Prévention de l'accouchement prématuré : un simple pessaire suffit ?

Lecture critique de l’article : Goya et al. Cervical pessary in pregnant women with a short cervix (PECEP): an open-label randomised controlled trial. Lancet 2012; 379: 1800-6.

L’actualité sur la prévention de la prématurité est particulièrement riche. Il y a peu, nous discutions la publication de l’essai prospectif randomisé publié par Hassan et al. évaluant l’intérêt de la progestérone vaginale pour la prévention de l’accouchement prématuré (1). Cette étude montrait la capacité de la progestérone vaginale quotidienne à prévenir une naissance prématurée avant 33 SA et à en réduire la morbidité néonatale pour des grossesses monofoetales asymptomatiques sans antécédent d’accouchement prématuré dont la mesure systématique de la longueur cervicale était diminuée entre 10 et 20 mm et n’ayant aucune co-morbidité associée. Quelque mois plus tard, Romero et al. publiaient une méta-analyse évaluant le bénéfice d’un traitement par progestérone vaginale chez des femmes enceintes asymptomatiques chez lesquelles un col court, défini par une longueur cervicale ≤ 25 mm, a été mis en évidence par une échographie vaginale  de dépistage réalisée au second trimestre de la grossesse (2). Cette méta-analyse venait appuyer les résultats publiés par Hassan et al. en montrant que, par rapport à un placebo, l’utilisation d’un traitement par progestérone vaginale chez ces femmes permet de réduire significativement et de façon importante le risque d’accouchement prématuré avant 35 SA (RR : 0,69 ; IC à 95 % : 0,55-0,88), avant 33 SA (RR :0,58 ; IC à 95 % : 0,42-0,80) et avant 28 SA (RR : 0,50 ; IC à 95 % : 0,30-0,81). En plus de ces résultats, cette méta analyse conclue à la capacité du traitement par progestérone vaginale à prévenir significativement la morbidité et la mortalité néonatale (RR : 0,57 : IC à 95 % : 0,40-0,81). En montrant l’efficacité de la progestérone à prévenir un accouchement prématuré, ces deux articles nous obligent à reconsidérer la possibilité de la mise en œuvre d’un dépistage échographique systématique par mesure de la longueur cervicale au second trimestre.

En mai dernier, le Lancet a publié une magnifique étude espagnole menée par Maria Goya qui vient elle aussi alimenter la discussion sur la prévention de la prématurité (3). Mais cette fois-ci, le moyen de prévention étudié n’est pas la progestérone mais la simple utilisation du pessaire pendant la grossesse. Les résultats sont tout simplement surprenants et extrêmement prometteurs. En bref, selon cette étude, par rapport aux patientes pour lesquelles aucune prise en charge préventive n’a été mise en œuvre, l’utilisation du pessaire chez des femmes enceintes ayant une longueur cervicale raccourcie à 25 mm ou moins permettrait de diminuer de manière significative le risque d’accouchement prématuré et ce de manière très efficace (OR : 0,18 ; IC à 95 % : 0,08-0,37 ; p<0,0001).

