Grossesse après 45 ans

Lecture critique de l’article : Yogev et al. Pregnancy outcome at extremely advanced maternal age. Am J Obstet Gyn 2010; 558: e1-6.

Cette étude rétrospective israélienne s’est intéressée au devenir obstétrical des grossesses obtenues après 45 ans. Pour cela, les auteurs ont repris les 79650 naissances ayant eu lieu à la maternité de l’Hôpital Universitaire Sackler à Tel Aviv, Israël entre 2000 et 2008. Les données obstétricales des 177 (0,2 %) femmes dont l’âge au moment de leur accouchement était de 45 ans et plus ont été comparées après appariement avec un ratio de comparaison de 10:1 à celles de patientes plus jeunes en distinguant 3 groupes : les 20-29 ans, 30-39 ans et 40-44 ans. Au total, ce sont les données de 5487 patientes qui ont été analysées, dont 177 patientes de 45 ans et plus contre 1770 patientes de 20 à 29 ans, 1770 de 30 à 39 ans et 1770 de 40 à 44 ans. Seules les patientes ayant accouché après 24 SA étaient éligibles pour cette étude. On notera que 141 (79 %) grossesses survenues chez les femmes de 45 ans et plus ont été obtenues après don d’ovocyte. Comme on pouvait le prévoir, les caractéristiques des différents groupes comparés étaient significativement différentes pour l’âge moyen des patientes, bien entendu, mais aussi la parité, la proportion d’obèses, de grossesses multiples, d’utérus cicatriciel, d’hypertendues chroniques et de diabétiques. Toutes ces situations étaient d’ailleurs d’autant plus fréquentes que les patientes étaient plus âgées.

Concernant le devenir obstétrical de ces patientes, les auteurs n’ont rapporté aucun cas de décès maternel parmi les patientes étudiées. Ils ont observé, par contre, une augmentation significative du taux de naissances prématurées pour les patientes de 45 ans et plus par rapport aux 3 groupes témoins : 38 (21,5 %) vs. 130 (7,7%) pour les 20-29 ans, 152 (9,1 %) pour les 30-39 ans, et 221 (12,8 %) pour les 40-44 ans (p<0,001). Cette différence était également significative lorsqu’on considérait les naissances avant 34 SA, mais aussi avant 32 SA. Par rapport aux témoins, les patientes de 45 ans et plus ont accouché plus fréquemment par césarienne : 28,9 % vs. 78,5 %, respectivement (p<0,001). Les indications de césarienne parmi ces femmes étaient : la présentation du siège dans 30 (21,6 %) cas, une grossesse multiple dans 8 (5,8 %) cas, une disproportion dans 6 (4,3 %) cas, une anomalie du rythme cardiaque fœtal dans 12 (8,6 %) cas, un placenta praevia dans 3 (2,2 %) cas, un utérus cicatriciel dans 23 (16,5 %) cas, une macrosomie dans 8 (7 %) cas et enfin la césarienne était réalisée sur demande maternelle dans 20 (14,4 %) cas. Dans les autres cas, l’indication de césarienne n’était pas précisée. On notera que, par rapport aux témoins, la césarienne était plus souvent indiquée chez les femmes de 45 ans et plus pour une présentation du siège (p=0,006), pour une disproportion (p<0,001) et pour une anomalie du rythme cardiaque fœtal (p=0,04) alors qu’elles étaient moins souvent indiquées pour un utérus cicatriciel (p<0,001). En plus de tout cela, les femmes de 45 ans et plus ont présenté un taux significativement plus élevé de placenta praevia (p<0,001), d’hémorragie de la délivrance (p=0,007), de transfusion sanguine (p=0,012), de fièvre du post-partum (p<0,001) et d’hospitalisation prolongée (p<0,001). Enfin, le taux de déchirure périnéale sévère (périnée complet compliqué ou non) n’était pas significativement différent entre les groupes.

Concernant le devenir néonatal, les auteurs ont observé un taux d’enfants de petit poids de naissance (<2500g) significativement plus élevé pour les patientes des 45 ans et plus par rapport aux autres (p<0,001). Le taux d’admission en réanimation pédiatrique était également plus élevé chez les patientes de 45 ans et plus. Par contre, aucune différence significative n’a été observée entre les patientes de 45 et plus et les témoins en ce qui concerne le taux d’enfants de poids de naissance inférieur à 1500 grammes, d’hypotrophie, de score d’APGAR moyen à 5 minutes de vie et de mortalité néonatale.

