Diagnostic non invasif de la trisomie 21 sur sang maternel

Lecture critique de l’article : Ehrich et al. Noninvasive detection of fetal trisomy 21 by sequencing of DNA in maternal blood: a study in a clinical setting. Am J Obstet Gynecol 2011; 204(3): 205.e1-205.e11.

Au fil des années, le dépistage et le diagnostic des anomalies chromosomiques a connu de nombreuses évolutions. En permettant de dépister mieux et plus vite, la récente introduction du dépistage des anomalies chromosomiques au premier trimestre de la grossesse, telle qu’elle est recommandée par la Haute Autorité de Santé (HAS), constitue une nouvelle étape dans la pratique de ce dépistage (1). Il implique également une obligation de qualité de la part des échographistes anténataux en leur imposant une accréditation de leur pratique de la mesure de la clarté nucale. En plus de l’optimisation du dépistage des anomalies chromosomiques, un tel dépistage précoce a pour but de diminuer le recours aux gestes invasifs que sont l’amniocentèse et la biopsie de trophoblaste, qui même entre des mains expertes, conservent une morbidité avérée et exposent au risque de perte fœtale dans près de 0,5 % des cas. La pire des situations reste bien évidemment la survenue d’une perte fœtale en l’absence de toute anomalie chromosomique suite à un faux positif des tests de dépistage maternels ou, pire encore, d’une pratique abusive de l’amniocentèse ou de la biopsie de trophoblaste. Pour cette raison, la caisse nationale d’assurance maladie ne prend plus en charge la pratique d’une amniocentèse de principe chez les femmes de 38 ans et plus (2). L’âge maternel seul étant un très mauvais facteur prédictif d’anomalie chromosomique et les outils de dépistage étant aujourd’hui de plus en plus performant, il est impératif que ces techniques invasives ne soient réservées qu’à des patientes correctement sélectionnées en fonction des résultats des tests non invasifs réalisés idéalement au premier trimestre ou bien, à défaut, au second trimestre de la grossesse.

La découverte en 1997 de l’existence d’ADN fœtal libre circulant dans la circulation maternelle a ouvert de toutes nouvelles perspectives (3). Il est hautement probable que l’étape suivante du dépistage de ces anomalies chromosomiques reposera très prochainement sur la pratique de tests non invasifs reposant sur la détection d’ADN fœtal dans la circulation sanguine maternelle. Ces tests seraient capables de porter un diagnostic fiable d’anomalie chromosomique sur un simple prélèvement sanguin maternel, ou du moins, dans un premier temps de permettre une sélection encore plus pertinente des patientes devant bénéficier de gestes invasifs et potentiellement à risque pour le déroulement de la grossesse. Aujourd’hui, de tels tests sont déjà au point et commencent à être utilisés en pratique courante notamment pour le diagnostic du rhésus sanguin fœtal chez les mères rhésus négatif ou pour le diagnostic du sexe fœtal dans le cadre des maladies liées à l’X. L’utilisation de l’ADN libre fœtal dans le sang maternel pour le diagnostic non invasif de la trisomie 21 reste encore du domaine de la recherche. Plusieurs techniques ont été utilisées telles que l’étude des polymorphismes nucléotidiques, de la méthylation de l’ADN ou de l’expression de transcrits d’ARN. Le séquençage et la quantification de marqueurs spécifiques (MPSS : multiplexing massively parallel shotgun sequencing) du chromosome 21 semble être une technique particulièrement prometteuse. Elle consiste à quantifier des séquences cibles spécifiques du chromosome 21 pour permettre une évaluation quantitative de la présence du chromosome 21 fœtal dans le sang maternel.

Dans cette étude prospective américaine publiée par une équipe de San Diego, les auteurs évaluent l’utilisation de cette technique chez 480 patientes dont la grossesse était considérée à risque de trisomie 21 en fonction des critères suivants : marqueurs sériques maternels positifs, age maternel = 35 ans au moment de l’accouchement, présence d’une anomalie échographique fœtale évocatrice ou un antécédent familial et/ou personnel faisant évoquer la possibilité d’une trisomie 21 (4). Toutes ces patients avaient également bénéficié d’une amniocentèse ou d’une biopsie de trophoblaste permettant la réalisation d’un caryotype fœtal pour un diagnostic de certitude et comparaison avec les résultats obtenus par MPSS. Au final, l’analyse n’a porté que sur 449 cas, les contrôles de qualité pour l’extraction de l’ADN libre fœtal, la qualité du séquençage obtenu et d’évaluation quantitatifs n’étant pas satisfaisant pour 18 patientes qui ont été secondairement exclues de l’étude ; treize autres ont été exclues suite à des problèmes techniques lors de la gestion des prélèvements. Au final, sur les 449 grossesses à risque testées, 39 présentaient une trisomie 21 au caryotype fœtal fait par prélèvement invasif. L’utilisation du MPSS concluait à la positivité de 40 échantillons, soit un seul faux-positif et aucun faux négatif. Au final, les auteurs rapportaient une sensibilité et une spécificité de cette technique à permettre le diagnostic de trisomie 21 de 100 % (IC à 95 % : 89-100 %) et 99,7 % (IC à 95 % : 98,5-99,9 %), respectivement.

Les résultats de cette étude sont particulièrement encourageants et illustrent l’excellente performance de cette technique non invasive pour le diagnostic de la trisomie 21. Si ces performances diagnostiques ne sont pas parfaites, elles sont néanmoins exceptionnellement élevées. Surtout, cette étude ne rapporte aucun cas de faux négatif (valeur prédictive négative de 100%) puisque parmi les échantillons testés négatifs pour la trisomie 21 en MPSS, aucun fœtus n’était effectivement atteint de trisomie 21. Bien évidemment, ces résultats doivent être validés par d’autres études mais il semble évident que l’utilisation des tests non invasifs représente l’avenir du dépistage de la trisomie 21. Dans un premier temps, avec une valeur prédictive positive rapportée ici de 97,5 %, l’utilisation de telles techniques pourrait permettre une sélection ultra poussée des grossesses devant ou non bénéficier d’un prélèvement invasif. A ce jour, l’utilisation de telles techniques est encore inenvisageable du fait des coûts engendrés qui restent prohibitifs. Mais de tels coûts pourraient rapidement diminuer avec la standardisation et la diffusion de ces techniques. Le fait que seule la trisomie 21 était ici testée est aussi limitatif puisque ne permettant pas le diagnostic des autres aneuploïdies fœtales. Néanmoins, voici une étude qui apporte une vision sur l’avenir du dépistage de la trisomie 21. On ne peut que prévoir l’apparition prochaine de ces techniques dans notre pratique obstétricale courante.

Pour en savoir plus :

  • Haute Autorité de Santé (HAS). Evaluation des stratégis de dépistage de la trisomie 21. Recommandation en santé publique. 2007. http://www.has-sante.fr/[...] (consulté le 27 Mars 2011).
  • Journal Officiel de la Répblique Française du 27 Octobre 2009. Décision du 06 Juillet 2009 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie. http://www.journal-officiel.gouv.fr/framset.html (consulté le 27 Mars 2011).
  • Lo et al. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet 1997;109:217-25.
  • Ehrich et al. Noninvasive detection of fetal trisomy 21 by sequencing of DNA in maternal blood: a study in a clinical setting. Am J Obstet Gynecol 2011; 204(3): 205.e1-205.e11.

 
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