut bien le reconnaître, avait déjà commencé de s’orienter vers la césarienne programmée. Beaucoup de centres ont ainsi revu leurs pratiques. En France, on estime qu’entre 1972, 1995-98 et 2003, le taux de césariennes programmées pour fœtus en présentation du siège à terme est passé de 14,5 % à 42,6 % et à 74,5 %, respectivement (7). Pourtant, A ce jour, il n’existe toujours pas de consensus national et l’avis des obstétriciens français sur ce sujet reste très partagé. Certains auteurs considèrent toujours qu’un accouchement voie basse peut être envisagé sous réserve du respect de critères de sélection stricts et de la prise en charge par un obstétricien expérimenté (8-10). Une telle attitude est d’ailleurs supportée par les résultats d’une étude observationnelle prospective Franco-Belge publiée en 2007 par Goffinet et al. qui, en comparant 5579 césariennes programmées à 2526 ABVS programmés, n’a pas mis en évidence de différence significative en terme de mortalité fœtale et néonatale et de morbidité néonatale sévère (11).

Avec 3 à 4 % des grossesses à terme, en France, chaque année, la présentation du siège concernerait près de 24000 naissances. La principale limite à l’adoption d’une politique de césarienne programmée systématique des grossesses à terme dont le fœtus est en présentation du siège est l’augmentation du nombre d’utérus cicatriciels et la morbidité obstétricale et maternelle qui en découle, tout particulièrement du fait de l’augmentation de risque de rupture utérine et de placenta accreta. Finalement, une des réponses à la prise en charge de ces grossesses est d’agir en amont en disposant de moyens efficaces pour éviter les cas de présentation du siège à terme. La version par manœuvre externe (VME) permet, à l’aide de la manipulation transabdominale « externe » du mobile fœtal, de mettre en présentation céphalique un fœtus initialement en siège. Une revue de la littérature réalisée par la Cochrane a montré que la pratique d’une VME réalisée à terme (à partir de 37 SA) permet de diminuer significativement la probabilité d’une présentation non céphalique du fœtus mais aussi de césarienne (12). Pour cette raison, la pratique d’une VME est recommandée, en l’absence de contre-indication, pour toute patiente dont le fœtus est en siège à terme. Malgré une efficacité réelle de la VME, le taux d’échec reste important, estimé à 40 %. Le moment idéal pour réaliser une VME reste débattu et il est tentant de vouloir la réaliser plus tôt au cours de la grossesse en espérant augmenter le taux de succès immédiat de la VME mais en prenant le risque que le fœtus se verse à nouveau en siège dans les jours suivant la version. Cet essai prospectif randomisé multicentrique mené sur 21 pays évalue le bénéfice de la réalisation précoce d’une VME pour présentation du siège à la fois sur la réduction du taux de présentations non céphaliques à terme mais aussi sur le taux de césarienne. Au total, ce sont 1543 grossesses simples dont le fœtus était en présentation caudale entre 33 et 35 SA qui ont été inclues. Elles ont ensuite été randomisées en deux groupes et avaient soit une VME précoce, réalisée avant 35 SA, soit une VME « classique » c’est-à-dire réalisée à partir de 37 SA. Les résultats montrent que, par rapport à une VME classique, la pratique d’une VME précoce permettait de diminuer significativement la probabilité de fœtus en présentation non céphalique : 314/765 (41,1 %) vs. 377/768 (49,1 %) ; risque relatif (RR) : 0,84 ; intervalle de confiance à 95 % (IC à 95 %) : 0,75-0,94 ; p = 0,002. Par contre aucun impact sur le taux de césarienne n’a été observé dans les deux groupes : 398/765 (52,0 %) vs. 430/768 (56,0 %) (RR : 0,93 ; IC à 95 % : 0,85-1.02 ; p = 0,12) ni sur le taux d’accouchement prématuré : 50/765 (6,5 %) vs. 34/768 (4,4 %) (RR : 1,48 ; IC à 95 % : 0,97-2,26 ; p=0,07). Enfin, les taux de complications fœtales et de morbidité maternelle sévère observés après randomisation n’étaient pas significativement différent entre les deux groupes : p=0,23 et p=0,22, respectivement. Le fait que, malgré une randomisation prospective des grossesses, la réduction significative du taux de fœtus en présentation du siège à terme après VME précoce ne soit pas suivie d’une diminution du taux de naissance par césarienne est une des surprises de cet essai. La randomisation des patientes a permis de constituer deux groupes homogènes et de limiter les biais de sélection pouvant expliquer un tel résultat. Une des explications pourrait tout simplement être la faible puissance de cette étude liée au nombre limité de grossesses inclues. Néanmoins, le fait qu’il faille inclure plus de cas pour montrer un effet plaide en faveur d’un bénéfice qui, s’il existait, est néanmoins très limité en pratique médicale courante. Enfin, on peut regretter que les auteurs n’aient pas analysé le sous-groupe des nullipares chez lesquelles une VME précoce pourrait être plus particulièrement bénéfique du fait d’une tonicité utérine un peu plus marqué, gênant en théorie la pratique même de la VME. Mais ce point reste toujours de l’ordre de l’hypothèse...