Alors, que dire tout d’abord de la méthodologie ? Elle est tout simplement irréprochable. Il s’agit d’un essai prospectif randomisé dans lequel ont été incluses des femmes enceintes d’une grossesse monofoetale ayant une longueur de col ≤ 25 mm à l’échographie systématique du second trimestre de grossesse réalisée entre 18 et 22 SA. Après inclusion, les patientes étaient randomisées en deux groupes. Le premier groupe bénéficiait de la mise en place par un médecin d’un pessaire vaginal qui devait être laissé en place toute la grossesse jusqu’à la 37eme SA ou plus tôt en cas de métrorragies, de menace d’accouchement prématurée avec présence de contractions utérines non calmées par une tocolyse, ou en cas de mauvaise tolérance maternelle. Le second groupe de patientes servait de témoin et ne bénéficiait d’aucun traitement préventif. Au total, ce sont 385 femmes enceintes qui ont été incluses et randomisées dans le groupe pessaire (n=192) et dans le groupe témoin (n=193). Ce nombre de patientes permettait d’évaluer avec une puissance de 80% une réduction de l’incidence de l’accouchement prématuré avant 34 SA estimée à 28 % dans le groupe témoin et à 14 % dans le groupe pessaire. Les caractéristiques initiales des patientes étaient strictement comparables entre les deux groupes. Au final, ce sont 12 (6 %) patientes du groupe pessaire qui ont accouché avant 34 SA contre 51 (27 %) du groupe témoin (p<0,0001). De plus, par rapport au patientes du groupe pessaire, la nécessité de recourir à un traitement tocolytique était plus importante pour les patientes du groupe témoin : 64 (34 %) vs. 101 (53 %), respectivement (p<0,0001). Le même résultat était observé pour le recours à la corticothérapie de maturation pulmonaire fœtale : 80 (42 %) vs. 121 (64 %), respectivement (p<0,0001). En plus de la réduction du taux de naissance prématuré avant 34 SA, l’utilisation du pessaire était associée à une réduction significative du risque de poids de naissance < 1500 g (OR : 0,31 ; IC à 95 % : 0,13-0,72) et < 2500 g (OR : 0,23 ; IC à 95 % : 0,12-0,43), de syndrome de détresse respiratoire néonatale (OR : 0,20 ; IC à 95 % : 0,06-0,55) et de recours à un traitement d’un sepsis néonatal (OR : 0,24 ; IC à 95 % : 0,04-0,90). Au total, l’utilisation du pessaire était associée à une réduction significative de la morbidité périnatale (OR : 0,14 ; IC à 95 % : 0,04-0,39). Enfin, le pessaire était extrêmement bien toléré puisque asymptomatique dans la très grande majorité des cas ; seulement 1 (<1 %) patiente s’est plaint d’une gêne ayant du faire indiquer le retrait du dispositif et celui-ci a du être remis en place sans être retiré chez 27 femmes (14 %). Au total, 181 (95 %) patientes étaient satisfaites de l’utilisation du pessaire pendant leur grossesse et étaient prêtes à le recommander à d’autres femmes dans la même situation que la leur.

Mais attention, un pessaire ne signifie pas n’importe lequel et celui employé dans cette étude est bien particulier. Il s’agit d’un pessaire modèle : CE0482, MED/CERT ISO/EN 46003 ; Dr Arabin, de 65 mm de plus grand diamètre, 25 mm de hauteur et 32 mm de plus petit diamètre. Ce pessaire de forme convexe était placé autour du col, faisant l’effet d’un cerclage très lâche, et sa convexité venait épouser les culs-de-sac vaginaux. Ce point est très important car la singularité de ce modèle de pessaire ne permet pas d’extrapoler le bénéfice de l’utilisation de n’importe quel pessaire dans cette situation.

Pour conclure, il s’agit de la première étude évaluant et démontrant le bénéfice du pessaire utilisé pour la prévention de l’accouchement prématuré chez des patientes asymptomatiques ayant un col court au second trimestre de la grossesse. Même si ces résultats sont extrêmement prometteurs, il faudra les valider par d’autres études avant d’envisager l’utilisation du pessaire en pratique courante. Enfin, si les résultats semblent mettre en avant une excellente efficacité de ce modèle de pessaire utilisé dans cette indication, en l’absence d’étude comparant la progestérone vaginale et le pessaire, il est impossible de conclure à la supériorité d’une méthode par rapport à l’autre. Quoi qu’il en soit, ce n’est plus une option thérapeutique mais deux que nous pourrions aujourd’hui proposer à nos patientes. Plus que jamais, la discussion sur l’intérêt du dépistage de la prématurité par mesure systématique de la longueur cervicale doit être menée. Voilà un enjeu de santé publique pour lequel nous pourrions avoir une solution. Celle offerte par le pessaire est d’une simplicité et d’un coût si faible qu’il en laisse rêveur…
 

Pour en savoir plus :

  1. Hassan SS, Romero R, Vidyadhari D, Fusey S, Baxter JK, Khandelwal M, et al. Vaginal progesterone reduces the rate of preterm birth in women with a sonographic short cervix: a multicenter, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Ultrasound Obstet Gynecol. 2011 Jul;38(1):18-31.
  2. Romero R, Nicolaides KH, Conde-Agudelo A, Tabor A, O'Brien J, Cetingoz E, et al. Vaginal progesterone in women with an asymptomatic sonographic short cervix in the midtrimester decreases preterm delivery and neonatal morbidity: a systematic review and metaanalysis of individual patient data. American journal of obstetrics and gynecology. 2012;206:124e1-19.
  3. Goya M, Praatcorona L, Merced C, Rodo C, Valle L, Romero A, et al. Cervical pessary in pregnant women with a short cervix (PECEP): an open-label randomised controlled trial. Lancet. 2012;379:1800-06.

 
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