Enfin, les auteurs ont analysé le sous-groupe des 27 patientes de 50 ans et plus. Comparées aux 150 patientes de 45-49 ans, les femmes de 50 ans et plus ont présenté un taux significativement plus élevé d’hypertension artérielle gravidique et de préeclampsie (p=0,04), de diabète gestationnel (p=0,01), d’accouchement prématuré (<37 SA) (p=0,006) et d’accouchement prématuré plus sévère (<34 SA et <32 SA) (p=0,04).

Même si les grossesses après 40 ans restent relativement rares, l’évolution des comportements et le recul progressif de l’âge de la première grossesse observée chez les femmes des pays développés rendent nécessaire des études telles que celle-ci afin de permettre une meilleure connaissance de cette situation et d’appréhender au mieux le suivi de ces patientes. Ainsi, d’après le rapport démographique publié par l’INSEE en 2008, l'âge moyen des femmes à la maternité en France approcherait les 30 ans, soit deux années de plus qu'à la fin des années quatre-vingt. Cet âge moyen était de 26,7 ans en 1975, 28,7 ans en 1993 et 29,3 en 2000. Les enfants nés en 2008 étaient 21,5 % à avoir une mère âgée de 35 ans ou plus alors qu’ils étaient 20 % trois ans plus tôt et 16,5 % il y a dix ans. De même, la proportion d’enfants nés de mères âgées de 40 ans ou plus progresse régulièrement. Ainsi, le taux de fécondité des femmes de 40 ans ou plus est passé de 0,4 en 1994, à 0,5 en 2000 et 0,7 en 2009. Cette constatation s’applique à l’ensemble des pays de l’Union Européenne, à l'exception des pays de l'Europe de l'Est. Cette tendance peut être expliquée par l’avènement de la contraception orale, la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse et le développement de techniques de procréation médicalement assistée de plus en plus performantes. Parallèlement, des changements de comportement ont été enregistrés durant les dernières décennies. Le désir de grossesse lors d’une nouvelle union est un de ces changements. Enfin, et plus particulièrement chez les femmes diplômées, l’allongement de la durée des études et l’investissement dans leur carrière professionnelle explique en partie le report de l’âge de la première grossesse.

Une des premières constatations liées à cette étude est que, parce que la fertilité des femmes de plus de 45 ans diminue massivement, une large proportion de ces grossesses est obtenue par don d’ovocyte ; celui-ci reste d’ailleurs illégal sur le territoire Français, mais est couramment pratiqué dans des pays limitrophes. Rappelons que dans cette étude, c’est 79 % des grossesses chez des femmes de plus de 45 ans qui ont été obtenues après don d’ovocyte.

Cette étude, retrouve les mêmes complications que celles classiquement décrites dans la littérature chez des femmes de plus de 40 ans. En effet, même si les résultats publiés dans la littérature sont parfois discordants, la plupart des études retrouvent dans cette classe d’âge une augmentation de la prévalence du diabète gestationnel, des pathologies hypertensives gravidiques, de la prématurité, des extractions instrumentales, des césariennes, des petits poids de naissance. Ainsi, les auteurs concluent que les grossesses après 45 ans sont sujettes à un taux significativement plus élevé de complications obstétricales et néonatales. Ces femmes sont plus à risque que les autres de diabète gestationnel, de complication hypertensive de la grossesse, de placenta praevia, d’accouchement prématuré, de naissance par césarienne et d’hémorragie de la délivrance. Il est intéressant de remarquer que ces complications semblent être d’autant plus fréquentes que l’âge maternel avance. La comparaison des rares cas de grossesses obtenues après 50 ans en est le dernier témoin puisque, malgré la petite taille de cet échantillon et en comparaison avec les patientes de 45-49 ans, le taux d’hypertension artérielle gravidique et de préeclampsie, de diabète gestationnel et d’accouchement prématuré sévère ou non étaient significativement plus élevé après 50 ans. Certes, nous pouvons reprocher à cette étude son caractère rétrospectif et la relative petite taille de l’échantillon analysé. Néanmoins, il semble difficile à ce jour d’envisager un autre moyen de mettre la lumière sur ces grossesses. En l’absence de résultats d’études propse, ces résultats nous permettent de mieux informer nos patientes envisageant une grossesse après 44 ans.

Pour en savoir plus :

  • Pla A. Rapport démographique de 2008. In: INSEE, ed., 2008 (vol 1220). Disponible sur www.insee.fr/fr
  • La fécondité des femmes nées en France. INED 2010. Disponible sur www.ined.fr
  • Cleary-Goldman J, Malone FD, Vidaver J, et al. Impact of maternal age on obstetric outcome. Obstet Gynecol 2005;105:983-90.
  • Joseph KS, Allen AC, Dodds L, Turner LA, Scott H, Liston R. The perinatal effects of delayed childbearing. Obstet Gynecol 2005;105:1410-8.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.