Au final, si cet essai confirme l’efficacité connue de la VME, il ne montre pas de réel bénéfice à ce que celle-ci soit réalisée plus tôt pendant la grossesse. Il est donc difficile de tirer un enseignement pratique des résultats de cette étude pour la prise en charge de nos patientes. On peut juste conclure que la pratique d’une VME précoce ne semble pas augmenter la morbidité materno-fœtale.

Pour en savoir plus :

  • Hannah ME, Hannah WJ, Hewson SA, Hodnett ED, Saigal S, Willan AR. Planned caesarean section versus planned vaginal birth for breech presentation at term: a randomised multicentre trial. Term Breech Trial Collaborative Group. Lancet 2000; 356:1375-83.
  • Hofmeyr GJ, Hannah ME. Planned caesarean section for term breech delivery. Cochrane database of systematic reviews (Online) 2003(3):CD000166.
  • Hofmeyr GJ, Hannah ME. Planned Caesarean section for term breech delivery. Cochrane database of systematic reviews (Online) 2001(1):CD000166.
  • Whyte H, Hannah ME, Saigal S, Hannah WJ, Hewson S, Amankwah K, et al. Outcomes of children at 2 years after planned cesarean birth versus planned vaginal birth for breech presentation at term: the International Randomized Term Breech Trial. American journal of obstetrics and gynecology 2004; 191: 864-71.
  • Hannah ME, Whyte H, Hannah WJ, Hewson S, Amankwah K, Cheng M, et al. Maternal outcomes at 2 years after planned cesarean section versus planned vaginal birth for breech presentation at term: the international randomized Term Breech Trial. American journal of obstetrics and gynecology 2004; 191: 917-27.
  • Hannah ME, Hannah WJ, Hodnett ED, Chalmers B, Kung R, Willan A, et al. Outcomes at 3 months after planned cesarean vs planned vaginal delivery for breech presentation at term: the international randomized Term Breech Trial. Jama 2002; 287: 1822-31.
  • Carayol M, Blondel B, Zeitlin J, Breart G, Goffinet F. Changes in the rates of caesarean delivery before labour for breech presentation at term in France: 1972-2003. European journal of obstetrics, gynecology, and reproductive biology 2007; 132: 20-6.
  • Vendittelli F, Pons JC, Lemery D, Mamelle N. The term breech presentation: Neonatal results and obstetric practices in France. European journal of obstetrics, gynecology, and reproductive biology 2006; 125: 176-84.
  • Sentilhes L, Goffinet F, Talbot A, Diguet A, Verspyck E, Cabrol D, et al. Attempted vaginal versus planned cesarean delivery in 195 breech first twin pregnancies. Acta obstetricia et gynecologica Scandinavica 2007; 86: 55-60.
  • Al-Inizi SA, Khayata G, Ezimokhai M, Al-Safi W. Planned vaginal delivery of term breech remains an option--result of eight years experience at a single centre. J Obstet Gynaecol 2005; 25: 263-6.
  • Goffinet F, Carayol M, Foidart JM, Alexander S, Uzan S, Subtil D, et al. Is planned vaginal delivery for breech presentation at term still an option? Results of an observational prospective survey in France and Belgium. Am J Obstet Gynecol 2006; 194: 1002-11.
  • Hofmeyr GJ, Kulier R. External cephalic version for breech presentation at term. Cochrane Database Syst Rev 2005; 1: CD000083.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.